OÙ EN SONT LES DROITS DE LA FEMME AU LIBAN?
HARCÈLEMENT SEXUEL: LA LOI DU SILENCE

La législation libanaise ne punit pas le harcèlement sexuel. Il y a un véritable tabou autour de ce sujet, une peur inouïe quelque part justifiée, faute de normes morales et de lois. Dans une société qui se dit démocratique, il est inadmissible que la séduction se termine par des menaces ou toute autre forme de chantage à l’embauche ou à l’évolution professionnelle. Contrairement à toutes les idées reçues, ce sujet suscite, désormais, une indignation profonde, surtout en l’absence d’une protection juridique. Toutes les femmes interrogées souhaitent qu’une loi protège particulièrement les salariées. Il s’agit là d’un vrai bouleversement culturel et d’un retournement des valeurs. Loin d’être un sujet de plaisanterie, ce phénomène est très répandu au Liban: des secrétaires, des stagiaires, des cadres confient leur désarroi mais tiennent, absolument, à ne pas dévoiler leur identité. Elles veulent que tout ceci s’arrête et ont longtemps hésité avant de révéler ce qu’elles subissent. Si on se fie aux apparences, la femme libanaise donne l’impression d’être très libérée, mais au fond où en sont ses droits? Nous sommes déjà en l’an 2000 et plusieurs lois sont toujours discriminatoires à l’égard des femmes. Ceci explique le fait qu’un grand nombre d’associations se sont mobilisées pour essayer de résoudre ce problème.

ÉGALITÉ DANS LES DROITS ET OBLIGATIONS
Se basant sur la Constitution qui prévoit l’égalité entre tous les citoyens, la ligue des droits de la femme libanaise a présenté un dossier intitulé “Egalité dans les droits et obligations”, suggérant la modification de certains textes dans le droit du travail, le statut des salariés, le code de la sécurité sociale, le droit pénal et le droit commercial. Ainsi, dans le statut des fonctionnaires et salariés, l’article 3 du décret 3950 daté du 27/4/1960, attribue des allocations familiales aux “hommes” fonctionnaires, uniquement, malgré que l’impôt sur le revenu des femmes et des hommes soit le même. Par ce fait, la Libanaise ne bénéficie pas des mêmes avantages que le Libanais. L’article 26 du décret 47 daté du 29/6/83 du statut de la retraite et du licenciement, mentionne que la famille du fonctionnaire retraité ou décédé bénéficie d’une indemnité de salaire. Dans le cas d’une femme, ceci n’est pas automatiquement possible. Le projet réclame qu’il y ait égalité entre les deux sexes.
Dans le droit du travail, l’article 28 stipule que l’employeur peut adresser une mise en demeure de licenciement à la femme enceinte à partir du 5ème mois de grossesse. Il faudrait abroger cette loi, afin de préserver la santé et le bien-être de la femme et de l’enfant. Dans la loi sur la Sécurité sociale, l’article 14 est rédigé au masculin et ne fait cas que de l’homme assuré, ce qui implique que les descendants d’une femme salariée qui prend sa retraite ou décède, ne perçoivent pas d’indemnités, malgré qu’elle ait cotisé à la CNSS. Pourquoi cette distinction entre les sexes? N’est-il pas temps de modifier ces dites lois?...
Dans le droit pénal, les articles 487 et 488 concernent les sanctions relatives à l’adultère. Ainsi, la femme devra purger entre 3 mois et 2 ans de prison, alors que l’homme purgera 2 mois à 1 an d’incarcération et il doit faire l’objet d’un flagrant délit dans le domicile conjugal ou avoir une maîtresse. La ligue des droits de la femme libanaise réclame que la sanction soit la même aussi bien pour les hommes que pour les femmes. L’article 489 stipule, également, que si l’homme trahi accepte la reprise de la vie conjugale, l’accusation est levée. L’article 522 innocente l’homme qui a violé une femme s’il l’épouse. La ligue demande l’abolition totale de cette loi. L’article 627 mentionne que le tenancier d’un cabaret est passible de sanctions, s’il emploie des filles ou des femmes de moins de 21 ans, à condition qu’elles n’aient aucun lien de parenté avec lui. S’il s’agit d’une épouse ou d’une sœur, la sanction est levée! La Ligue réclame que le tenancier soit sanctionné, qu’il s’agisse de femmes ou d’hommes de moins de 21 ans; il en sera de même s’il fait travailler des membres de sa famille. D’autres lois discriminatoires à l’égard de la femme sont toujours en vigueur au Liban. Pourquoi, par exemple, la Libanaise ne peut-elle pas donner sa nationalité à ses enfants?
Et dire que, durant les dernières années, des milliers d’étrangers ont été naturalisés...
 

Si on se fie aux apparences, la femme libanaise donne l’impression d’être très libérée, mais au fond où en sont ses droits?

PROTÉGER LA FEMME CONTRE LA VIOLENCE
Plusieurs volontaires luttent pour essayer de modifier les lois qui perpétuent l’inégalité entre les hommes et les femmes.
- “Le rassemblement démocratique des femmes libanaises”, travaille pour la lutte contre la violence. Pour plus de renseignements, il est possible de le contacter au 01-370120.
- “Le Conseil libanais pour résister à la violence faite à la femme”, a été fondé en 1997.
Cette association a pour but de s’occuper des problèmes de violence contre la femme sous toutes leurs formes, en donnant des conférences et en œuvrant pour la modification de certaines lois, en plus de la consultation juridique gratuite, l’aide morale et sociale proposée aux victimes et la sensibilisation communautaire. Il est possible de la contacter aux 01-612899, 01-612846 et au service “Hot Line” accessible jour et nuit au 03-829809 à Beyrouth et au 03-924089 à Tripoli.
(e-mail:www.Lebanesewomen.org)
Lina Haddad, assistante sociale de l’association, nous confie: Les femmes mettent beaucoup de temps avant de révéler ce qu’elles subissent. Nous avons demandé la modification de plusieurs lois, mais il s’agit là d’une longue procédure, car il faudrait qu’on puisse prouver, en se basant sur des cas réels, qu’il y a une faille dans la loi. Cette année, nous participons à “la campagne des droits féminins” lancée par le tribunal des femmes arabes. Treize pays y participent. Cependant, le sujet du harcèlement sexuel n’a pas encore été réellement abordé.


Aux Etats-Unis, les querelles de bureau
peuvent coûter très cher: 50 millions de dollars
d’indemnités pour propos sexistes tenus
à l’encontre d’une employée de supermarché,
2 millions pour des e-mails salaces et
1,5 million pour une tape sur l’épaule.

POURQUOI CE SUJET RESTE-T-IL UN VÉRITABLE TABOU AU LIBAN?
Aux Etats-Unis, les querelles de bureau peuvent coûter très cher: 50 millions de dollars d’indemnités pour propos sexistes tenus à l’encontre d’une employée de supermarché, 2 millions pour des e-mails salaces et 1,5 million pour une tape sur l’épaule. (L’Express nÞ2497)
En France, draguer n’est pas harceler. Une invitation à dîner, des poèmes enflammés posés sur le bureau de sa secrétaire - ça s’est vu - ne constituent pas aux yeux des juges, du harcèlement sexuel. Même chose pour les regards enjôleurs, les propos sexistes ou l’affichage pornographique (L’Express nÞ2497). Un environnement hostile ne constitue donc pas en France du harcèlement en soi, alors qu’aux Etats-Unis, il déclenche une pluie de procédures. Le législateur français a pris beaucoup de précautions, pour éviter les dérives “à l’américaine”.  Selon la “loi Neiertz” appliquée depuis 1994, c’est aux plaignantes d’apporter la preuve du délit. Dans le code pénal, l’article 222-33 de la loi du 22 juillet 1992 condamne le fait de “menacer autrui en usant d’ordres de menaces ou de contraintes, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions. Dans le code du travail, l’article L. 122-46 déclare abusif et nul de plein droit, tout licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié “ayant subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement d’un employeur, de son représentant ou de toute personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions”. En France, la définition même du harcèlement exclut des conduites délictueuses, les pressions exercées sur des collègues de même niveau hiérarchique d’où la grande déception des féministes. Enfin, malgré sa complexité et ses imperfections éventuelles, cette loi a le mérite d’exister.

COMMENT LES PSYCHIATRES DÉFINISSENT-ILS LE HARCÈLEMENT SEXUEL?
A ce sujet, le Dr Josyan Madi Skaff précise: Il y aurait harcèlement sexuel à partir du moment où il y a comportement sexuel, d’abord non désiré par l’autre et vécu par l’autre comme une agression ou un traumatisme. Il y a toute une gamme de comportements qui peuvent commencer par un discours avant d’aboutir à une relation physique. Il y a toujours l’association d’une violence morale.

A votre avis, la violence morale est-elle plus dure que la violence physique?
Il y a des degrés de violence psychologique ou morale. Dans le cas du harcèlement, la violence est psychologique et physique. La violence psychologique est une menace à l’identité de l’individu. La violence morale peut aboutir à une transgression des valeurs sociales.

Quel est le portrait du harceleur?
Je ne sais pas s’il existe un portrait spécifique. Le harcèlement sexuel n’est pas forcément basé sur le fait d’avoir une relation physique. Il peut commencer par un discours violent et sexuel jusqu’au passage à l’acte. Ce phénomène n’est pas nouveau, mais c’est maintenant qu’on en parle.  De toute façon, ce ne sont pas seulement les hommes qui agressent les femmes; il existe, aussi, un harcèlement moral et/ou sexuel des hommes par les femmes. D’après une étude toute récente, une grande proportion des harceleurs aurait des problèmes psychiatriques importants. Mais peut-on généraliser? Je ne pense pas.
Les Américains en ont donné un sens extrêmement large. C’est devenu excessif: toute interaction entre un homme et une femme peut être définie comme harcèlement!

Avez-vous déjà traité des personnes harcelées?
Je n’ai eu aucun cas de harcèlement sexuel à traiter. Cependant, il y a quelques mois, j’ai dû voir en consultation une jeune fille qui avait été suivie par un homme en voiture:  il l’avait coincée et obligée à descendre. Ça s’est passé en plein jour, mais dans une rue secondaire. Il lui avait tenu un discours très agressif et l’avait physiquement violentée sans qu’il y ait eu d’acte sexuel proprement dit. Elle est venue me voir parce qu’elle était traumatisée et ne savait pas quoi faire ni à qui s’adresser.

Quelles séquelles peuvent garder ces personnes?
Tout dépend de l’intensité du harcèlement et de sa chronicité. Si cela est répétitif et de grande intensité, les conséquences psychologiques peuvent être graves. La  personne harcelée va se sentir en situation de peur, voire d’insécurité, avec des relations perturbées qui seront toujours un rappel de ce qui s’est passé. Tout ceci va se répercuter sur ses relations avec les autres, sur le fonctionnement professionnel, social et familial. Le harcèlement sexuel reste, cependant, très difficile à prouver. La victime se sent souvent dans une position de honte et a beaucoup de mal à en parler, d’où l’importance de pouvoir “dire” le traumatisme. A court terme, il est important d’essayer de changer d’environnement si ceci est possible et de demander une aide psychologique. A long terme, il est essentiel de pouvoir créer des associations qui fassent pression sur des députés, afin de créer une législation à ce sujet.

Le harceleur serait-il pervers ou peut-être Don Juan?
Ce n’est pas, forcément, quelqu’un de pervers, ni un Don Juan non plus. C’est soit quelqu’un qui abuse de sa position, soit quelqu’un qui aurait besoin d’être soigné. Dans tout harcèlement, il y a une dialectique du pouvoir, du rapport de force entre deux individus. Le pervers a une orientation sexuelle qui ne correspond pas à son âge chronologique et pourrait être traumatisant pour l’autre. Le Don Juan est, par contre, très narcissique. Il est toujours à la recherche de lui-même et ne peut pas établir une relation avec l’autre; ceci vient de son enfance, de sa personnalité, des circonstances dans lesquelles il a grandi et évolué. En résumé, il n’y a pas de définition claire du harcèlement sexuel et pour le moment, peu de littérature scientifique à ce sujet.

Le Dr Samuel Lepastier, psychiatre à l’hôpital Pitié-Salpêtrière à Paris, est l’auteur de plusieurs études sur le harcèlement sexuel.
D’après lui, le harcèlement devrait être tenu pour l’équivalent d’un viol, la contrainte morale remplaçant la force physique. C’est un viol incestueux: le supérieur hiérarchique, qui détient l’autorité, incarne une image parentale. Devant son patron, la victime se voit comme une petite fille face à son père, d’où le choc. C’est pourquoi, elles ont tant de mal à réagir.

Quel est le portrait-robot du harceleur?
Il existe trois portraits-types: l’impuissant qui se venge et utilise son autorité pour se rassurer; le pervers qui cherche à humilier sa victime; le narcissique, qui utilise le harcèlement pour valoriser son image. Leur comportement s’explique, souvent, par une fixation à la mère, toute puissante et idéalisée; une mère harcelante. Devenu adulte, le harceleur ne parvient pas à trouver une femme à l’image de sa mère et il en souffre.

Pourquoi harcèle-t-il les femmes?
Ce qui l’intéresse, c’est la position de pouvoir. Le sexe n’est qu’un prétexte. D’ailleurs, le harceleur ne demande pas, systématiquement, des rapports sexuels. On trouve ici, surtout, le besoin d’humilier la femme et de la rabaisser plutôt que celui d’en tirer du plaisir. Si le harceleur n’éprouve pas le plaisir d’humilier l’autre, son jeu n’aurait aucun intérêt.

Qui sont les harcelées?
Ce sont les femmes en position vulnérable qui n’osent pas se défendre et que le harceleur choisit avec soin. Elles ont du mal à résister à l’autorité.

Comment réagir devant un harceleur?
Le harceleur est comme un garçon vicieux; on peut lui résister et il peut être soigné. Si on l’aide à se détacher de sa mère et à moins craindre les femmes, il pourra avoir des relations  normales avec les autres (L’Express nÞ2497).
 
TÉMOIGNAGES
Ghada (34 ans).
Deux mois après mon embauche dans une chaîne de télévision où j’étais censée présenter un programme, j’ai commencé à être vraiment harcelée par le directeur. Au début, il n’arrêtait pas de me faire toutes sortes de compliments portant, aussi bien sur mon travail que sur mon physique. Je le trouvais très gentil et d’une grande simplicité; il me téléphonait presque tous les jours pour avoir soi-disant des renseignements d’ordre professionnel. Puis, il m’a proposé de voyager avec lui pour du travail, chose que j’ai refusée pour des raisons familiales! Par la suite, tout a commencé à dégénérer, depuis le jour où il m’a fait des avances ouvertement; je préfère ne pas parler des détails qui me dégoûtent... Il insistait et me tenait à chaque fois le même discours. Devant mon refus permanent, il a fini par devenir agressif et ne répondait même plus au téléphone lorsque je l’appelais. Au bureau, il commençait à me rendre la vie impossible; j’ai donc décidé de quitter mon emploi, car je pouvais me le permettre, mais je plains toutes celles qui sont obligées de travailler dans ces conditions en gardant le silence...
Carla (38 ans).
J’ai été harcelée pendant trois ans durant lesquels je me sentais vraiment mal dans ma peau, dépressive. Je ne savais pas quoi faire, ni à qui me confier; j’étais incapable de réagir ou de dire non, malgré qu’au fond de moi-même je voulais que toute cette humiliation s’arrête. Divorcée, mère de deux enfants, j’étais dans le besoin et je tenais à ne pas perdre mon travail. A l’époque, j’étais très vulnérable et je crois qu’il a profité de la situation. Un jour, il est entré dans mon bureau et m’a dit: “Es-tu sûre que tout va bien? Si tu as des problèmes, je pourrai t’aider à les résoudre...” Je croyais que c’était un bon ami; j’étais naïve et je lui ai fait confiance. Au début, il paraissait très aimable et m’aidait moralement; puis, lorsqu’il a senti que je commençais à avoir des sentiments envers lui, il n’a pas hésité à me manipuler en tenant des propos vulgaires et en m’humiliant. Je dormais de plus en plus mal, j’ai perdu huit kilos en deux mois et je suis devenue anorexique. J’avais du mal à m’exprimer et je n’osais rien faire contre lui... Il m’a obligée à avoir des relations sexuelles et m’a fait comprendre que si je refusais, je serais virée. Aujourd’hui, je ne comprends pas comment ai-je pu être soumise à ce point? Cet homme a eu un grave accident de voiture et a quitté le travail. C’est ainsi que j’ai pu m’en débarrasser.


Plus nous avons poussé notre enquête et plus nous nous sommes rendus compte que ce phénomène constitue un véritable tabou au Liban.Plusieurs personnes interrogées, entre autres des députés ont évité d’aborder ce sujet mais nous avons quand même voulu savoir ce que pensent les Libanais de tout ceci?
Mme Linda Mattar,
présidente de la ligue des droits de la femme libanaise, précise: Il existe une loi qui punit la violence, en général. Il n’y a, cependant, aucun texte juridique traitant des droits de la femme en particulier et les sanctions ne sont, d’ailleurs, pas du tout dissuasives. Quant au harcèlement sexuel, il n’y a aucune loi le concernant, malgré que ce phénomène soit très répandu, surtout lorsque la femme travaille. Malheureusement, ceci peut nuire à son emploi et les jeunes se trouvent réellement menacées. Souvent, la femme préfère se taire et n’en parle même pas, afin de ne pas perdre son travail; la ligue des droits de la femme libanaise réclame une loi combattant la violence contre la femme sous toutes ses formes; le harcèlement sexuel est une forme de violence. La jeune Libanaise devrait, par conséquent, être protégée par la loi, sans qu’elle soit soumise au chantage ou à toute sorte de menace.

Mme Ikbal Doughan,
présidente du conseil national de la femme libanaise, depuis deux mois et présidente de la ligue de la femme au travail, nous confie qu’il n’y a aucune proposition de loi à ce sujet, mais que le conseil féminin réclame un texte protégeant les salariées du harcèlement sexuel. Cependant, il faudrait absolument qu’il y ait un texte juridique pour punir ce genre d’abus, dans le cadre du travail, comme c’est d’ailleurs, le cas dans plusieurs pays. Malheureusement, au Liban, si la jeune femme a vraiment besoin de travailler, elle accepte ce qui se passe malgré elle, sinon elle se voit obligée de quitter son emploi, en préférant garder le silence. Nous avons une hot-line pour les femmes qui ont des problèmes dans leur travail. Nous abordons avec elles différents sujets, mais dès qu’il s’agit de “harcèlement sexuel”, les femmes tiennent à ne pas dévoiler leur identité.

Me Fady Moghaïzel:
Il faudrait, absolument, qu’il y ait une loi sanctionnant clairement le harcèlement sexuel au travail, sinon les salariées seront toujours confrontées à ce risque, d’autant plus qu’il y a aujourd’hui une crise économique et qu’il est très difficile de trouver du travail, ce qui fait que les femmes salariées hésitent à rapporter ce genre d’incident. Elles sont encore plus vulnérables et préfèrent garder le silence, parce qu’il est difficile de pouvoir trouver un nouvel emploi. C’est pourquoi, il faut qu’il y ait une loi très stricte qui sanctionne, sévèrement, l’employeur ou toute personne du même rang ou d’un rang supérieur qui abuse de sa situation. Lorsqu’il y aura des sanctions sévères, on pourra contribuer à faire reculer ce phénomène, qui devient de plus en plus grave, surtout que les employeurs savent qu’ils ont un pouvoir de contrôle assez important sur les salariés à cause, justement, de cette crise économique.
A la question: Pensez-vous élaborer une proposition de loi à ce sujet?, Me Moghaïzel répond qu’il faudrait qu’un député en prenne l’initiative. En fin de compte, élaborer le texte n’est pas difficile, car il existe des lois similaires dans d’autres pays. Ceci pourrait, également, se faire dans le cadre d’une loi anti-discriminatoire, plus globale pour le travail. Les associations des droits de l’homme ou celles qui s’occupent des droits de la femme pourraient faire pression sur les parlementaires, afin qu’ils prennent une initiative à ce sujet.

Me Sonia Ibrahim Attieh:
Le comité chargé d’étudier les problèmes de discrimination envers la femme libanaise a abordé ce sujet mais, apparemment, aucune proposition de loi n’a été faite. A l’époque, mon avis là-dessus était clair: le harcèlement sexuel ne devrait pas être uniquement attribué aux femmes, car il existe une égalité des sexes. Une femme peut, elle aussi, harceler un homme. La loi devrait sanctionner aussi bien l’homme que la femme, lorsqu’ils abusent de leur situation dans le cadre du travail et harcèlent des personnes du même rang ou d’un rang hiérarchique inférieur. Ceci est inadmissible, surtout lorsque ces incidents ont des répercussions sur l’évolution professionnelle ou constituent une sorte de menace ou de pression. Il devrait y avoir une loi bien précise, car le harcèlement sexuel et dans la vie courante, ne devrait pas du tout être considéré comme un délit, sauf lorsqu’il y a abus de pouvoir. Ce qui se passe à l’étranger n’est pas très logique. Il y a une différence entre “draguer” et “harceler”. Sinon, comment montrer son attraction pour l’autre? La séduction est quelque chose de très normal et propre à tout être humain...


Ghada Chikhani,
Miss Liban 1988, présentatrice d’un programme sportif télévisé, nous confie: L’homme essaye de séduire la femme par nature et s’il trouve que c’est facile, il y va; par contre, s’il voit qu’il y a des obstacles, il arrête, mais le problème au Liban est qu’il n’y a pas de lois pour protéger la femme. En l’absence donc d’une législation à ce sujet, qu’est-ce qui pourrait empêcher l’homme de la harceler? Dans ce cas, elle préfère ne rien dire et continue à se taire. De toute façon, les femmes n’auront vraiment leurs droits que lorsqu’il y aura une égalité des sexes, l’environnement oriental étant très particulier. 

Misbah el-Ahdab: “Je m’en veux de ne pas être au courant de l’absence de lois concernant le harcèlement sexuel”

Misbah el-Ahdab, député, ne fait partie d’aucun comité responsable des droits de la femme. Cependant, nous avons tenu à avoir son avis en tant que parlementaire.
Je suis certainement responsable, dit-il, en tant que député, du manque législatif mais, sincèrement, je m’en veux de ne pas être au courant de l’absence de lois concernant le harcèlement sexuel. Je n’ai même jamais vu traiter un problème de ce genre. Il est certain que je compte énormément sur la femme au Liban et sur la jeunesse. Ils font partie d’un potentiel important pour le développement et le futur du pays, surtout en ce qui concerne la création et la culture. Le harcèlement sexuel pourrait déstabiliser les femmes dans leur côté créatif et producteur. Il faut garantir leurs capacités et élaborer des législations spécifiques dans tous les domaines. J’estime donc qu’il est impératif de faire quelque chose, en collaboration avec les associations existantes qui devraient nous aider; elles auraient dû, cependant, alerter les parlementaires. Je n’ai jamais été contacté par qui que ce soit à ce sujet. Un député n’est pas un spécialiste dans tous les domaines. Il faut qu’il soit guidé par des connaisseurs, afin d’arriver à quelque chose de bien déterminé pour pouvoir le faire passer en lois. Il faudrait, surtout, attirer l’attention sur le fait que ce phénomène existe, en commençant déjà par alerter l’opinion publique. C’est un sujet tabou; on n’en parle pas. A la limite, c’est peut-être pour cela qu’on n’a pas l’impression qu’une loi manque. Avant tout, il faut qu’il y ait un endroit où les femmes puissent aller se plaindre. En tant que parlementaire, je suis prêt à me réunir avec des spécialistes en la matière en vue d’élaborer un projet de loi, en essayant de le faire signer par dix députés. Comment peut-il y avoir un texte juridique, s’il n’y a pas de proposition de loi? Il faudrait le faire en connaissance de cause, avec l’aide des associations et des personnes concernées. 

Par NADINE FAYAD COMAIR

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