DÉPUTÉ DE KOURA FARID MAKARI:
“EN S’ATTAQUANT À LA SYRIE EN TERRITOIRE LIBANAIS, ISRAËL
PROVOQUERAIT UNE GUERRE OÙ TOUTES LES PARTIES SERAIENT PERDANTES”

M. Farid Makari, député de Koura (Liban-Nord), ne se laisse pas griser par le succès ni abattre par l’échec.
Il se prête volontiers à l’autocritique, autant qu’il demande des comptes aux autres s’ils viennent à lui causer du tort.

Quelle est son analyse de la décision prise par Israël, avec vingt-deux années de retard, d’appliquer les résolutions 425 et 426 du Conseil de Sécurité exigeant son retrait inconditionnel du Liban-Sud? Elle traduit, dit-il, une décision stratégique que Benjamin Netanyahu avait envisagé de prendre au printemps de 1998; mais il y avait renoncé par la suite.
Cependant, le positivisme résultant de l’engagement de l’Etat hébreu à évacuer le Sud, n’élimine pas le manque de transparence dans le calendrier du retrait. De toute façon, la position de M. Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies, a assuré le plafond convenable pour l’application de la décision israélienne. Aussi, a-t-il invité toutes les parties concernées à prendre les dispositions voulues pour assurer le retrait en douceur, promettant de combler le vide au plan sécuritaire par les forces internationales stationnées au Sud. La souveraineté du Liban doit être respectée, l’ONU ayant un rôle décisif dans l’action permettant au Liban d’étendre cette souveraineté à l’ensemble de son territoire et jusqu’aux frontières internationalement reconnues. D’ailleurs, le renouvellement du mandat de la FINUL au mois de juin constitue, en lui-même, une garantie quant à la non-violation de la souveraineté du Liban.
De la récente tournée présidentielle dans six Etats arabes et en Iran, M. Makari pense qu’elle a eu une portée politique, en plus de son caractère économique. Le président Lahoud a explicité la position du Liban officiel, tout en faisant état des appréhensions que suscite le retrait israélien dans des conditions non encore clarifiées par Tel-Aviv.

Peut-on s’attendre à une réactivation des investissements arabes après le périple présidentiel?
Je ne voudrais pas paraître pessimiste sur ce point, d’autant que nos expériences dans ce domaine n’ont pas été encourageantes dans le  passé. Bien que le Liban ait beaucoup offert aux Arabes et en faveur de leur cause stratégique, la cause palestinienne. D’où son droit au soutien politique et matériel de ses frères pour qu’ils l’aident à résister à l’ennemi sioniste et à déjouer ses plans suspects.
Du mémorandum que le président de la République a adressé au secrétaire général des Nations Unies, le parlementaire nordiste dit que c’est un “coup de maître”, exposant les droits du Liban, attirant la conscience de la communauté internationale sur les agissements de l’Etat hébreu contre notre pays et ses populations civiles et invitant les capitales où se prennent les décisions, les Etats-Unis en tête, à prendre position en faveur de la victime contre l’agresseur et non le contraire.

D’aucuns soutiennent que l’échec du sommet Assad-Clinton à Genève a torpillé le processus de paix; comment évaluez-vous ses résultats?
Les avis sont partagés jusqu’ici sur les causes de cet échec. Je crois qu’Israël juge dans son intérêt de satisfaire, non un président américain en instance de départ, mais le futur chef de la Maison-Blanche qui entrera en fonctions en janvier prochain. Certains ne désespèrent pas de la relance des négociations sur le volet syro-israélien, mais je crois que si le dialogue n’est pas repris entre Damas et Tel-Aviv d’ici à trois mois, le processus de paix sera bloqué. Je tiens à dire que si la paix est une option stratégique syrienne, la partie israélienne œuvre en vue d’en entraver l’instauration.
Mais j’ai la conviction que la paix sera réalisée en définitive au Proche-Orient, le temps jouant davantage en faveur des Arabes que d’Israël. La Syrie vit sans le Golan depuis des années et peut continuer à vivre longtemps encore avant de le récupérer. Mais Israël et son Premier ministre ne peuvent assurer la stabilité interne étant donné les tiraillements qui finiront, tôt ou tard, par faire  éclater le Cabinet Barak de l’intérieur.

Barak soutient que le temps de la paix avec la Syrie a pris fin et Amr Moussa dit que le processus est en danger. Qu’en pensez-vous?
Je tiens à préciser que la paix ne peut être instaurée dans la région sans la Syrie. Mais sa déclaration ne signifie pas que le Premier ministre israélien a fermé définitivement la porte à la paix dont il a plus besoin que la Syrie et les Arabes.

Le président Hoss estime que tout n’est pas fini par rapport à la paix et que des surprises agréables pourraient encore se produire. Quel est votre avis à ce sujet?
Le chef du gouvernement peut avoir basé son analyse sur les nouvelles faisant état de pressions permanentes que le président Clinton exercerait sur toutes les parties pour sortir le processus de paix de l’impasse.  Le président Clinton doit convaincre les extrémistes israéliens d’évacuer le Golan parce qu’ils occupent illégalement une terre qui ne leur appartient pas, en contrepartie d’une normalisation des relations avec ses voisins. Je suis enclin à partager l’analyse du président Hoss à ce propos.
Sur le rôle des Nations Unies par rapport au retrait israélien, M. Makari pense que l’Organisation internationale est tenue d’appliquer les résolutions 425 et 426 “d’une manière propre”. A cet effet, elle se doit de renforcer les effectifs de la FINUL et d’élargir ses attributions pour permettre aux Casques Bleus, non seulement de préserver la sécurité dans la région frontalière, mais de l’imposer aussi, si elle est menacée par quelque partie. Puis, le comité de surveillance de la trêve, issu de “l’arrangement d’avril 96” devrait se transformer en comité de contrôle chargé du maintien de la sécurité. L’Armée libanaise devrait se déployer progressivement, par la suite, pour remplacer la force internationale jusqu’à l’instauration d’une paix juste et globale dans la région.

Parlons élections: comment se présente votre position dans votre circonscription nordiste et qu’en est-il de vos alliances en vue du scrutin?
Mes alliés à Koura sont connus, ce sont Fayez Ghosn, Salim Saadé et Sleimane Frangié avec lequel nous collaborons depuis huit ans. Il reste à éclaircir la situation au plan électoral à Tripoli, ce qui ne tardera pas à venir.

Quelle est votre position envers le Pouvoir et le gouvernement?
Je voue du respect et de l’estime au président Lahoud, à l’instar de tous les Libanais qui voient en lui la planche de salut sur la voie du changement, comme de l’édification de l’Etat de la loi et des institutions. En même temps, j’établis une distinction entre le Pouvoir et le gouvernement, ma vision par rapport au premier étant très positive et très négative par rapport au second. Car le Cabinet a perdu bien des occasions dont le Liban aurait pu tirer profit, surtout au double plan de l’économie et du secteur social tous deux laissant énormément à désirer.

Propos recueillis par
JOSEPH MELKANE

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