La couleur, à la limite, flambe l’espace.
Voilà la palette rugissante de Nahlé.
![]() Wajih Nahlé a dépassé la calligraphie, qui l’a transcendé pour en faire une écriture toute personnelle. |
![]() Nahlé a créé une spatialité nouvelle, une danse des formes: ce n’est guère le fait d’une fantaisie désordonnée.. |
Ce calligraphe des temps modernes a pourtant voulu créer une
certaine distance séparant son travail de cet art traditionnel qui
n’est pas automatisme pur, mais méditation.
Wajih Nahlé a réussi à introduire dans sa gestuelle
un contrôle, non du geste qui doit demeurer impulsif, mais de son
contenu expressif.
Brisant l’écriture, l’exaspérant, la dépassant,
Nahlé part du principe que la liberté ne sert qu’aux libérations,
mais elle ne vaut que si la libération des formes et des signes
élaborent un autre langage.
Aujourd’hui, à la galerie Sader, nous admirons encore une fois
les compositions d’un homme qui a su faire entrer la vitesse et le risque
dans l’art, a mobilisé ses forces en une fête suprême:
celle de la création qui a quitté la solitude de l’atelier
pour le dialogue direct avec le spectateur. Oui, il n’y a pas d’art sans
liberté, qu’on nous pardonne ce truisme, en raison de son actualité.
La peinture contemporaine est devenue enfin libre, voire “sauvage”.
Aujourd’hui, les artistes n’ont plus besoin de justification pour déployer
toute la furie de leur dessin et toute la violence des couleurs.
A preuve ces magnifiques toiles d’une rare intensité, où
le mouvement de la main et même du bras n’est jamais interrompu dans
son élan.
Des compositions captant toute la lumière du monde, qui font
chanter la couleur, où les coups de brosse nerveux creusent des
sillons laissant réapparaître en stries, la couche inférieure
d’une autre teinte.
La palette de Wajih Nahlé est d’une puissance certaine.
Il y a, certes, l’emploi intensif des primaires, le rouge, le jaune.
Et, surtout, ce bleu exceptionnel, un bleu avec des profondeurs mal définis,
le bleu, maelström où viennent s’engloutir d’autres tonalités...
Son choix apparemment arbitraire des valeurs chromatiques les plus
crues, les plus violentes, n’est guère le fait d’une fantaisie désordonnée.
Wajih Nahlé construit et organise solidement sa toile, selon des
rythmes simples ou brutaux, mais toujours expressifs. La couleur seule
suggère l’espace, la lumière des volumes par leur intensité.
Les couleurs deviennent comme le disait Derain “des cartouches de dynamite...”
Elles flambent presque l’espace pictural. Créent une spatialité
nouvelle. Il vous faut visiter cette exposition. Les spectateurs et les
compositions se trouveront irrémédiablement liés par
un contact affectif, voire charnel, qui ne laissera aucun d’eux insensible
à cet art, où la couleur est un cri.