Editorial



Par MELHEM KARAM 

POURQUOI LE CONFLIT SUR LES FERMES DE CHÉBAA?
Ô LIBAN, COMBIEN AS-TU PAYÉ ET COMBIEN DOIS-TU ENCORE 
PAYER LE PRIX DE LA LIBERTÉ ET DE LA PAIX!

Beaucoup l’imaginent comme le dernier coup. Pourtant, avec Israël, nul ne sait quand sera asséné le dernier coup! Etant entendu que le fait de frapper l’électricité au Liban est devenu, à force de répétition, un acte de techniciens et non d’hommes politiques. Dès que les installations sont atteintes, les techniciens accourent pour les réparer. Une fois d’Occident et une fois et davantage des Arabes. Surtout lorsque l’Occident boude.
Il est regrettable pour nous de dire cela. Il est vraiment regrettable de parler avec quelque chose de l’habituelle indifférence d’une question qui affecte le Liban dans ses infrastructures civiles et au cśur de son orientation politique. Plus regrettable encore est la froideur manifestée, délibérément, par les gens de la décision à appeler à la retenue et à la non riposte. Ceci est, également, devenu une histoire ordinaire. Dans le jeu de l’indifférence, nul ne peut ainsi imaginer la situation. D’autant qu’aujourd’hui, le Liban vit ses nuits, même sans électricité. Mais la lumière ne venait-elle pas toujours de l’obscurité?
Ni l’Amérique ne peut manifester de l’indifférence face à une histoire qui affecte, directement, sa présence en Orient. Ni l’Europe ne le peut aussi, elle qui revient de nouveau, joyeuse, dans cet Orient. La Russie ne le peut pas non plus, elle qui désire récupérer ce qu’elle a perdu ici après la chute du “mur de Berlin”. Comme s’il était permis d’oublier le rêve des eaux chaudes.
Ni les Arabes, naturellement, qui ont siégé en mars à Beyrouth; puis, au Caire surtout après la venue du président Hosni Moubarak au Liban; puis, du prince héritier Abdallah d’Arabie saoudite et de cheikh Sabah el-Ahmed, premier vice-président du Conseil koweitien. Les Arabes sont engagés partant, cette fois, de leur conviction d’adopter la position voulue; tout au moins la position susceptible de former un barrage entre l’agression et la capacité d’y faire face.
Puis, pourquoi l’agression contre le Liban dans son homme et son infrastructure civile? Pour se venger des katiouchas? Dieu, si les vengeances étaient comptées, combien nous en resterait-il dans la conscience de ceux qui vivent sur l’agression? La Résistance et nous qui proclamons l’équation ne pouvant faire l’objet de manipulation. L’occupation appelle la résistance et l’élimination de l’occupation ramène les faits à une nouvelle case. La Résistance est un droit légitime, tant que l’occupation est illégale. Pas d’occupation du tout; définitivement. Ni directement? Ni par un intermédiaire, par terre, par air et par mer. Combien est réaliste celui qui a dit cela. Pas d’occupation, donc pas de résistance. Donc, ni d’arrangement d’avril, l’ABC de tout ce grand jeu!
Non, le fait de frapper n’est pas un acte de techniciens traitant avec des techniciens. Ceux-là pour détruire et ceux-ci pour réparer les dégâts. Non, pour plus que cela était le coup politique global. De l’intérieur à l’extérieur. Et entre les deux, ceux qui reconnaissent à Israël le droit de se défendre. N’est-ce pas ce qu’a dit Lionel Jospin, avant Bir Zeit, le jour de la tuerie de Cana? Hervé de Charette, c’est vrai, a dit le contraire. Même sur le “Hezbollah”, après avoir vu le Premier ministre français... Nous écrivons cela en raison de nos relations sincères avec la France. Il passe des propos sur le “terrorisme” aux propos sur des “actes guerriers”. Et après avoir vu Alain Richard, ministre français de la Défense, répétant ce qu’a dit le Premier ministre. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, essaye d’effacer avec sa diplomatie, non par autre chose, les traces des déclarations du ministre de la Défense. C’est un fait gênant de voir la “cohabitation” française se transformer en “dualité”. Il est plus gênant que la France n’ait pas une politique arabe, à l’instar de la position adoptée par le général De Gaulle après l’agression contre l’aéroport de Beyrouth, le 28 décembre 1968.
Cependant, la situation française nous intéresse et nous ne devons pas oublier la descente des députés français au cours des derniers événements, le jour où le pays était divisé sans être partagé. Pourtant, ceux qui śuvraient en vue de la division, visaient la partition. Le temps n’est pas venu pour nous d’oublier les députés français arrivant, ce jour-là, avec le drapeau tricolore. Les couleurs qui étaient un jour celles de notre drapeau avec un cèdre au centre de sa partie blanche.
Naturellement, ceci était avant l’indépendance et avant que nous ayons un drapeau portant, avec les signatures de nos hommes, nos aspirations. Ceci n’est pas tombé de la mémoire. Nous avons sous les yeux le dernier mouvement ayant secoué la rue. Nous le disons sans contester le droit de ceux qui descendent dans la rue, en évoquant les histoires de la liberté, de la démocratie et des diverses libertés fondamentales que nous considérons comme des éléments constitutifs de leur structure.
L’action de la rue est encore sous nos yeux. Comme si un étrange hasard a voulu que cela se produise le jour où a été posée la question de la dualité française après le voyage de Lionel Jospin dans notre région, à l’instar des triples manifestations de l’information dont notre temps a été le témoin.
La France le veut-elle? Non, la “dualité” française sous le couvert de la “participation”, a engendré cela et l’a provoqué. La France a une présence influente, internationalement. Surtout dans les pays où elle a exercé un mandat ou un colonialisme.
Revenons à Israël. Le fait de frapper l’électricité est destiné à la consommation extérieure, pour mettre l’ami à l’épreuve durant les jours difficiles et pour donner aux autres l’occasion de s’exprimer de manière à ramener l’ami à la campagne de l’Etat hébreu.
Et de l’extérieur à l’intérieur israélien. Le fait de frapper l’électricité au Liban, relève de la politique intérieure, dans un Israël perplexe comme un autre vis-à-vis de la grande échéance. Le premier retrait israélien d’une des terres occupées des Arabes. Il est perplexe entre accomplir ce qu’il a promis à la communauté internationale sous la pression de la Résistance et entre satisfaire la mosaïque de la coalition gouvernementale: Surtout concilier “Shass” et “Meretz”, le rabin Ovadia Youssef et le ministre de l’Education Yossi Sarid, le premier réclamant des fonds pour enseigner la Bible, en sa qualité de guide du parti religieux et, le second, le ministre de l’Education refusant d’accorder l’argent en tant que laïc et de gauche. Et les deux, le rabin, le religieux très à droite et le ministre très à gauche, menaçant de se retirer du gouvernement, si “Shass” obtient l’argent ou si le second refuse d’octroyer les crédits à ce parti.
Lorsque le président Clinton a dit au président Assad que Ehud Barak avait besoin de consolider sa position interne, il disait vrai. Mais la demande de consolidation de cette nature ne peut être présentée à la Syrie qui a convenu avec Le Caire et Ryad de maintenir le rang arabe, si possible, sans fissure. 
Il a dit, aussi, que Barak a confiance en ses possibilités qu’il n’a pas encore mises à l’épreuve, surtout aux frontières avec le Liban. Bien qu’Israël, assure Shamir, ne convoite nullement la terre du Liban!
Est-ce vrai? Pourquoi, donc, le conflit sur le tracé des frontières et d’où ont-ils tiré le terme de “tracé” inexistant dans le lexique des Arabes? Pourquoi le conflit sur le tracé des frontières avec le Liban, alors qu’elles ont été tracées depuis longtemps? Et pourquoi le conflit sur les fermes de Chébaa, comme si l’histoire de Taba se répétait au Liban?
Ô Liban, combien as-tu payé et combien es-tu appelé à payer encore le prix de la paix, le prix de la liberté et le prix de ta foi dans les grands principes! 

Photo Melhem Karam

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