SUR LA CROISETTE, IL PLEUVAIT DES ÉTOILES...
MAIS CANNES 2000 A FINI DE FAIRE SON CINÉMA

Notre pays a un peu vécu à l’heure française, grâce aux nombreuses chaînes de télévision étrangères qui avaient braqué leurs caméras pendant les onze jours durant lesquels se déroulait le Festival du film français, à Cannes.

Si le reste du temps, cette belle ville du Sud se laisse seulement caresser par la grande bleue, Cannois et citoyens de la planète n’auront eu d’yeux que pour les marches du palais qui, à cette occasion, avaient tendu leur tapis rouge pour accueillir des centaines de stars venues défendre leurs films ou tout simplement “se montrer”... En attendant le dimanche 21 mai pour savoir qui des films en compétition allait remporter la précieuse Palme d’Or, on s’est pris au jeu et on a tous vécu un rêve en poussières d’étoiles, en strass et paillettes. On savait déjà que Cannes 2000 promettait d’être un festival passionnant. Du point de vue de la programmation, les paris allaient bon train... Mais en attendant la soirée de clôture, on a “presque” eu l’impression de côtoyer des stars (merci télévision!), comme la toujours très belle Catherine Deneuve, la non moins belle Andy MacDowell ou Claudia Schiffer, la pétillante Victoria Abril, la souriante Kristin Scott-Thomas, Mira Sorvino, la déroutante Björk, l’envoûtante Isabelle Huppert, la gracieuse Emmanuelle Béart, la sculpturale Uma Thurman, Carole Bouquet... Côté messieurs: Luc Besson, président du jury; deux légendes du cinéma américain et français à qui le festival va rendre hommage: Gregory Peck et Philippe Noiret; Jeremy Irons, Jean-Claude Van Damme tout muscles dehors, le cinéaste agoraphobe Lars Von Trier, l’immense Gérard Depardieu, Michel Piccoli, George Clooney... Rien que du beau monde comme on peut le constater.
Mais Cannes aura également été une belle occasion pour les cinéastes de mettre en avant, sous l’œil des caméras du monde entier, le cinéma d’auteur et de devenir, ainsi, une image accessible à un public qui n’est pas habituellement le sien, aux starlettes de faire “leur cinéma” étalées sur le sable chaud de la Croisette et aux badauds de se prendre au jeu et d e
croire qu’ils appartiennent eux aussi à la planète 7ème Art. Durant tout le temps qu’a duré le Festival, artistes, comédiens et chanteurs, top models et play-boys accompagnés de leurs cerbères, des gorilles en smoking auront fait la une de la Presse internationale.  Car Cannes est la plus grande vitrine du cinéma, là où les acteurs se font encore plus connaître, le lieu où se font et se défont maints contrats, maintes promesses... Un endroit magique où on rit et pleure... de joie, évidemment, sous l’œil ébahi de millions de téléspectateurs...
Une ville qui, une fois l’an, rameute les journalistes spécialisés soit dans le 7ème Art ou dans l’art des potins, car le public est très friand de tout ce qui se passe hors écran, hors palais, tout ce qui se dit ou se chuchote dans les coulisses des palaces ou sur la Croisette...
La mer joue la belle endormie et fait danser les yachts des plus célèbres personnalités du jet-set qui se sont donné rendez-vous ici, comme Mona Ayoub avec son “Phocéa” qui a fait presque verser une petite larme de dépit à Bernard Tapie présent à Cannes; Elton John qui possède une résidence dans les environs; le milliardaire saoudien Adnan Kashoggi qui recevait le gotha sur son yacht de 52 mètres, baptisé le “Lambda Mar” en l’honneur du film “Labyrinthe”, de Bernardo Bertolucci...
 

Neil LaBute.

Le président du jury, Luc Besson, avec Catherine Deneuve, Björk et Lars Von Trier.

L’actrice islandaise Björk, meilleure 
actrice pour son rôle dans 
“Dancer in the dark”.

PORTRAIT D’UN FESTIVAL
Ce n’est qu’en 1939 qu’a été créé, d’après une décision du gouvernement français, le Festival international du film et c’est la ville de Cannes qui a remporté tous les suffrages pour son cadre exceptionnel. Durant ses premières années, le Festival avait pris essentiellement l’allure d’une manifestation plutôt touristique et mondaine où les fêtes se succédaient à un rythme fou... Mais bientôt, Cannes est devenu le rendez-vous incontournable des professionnels du cinéma, un lieu privilégié de renommée mondiale, la manifestation qui jouit d’une très grande notoriété, fondée sur l’équilibre artistique des films et leur impact commercial. Cannes est, aujourd’hui, la plus belle vitrine du 7ème Art. Cette année, le Festival a choisi de mettre à la tête du jury le réalisateur-producteur français le plus américanisé du business, Luc Besson, qui, comme l’a déclaré Gilles Jacob, “emmènera résolument tout un chacun vers le futur”. Les membres du jury étaient: Nicole Garcia, une personnalité cinématographique polyvalente ayant servi le cinéma non seulement en tant que comédienne mais, également, en réalisatrice; l’écrivain Patrick Modiano, le metteur en scène italien Mario Martone, l’actrice inoubliable du “Patient anglais”, Kristin Scott-Thomas; Jeremy Irons, Arundhati Roy, Barbara Sukowa, Aitana Sanchez-Gijon et Jonathan Demme, qui auront la difficile tâche de départager les films, les acteurs et actrices afin de leur offrir les précieux trophées. Une innovation pour ce festival de Cannes 2000, la création de “Un certain regard” une section non compétitive de la sélection officielle avec des films qui pourront concourir pour la Caméra d’Or. En lice, d’excellents films comme “I dreamed of America”, “Famous”, “Preferisco il rumore del mare”... Il s’en sera passé des choses durant cette grande semaine...
Le 10 mai, en lever de rideau, la maîtresse de cérémonie présentait le jury réuni au grand complet, autour de son président et la projection du film “Vatel” faisait l’ouverture du festival et créait aussi l’événement avec un Depardieu qui jouait un rôle créé à sa mesure ou plutôt démesure. Puis, tout au long de la journée, les films s’enchaînaient à un rythme fou... Le jury et des “happy few” ont pu ainsi visionner “Fast food, Fast Women”, d’Amos Kollek; “Eureka”, d’Aoyama Shinji; “ La Noce”, de Pavel Lounguine; “Dancer in the dark”, de Lars Von Trier; “Les destinées sentimentales”, d’Olivier Assayas; “Esther Kahn”, d’Arnaud Desplechin; “Tabou”, de Nagisa Oshima... Des hommages ont été rendus, le premier à Philippe Noiret à l’occasion des cinquante années consacrées au cinéma et, le second, à un mythe du cinéma américain, Gregory Peck. Entre-temps, les fêtes illuminaient les nuits de la Croisette, pendant que d’autres personnalités s’annonçaient, parmi lesquelles Elizabeth Taylor, venue tout spécialement pour le dîner organisé pour lutter contre le Sida où le public sélect (5.000F.F. le billet d’entrée) a pu voir défiler les somptueux top models mobilisés pour la lingerie très suggestive de “Victoria’s Secret”.
 

    Tony Leung, meilleur acteur.

La plus jeune réalisatrice, l’Iranienne
Samira Makhmalbaf (20 ans), prix 
du jury pour son film “Black Board”.

Edward Yang.

LA NUIT OÙ TOUTES LES ÉTOILES ÉTAIENT DESCENDUES SUR TERRE
On se bouscule au bas des marches, des barrières retiennent fans et curieux, les photographes sont sur les dents, les gorilles nerveux... Les voitures déversent leurs passagers de beauté et de charme, les portières s’ouvrent dans des applaudissements. On salue le talent, l’élégance, l’allure, la performance, les sourires de ceux et celles qui nous ont fait ou nous feront rêver. Ce soir, à Cannes, il semble que toutes les étoiles du ciel sont descendues sur terre, tant sont belles les tenues portées par les comédiennes. C’est aussi cela Le Festival, un défilé de mode avec les grands couturiers qui ont sorti leur plus belle griffe... Les flashes des photographes ont saisi les sourires lumineux de Laetitia Casta si belle avec une étoile rose dans les cheveux, Sandrine Bonnaire, la merveilleuse Monica Bellucci, Nathalie Baye, Catherine Deneuve, sublime dans une robe noire; Björk toute timide dans une robe particulière, rayée qui faisait penser aux motifs de Vasarely; le très beau Vincent Perez, toute l’équipe de “Taxi 2”... Pourtant, il y a des absentes à ce festival: Faye Dunaway n’est pas là, elle qui devait remettre la Palme d’Or! Absente, également, Kim Basinger déçue par l’accueil très moyen qui a été réservé à son film... La maîtresse de cérémonie, la ravissante Virginie Ledoyen, dans une robe couleur champagne rosé, ouvre la cérémonie en adressant ses remerciements au jury: “Cette part de rêve cinématographique, le jury l’a partagée avec nous... Sa mission lui donne toute sa valeur, son indépendance, c’est son devoir”. Le prix du court métrage est revenu à “Anino”, du Philippin Raymond Red; le Grand Prix Technique de la CST pour le montage et la photographie à “In the mood for love”, de Wong Kar-Waï. Pour remettre la Caméra d’Or, Sandrine Bonnaire montait sur scène pour offrir ce prix ex-aequo à Bahman Ghobadi pour “Un temps pour l’ivresse des chevaux” et à Hassan Yekpatanhah pour “Djomeh”. Le prix du jury ex-aequo a été attribué à l’Iranienne Samira Makhmalbaf pour l’excellent “Tableau noir”, un film qui relate l’histoire d’instituteurs qui errent à la suite d’un bombardement au Kurdistan de villages en villages, à la recherche d’élèves. Ils ne rencontrent qu’adolescents en fuite ou des vieillards en quête de leur terre natale et une jeune veuve... Une œuvre où Makhmalbaf, fille du cinéaste Mosben qui va et vient entre le réel et le rêve dans une région parcourue par un peuple en détresse. Le même prix a été également remis à “Chanson du deuxième étage”, de Roy Andersson. Le prix du meilleur scénario a été décerné à Neil LaBute pour son film “Nurse Betty”. Le prix de la mise en scène a été remporté par Edward Yang pour “Yi Yi”. Luc Besson devait créer la surprise en annonçant que, vu la qualité des films en compétition, le jury avait décidé de créer une Mention Spéciale pour l’ensemble du casting du film de Pavel Lounguine “La Noce”. Un film qui a pour toile de fond un petit village minier près de Moscou et se prépare à célébrer le mariage de Miscka et de Tania. Lounguine a mis en scène un spectacle où tout est possible, le pire comme le meilleur, où les limites s’évanouissent dans l’alcool, la danse et les chants. Une mention bien méritée. Le prix d’interprétation masculine a été remporté par Tony Leung pour sa performance dans “In the mood for love”, tandis que le prix d’interprétation féminine revenait à Björk, la chanteuse islandaise fragile et aérienne, pour sa création dans “Dancer in the Dark”, de Lars Von Trier. Le Grand prix de ce Festival devait être attribué à Jiang Wen pour “Devils on the Door Step”. Les cœurs battent fort... Qui remportera la Palme d’Or tant convoitée...?
Et c’est Lars Von Trier pour “Dancer in the Dark” qui recevra le précieux trophée.
 

Roy Andersson.

Virginie Ledoyen.

Lars Von Trier avec la Palme d’Or 
pour son film “Dancer in the dark”.

En savant fou du cinéma, ce cinéaste continue d’assembler les éléments les plus hétéroclites dans cette comédie musicale bousculée par le mélodrame qui réunit une sorcière (Björk) et une fée (Catherine Deneuve). Un film qui parle de Selma, une émigrée tchèque et mère célibataire qui travaille dans une usine de l’Amérique profonde, qui commence à perdre la vue et devra son salut à sa passion pour la musique.  Et à chaque fois que Selma se met à chanter, entraînée par le rythme d’un train, d’une machine, d’un pas, le monde se transforme... La pellicule délavée devient explosion de couleurs digitales, truquées et véridiques à la fois... Björk aura réussi à changer le monde par la seule force de sa voix et entre ainsi au panthéon du 7ème Art. Le rideau est tombé... Les stars se sont retirées, certaines heureuses, d’autres dépitées. On roule le tapis rouge... Un fan est resté là, comme si le rêve continuait. Il se penche, ramasse une paillette... Une poussière d’étoile. A qui appartenait-elle...?
Le rêve continuera à l’édition Cannes 2001.

LES TOP MODELS DÉFILENT POUR VICTORIA’S SECRET À CANNES LORS DU
GALA ORGANISÉ PAR LIZ TAYLOR AU PROFIT DE LA RECHERCHE CONTRE LE SIDA.


Au Martinez Hotel.

Par SONIA NIGOLIAN

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