CHAMPIONNE D’ASIE POUR LA SECONDE ANNÉE CONSÉCUTIVE
“LA SAGESSE” ADULÉE PAR UN PEUPLE EN DÉLIRE

Le Liban a, désormais, ses héros attitrés: les basketteurs de La Sagesse. Adulés, chouchoutés, ils en sont au point de régler à eux seuls la température d’un thermomètre collectif émotionnel. Ils ont perdu un match, le moral est au plus bas. Ils en ont gagné un autre, c’est la liesse générale. Et gagner, c’est ce qu’ils ont fini par faire à l’issue du championnat d’Asie 2000. Pour la deuxième année consécutive, ils sont hissés sur le haut du podium, soutenus par un public déchaîné qui n’a jamais perdu la foi en ses idoles.


Plus de 10.000 spectateurs au terrain de Ghazir pour la finale.

Le Liban en entier n’a pas dû dormir de la nuit. Et si les écoles ont ouvert leurs portes le lendemain lundi (à part La Sagesse), c’est uniquement, peut-être, pour donner aux élèves l’occasion de se retrouver et de ressasser les événements de la veille. Car, il faut l’avouer, c’est chez les plus jeunes que l’adulation est à son comble. Même si dans les foyers les grands parents n’étaient pas en reste. Ne les a-t-on pas, d’ailleurs, croisés aussi dans les rues en train de danser et de fêter le passage du car portant les vainqueurs?
Partout, on ne voyait plus que des drapeaux: entre les couleurs libanaises et celles de La Sagesse (Al-Hekmeh), ce fut une profusion en quadrichromie.
 
Elie Mchantaf présentant la Coupe 
d’or au président Lahoud.
Le président Emile Lahoud au moment 
de la victoire. A ses côtés, les ministres 
Sleimane Traboulsi et Mohamed 
Youssef Beydoun.

Pourtant, les vingt dernières secondes de la finale contre l’Ittihad saoudien, l’issue du match a paru flancher. Les Libanais avaient devant eux l’atroce éventualité d’un échec non-attendu. Les Saoudiens ont âprement défendu leurs positions, attaquant quand il fallait attaquer et distribuant par à coups quelques-uns de ces “trois points”, dont un lanceur a le secret pour redonner vigueur à un score presque tout le temps à égalité. Les Libanais n’en étaient pas moins inférieurs par la qualité du jeu donné.
 
Ghassan Sarkis: son regard bleu cache-t-il 
des promesses de victoires futures?
Il faut plus de trois défenseurs 
pour arrêter le dribble d’Acha.

Jamais première mi-temps n’a été aussi lente à enregistrer des points de part et d’autre des deux équipes, malgré les forts encouragements d’un public en délire mené par les coups de tambour d’un Bacho tout de vert vêtu et qui a failli provoquer la suspension du match. La tension était à son paroxysme sur les gradins comme sur le terrain. Les Saoudiens se montrèrent d’une agressivité violente qui s’accrut lorsqu’un des leurs, Mansour el-Harbi, a poussé Acha en le provoquant d’un regard insolent. Tension égale chez nos joueurs qui rappliquèrent, aussitôt, en poussant le joueur saoudien. Le match fut interrompu pendant plus de dix minutes durant lesquelles le coach de l’équipe invitée a retiré son équipe.
 
Vêtus des T-shirts des vainqueurs 
de la Coupe asiatique, les Sagessiens 
faisant le “V” de la victoire.
Place Sassine: La liesse était générale.

L’arrivée du président Emile Lahoud au début de la deuxième mi-temps était espérée. N’avait-il pas fait de même l’année dernière? Pourtant, cette fois, il est resté plus longtemps. Pour le public, toujours prêt à aduler ses héros, cette apparition fut une occasion de plus d’élever leurs voix. La plus haute autorité du Liban s’est mise à leur niveau. Le président Lahoud en fan incontesté de La Sagesse fut, peut-être, un des moteurs de la victoire. Pour nos Verts, pas question de perdre. Elie Mechantaf, l’a dit lui-même: “Ce match est une bataille de nerfs, à nous de garder notre sang-froid”. Jusqu’à la fin, ils n’ont plus montré de signes de faiblesse. Heureusement, d’ailleurs, car l’adversaire a montré de quoi il était capable sous un panier.


Le ministre Mohamed Y. Beydoun remettant
la coupe d’argent au capitaine de l’Ittihad.

Le match se conclut avec trois points de différences (55-52), une victoire de justesse qui a maintenu le suspense jusqu’à la dernière seconde. Une première dans l’histoire du championnat d’Asie qu’un pays obtient la Coupe deux fois de suite.
A partir de cet instant, une impression de déjà-vu a assailli les Libanais. Le public, le même que celui de l’année passée. Les joueurs aussi. Ainsi que le même présentateur. Tous les événements qui se sont déroulés après la victoire, présentent une analogie affolante avec ceux de la précédente victoire.
Pourrait-on dire que ce fait a joué en défaveur des Verts? Que non! Et si, en mémoire, on pourrait oblitérer le bruit, les chansons, les sifflets et les cris, impossible de ne pas garder enfermés sous nos paupières, les images de cette nuit de folie.
C’est tantôt Mechantaf ou Sarkis portant la Coupe asiatique. A un autre moment, c’est le chef de l’Etat, un regard anxieux rivé sur le jeu; puis, un autre joyeux à l’instant de la victoire. Un coup d’œil furtif du côté de Tony Baroud, une compresse sur le front: “On a eu bien chaud, n’est-ce pas, Tony?”.


Assan N’Diyaye faisant un “block shot”
au ballon d’un attaquant saoudien.

Sur l’autoroute de Jounieh, l’embouteillage se répète. Plus de deux heures de route pour arriver à la “Tanière du Lion”; ainsi a été baptisé le collège La Sagesse d’Achrafieh.
Entre-temps, le public sagessien a eu droit à un grand feu d’artifice, à des intermèdes musicaux ensençant les héros du jour. A leur arrivée, c’est sur les épaules qu’ils ont été portés sur scène. Une dabké improvisée, des sauts frénétiques et des harangues enflammées en guise de discours.
Je ne suis sûrement pas la seule à le penser. Dans dix ou vingt ans, nous y retournerons en mémoire. Car, même si le vent de la victoire va continuer à souffler de notre côté des années durant, les premières fois resteront vivaces dans notre esprit.
Et dans les annales de La Sagesse demeureront pour toujours les deux coupes remportées, ainsi que les insignes de l’Ordre national du Cèdre que le chef de l’Etat a décerné à l’équipe victorieuse.

H.R.

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