CNN applique une politique de diversification avec ses “éditions
locales” en langues maternelles (espagnol, italien, portugais et plus récemment
chinois). Va-t-on voir une édition arabe de CNN ?
Notre président, Ted Turner a toujours eu ces mots: “All networks
all channels all languages”: tous les réseaux, tous les canaux,
toutes les langues. Notre intention est, effectivement, de pouvoir communiquer
avec tous les gens dans toutes les langues possibles.
Vous connaissez bien le Liban, à quand remonte votre première
visite?
Je viens ici depuis vingt ans, je suis venu pour la première
fois en 1980.
Je suis à CNN depuis dix ans, la plupart de mon temps a été
consacré aux problèmes du Moyen-Orient et principalement
au Liban.
Estimez-vous que le siège social de CNN à Atlanta couvre
assez la région? Car la couverture médiatique est plus souvent
axée sur les événements en Israël.
Nous avons des bureaux au Caire, à Bagdad, Amman et en Israël.
Lorsque je suis venu ici, j’avais estimé que CNN devait faire plus
dans la région et particulièrement avec les pays n’ayant
toujours pas signé la paix avec Israël. C’est ce qui a fait
qu’en accord avec les directeurs à Atlanta nous avons décidé
de revenir ici. Notre attention se focalise actuellement sur le Liban et
la Syrie où je me rendrai prochainement. Nous disposons d’un nouveau
matériel: un véhicule totalement équipé pour
la transmission des données avec une antenne satellite d’un mètre,
qui peut fonctionner partout dans le pays et en Syrie. C’est la première
fois que nous utilisons au Liban un tel matériel de pointe, ce qui
nous permet de faire plus de reportages pour un coût moindre et d’une
façon vraiment novatrice. Nous avons réclamé au président
Lahoud et au gouvernement de permettre d’ajuster les lois au Liban, ce
qui constituerait un nouveau décret et permettrait ainsi non seulement
à CNN mais à tous les diffuseurs internationaux d’utiliser
un matériel récent, afin de mieux rapporter les nouvelles.
C’est très important d’être équitable, de pouvoir donner
autant de qualité que de quantité.
Comment avez-vous réagi lors des manifestations estudiantines
anti-CNN, mettant en cause votre objectivité ?
Les gens ont le droit de protester. Il est malheureux que la majeure
partie de ces protestations – et j’ai rencontré la délégation
estudiantine à ce moment-là – visaient CNN.com, notre service
interactif, dont je ne suis pas directement responsable. Mais j’ai pris
cette plainte en considération et j’ai prévenu notre bureau
à Atlanta qui l’a prise au sérieux. J’essaie de vérifier
les données et les textes à propos du Liban et de la Syrie,
afin de savoir si nous avons raison; nous essayons de faire toujours mieux,
nous ne sommes pas parfaits. En ce qui concerne ces manifestations, les
gens en avaient assez que les choses n’avancent pas suffisamment vite et
avaient besoin d’évacuer cette pression, ils l’ont évacuée
sur CNN et d’autres entreprises américaines. J’ai alors estimé
que nous n’étions pas respectés ici et qu’ils ne reconnaissent
pas, à ce stade, les efforts que nous déployions ; ce
n’est pas leur faute, mais c’est notre travail d’expliquer ce qui se passe.
Le Liban est considéré aux Etats-Unis comme un Etat
terroriste, c’est l’image qu’en donnent les médias occidentaux.
On peut même voir sur Internet le Liban classé parmi les destinations
les plus dangereuses du monde. En tant que directeur du bureau libanais
de CNN, essayez-vous de changer cette image ?
Je travaille pour CNN et non pour le gouvernement libanais, je suis
un journaliste et je dis les choses telles qu’elles sont.
Pourquoi ne pas montrer les aspects positifs du Liban? Il y en a.
Il est un fait: nous vivons dans la région, nous n’avons pas
été parachutés au Liban. Je vis ici, je vis et respire
l’actualité; par conséquent, je dois, j’espère savoir
ce dont je parle… Il est de ma responsabilité de faire en sorte
que notre “network” le comprenne. Vous savez, CNN c’est la diffusion des
nouvelles en permanence et c’est ainsi, qu’en “éduquant” les gens,
on les aide à mieux comprendre. Nous parlons de ces différents
aspects, nous parlons d’économie, de tourisme, de toutes sortes
de choses, mais notre travail c’est de relater ce qui se passe aussi au
Sud. Nous travaillons en ce moment sur la reconstruction, ou encore sur
le festival folklorique; c’est ce que nous faisons maintenant: montrer
les différents aspects de la vie ici. Si on parle souvent du Sud
et du processus de paix, c’est parce qu’il s’agit d’un point qui domine
nos vies ici au Liban.
On accuse souvent CNN d’être la voix de la Maison-Blanche,
que répondez-vous à cela ?
Nous sommes un réseau américain. La BBC est accusée
d’être pro-britannique, CNN, pro-américain et ainsi de suite
pour chaque pays; cela fait partie de la nature même de notre profession,
mais ceci dit, nous sommes une fenêtre américaine et nous
essayons sur le plan international de toucher tout le monde, mais cela
dépend aussi de l’ouverture que nous accordent les différents
gouvernements…
Ce que l’on appelle l’Infotainment, (contraction d’information et
entertainment) que l’on voit également sur CNN, ne décrédibilise-t-il
pas le journalisme ?
Ce domaine concerne l’édition nationale de CNN, on n’en voit
pas tellement sur CNNi (international) qui se focalise sur des sujets d’actualité.
Nous essayons d’expliquer les sujets de notre mieux; en termes d’“entertainment”,
nous sommes plus détendus, nous avons des émissions variées:
arts, voyages… mais nous donnons cependant la priorité aux nouvelles.
On critique, également, CNN à cause de son nombrilisme,
les infos sont très américaines, au détriment de l’international,
à certaines occasions (Lewinsky, John Kennedy Jr…)
C’est quelque chose de commun; parfois la couverture d’un événement
local peut primer sur l’international, cela réduit le temps d’antenne
dont nous disposons pour l’étranger, mais nous essayons d’équilibrer.