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La privatisation nous est-elle “imposée”? Plutôt “suggérée”,
demande Walid Kassir (juriste international), par les chefs d’orchestre
internationaux, tels que la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire
International qui encouragent les pays endettés (en quête
de conseils ou d’aides financières) à opter pour la privatisation.
Toutefois, cette “option” ne semble guère enchanter tous les
spécialistes. Des voix s’élèvent exprimant leur appréhension
de voir le pays glisser dans les mains des investisseurs étrangers.
Crainte d’autant plus justifiée, que le secteur privé libanais
compte très peu d’investisseurs stratégiques porteurs de
capitaux importants et forts d’une expérience technique poussée
dans les domaines à privatiser. De plus, il pourrait s’avérer
difficile, lors de la vente d’actions, d’imposer des quotas favorisant
les Libanais et de les faire respecter.
Au lieu de privatiser ses institutions, l’Etat devrait, aux dires de
certains, réduire le gaspillage et assurer une meilleure gestion.
Solution, utopique, objecte Kamal Shéhadé (économiste):
l’expérience mondiale a, plus d’une fois, prouvé que le secteur
public n’a jamais pu s’adapter, facilement, aux progrès technologiques
et aux nouveaux besoins de consommation. Son manque de flexibilité
l’empêche d’intégrer ce domaine concurrentiel. A défaut,
l’Etat, animé par certains intérêts politiques, se
protège en établissant le monopole de droit. Seule, la privatisation
déclenchera la libéralisation des marchés, leur ouverture
à la concurrence et, par le fait même, le développement
de l’économie nationale.
Les opposants à la privatisation avancent une autre solution:
corporatiser les entreprises publiques, autrement dit, les gérer
à la façon des sociétés privées et leur
en donner la structure. Peine perdue, rétorque Joe Issa-el-Khoury
(financier), la MEA, l’Intra et le Casino du Liban représentent
trois exemples vivants de l’échec d’une telle initiative. L’interférence
des politiciens dans ces trois institutions, possédées en
majorité par l’Etat, en diminue le rendement. Selon ses dires, pour
justifier la privatisation d’un secteur, il suffit de se poser la question
suivante: l’Etat peut-il offrir aux consommateurs un excellent service,
à prix réduit, tout en renflouant ses caisses? Si la réponse
à l’une de ces trois composantes est négative, alors la privatisation
s’impose.
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GÉRER LES RISQUES
Non convaincus, les détracteurs de la privatisation relèvent
les inconvénients d’un tel processus. Plus modéré,
W. Kassir les analyse tout en avançant des solutions possibles.
Le premier grand risque est la formation de monopoles privés
aboutissant à l’augmentation du coût des services offerts
aux usagers.
La solution: favoriser la concurrence.
La privatisation d’un même secteur s’effectuera, alors, par le
biais de plusieurs opérateurs concurrentiels. Si le secteur ne supporte
qu’un seul opérateur, des mécanismes de contrôle efficaces
devraient alors être mis en œuvre.
Autre inconvénient, l’augmentation du chômage dû
aux licenciements souvent indispensables pour assurer la rentabilité
des entreprises privatisées. Ce problème pourrait être
atténué de plusieurs manières: favoriser les licenciements
par tranches successives; éviter la privatisation simultanée
des institutions publiques; avancer l’âge de la retraite avec compensa-tions;
procéder au recyclage au sein même de l’institution, ou bien,
assurer de nouvelles formations professionnelles aux licenciés pour
leur permettre de jouer un rôle productif dans d’autres secteurs
économiques du pays.
La survie, au sein de l’entreprise privatisée, de vieux réflexes
(pratiques népotiques, pots-de-vin, conflits d’intérêts,
poids de la routine...), diminue son efficacité. Pour que la privatisation
réussisse, il faudrait, à tout prix, “dépolitiser”
l’entreprise et la diriger selon les principes internationaux de gestion
moderne.
On ne peut écarter le risque de voir nos secteurs économiques
stratégiques tomber entre les mains d’entreprises étrangères,
essentiellement, soucieuses de leurs propres intérêts et non
du nôtre.
Ce risque peut être limité en octroyant à l’Etat
une “Golden Share”. Bien que dégagé du capital, l’Etat détient,
grâce à cette action symbolique, un droit de veto précis
sur certaines décisions de la société privatisée
ou sur la cession de paquets importants d’actions.
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PROFITER DES AVANTAGES ÉCONOMIQUES,
FINANCIERS ET POLITIQUES
Pour les défenseurs de la privatisation, les appréhensions
des opposants ne sauraient faire le contrepoids face aux avantages.
Selon K. Shéhadé, le citoyen bénéficiera
d’une meilleure qualité de service, au moindre coût possible,
grâce à la concurrence. Cette amélioration profitera,
également, aux industriels et à la compétitivité
de leur entreprise, aujourd’hui entravée par des services étatiques
peu satisfaisants et relativement onéreux. Par effet domino, d’autres
secteurs de l’économie libanaise profiteront de cette dynamique,
ce qui assurera un marché de travail aux jeunes Libanais diplômés,
capables et compétents. Cette amélioration, souligne W. Kassir,
prédisposera l’infrastructure libanaise à relever les défis
de la mondialisation, notamment dans le domaine des télécommunications,
de l’énergie, de l’eau, des transports publics... Le pays recouvrera
sa vocation première comme centre de services et destination touristique.
L’Etat, quant à lui, reprend K. Shéhadé, verra
ses revenus augmenter lors de la vente d’institutions publiques ou de l’octroi
de licences (droit d’investir dans un secteur et de le faire fonctionner
pour un nombre d’années déterminé). En Turquie, par
exemple, une troisième licence de GSM sur la fréquence DCS
1800 a été adjugée à 2 milliards et demi de
dollars pour une durée de vingt ans. A la fin de cette période,
de nouvelles licences seront adjugées selon les normes techniques
du moment. En Grande-Bretagne, le gouvernement a pu récolter plus
de 25 milliards de dollars dans l’octroi de cinq licences pour la troisième
génération de téléphonie mobile (système
UMTS). De plus, l’Etat tirera des revenus fiscaux intéressants en
percevant des impôts sur le chiffre d’affaires et les dividendes
des sociétés privatisées.
Tous les spécialistes s’accordent à dire que ces revenus
substantiels à double provenance, permettent le remboursement partiel
de la dette publique qui plafonne, actuellement, à environ 24 milliards
de dollars. Par conséquent, souligne J. Issa-el-Khoury, une bonne
partie des sommes destinées au paiement des intérêts
(de la dette) sera épargnée et investie dans le rôle
essentiel de l’Etat: législation, sécurité, système
judiciaire, santé et éducation.
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Un autre aspect financier, non moins important, s’impose. J. Issa -
el-Khoury insiste sur la réactivation de la bourse grâce aux
sociétés privatisées qui y seront listées.
Pour W. Kassir, la dynamisation de nos marchés financiers est
capitale, d’autant plus que notre pays est destiné à jouer
un rôle financier régional. Il faudra aussi encourager les
citoyens et les entreprises libanaises à investir dans les actions
émises par les sociétés privatisées.
J. Issa - el-Khoury revient sur l’aspect économique pour souligner
l’importance de l’élément motivation dans le secteur privé
où aucun effort n’est épargné afin de réaliser
une bonne performance.
Le gérant d’une société privatisée aura
des comptes à rendre à ses actionnaires qui le récompenseront,
financièrement, en cas de réussite. La motivation des employés
d’une telle société joue, également, un grand rôle,
précise W. Kassir: augmentation de salaire en fonction du mérite,
bonus, vente d’actions à prix préférentiels ou même
distribution d’actions gratuites. Ces pratiques accentuent leur intérêt
au rendement de l’entreprise. On remplacerait, ainsi, une mentalité
statique de fonctionnaire basée sur des intéressements illicites
(pots-de-vin) par une mentalité dynamique où l’intéressement
est assaini en étant institutionnalisé et subordonné
à l’intérêt de l’entreprise.
Du point de vue politique, précisent K. Shéhadé
et J. Issa - el-Khoury, la privatisation ouvre la voie à la réforme
administrative aujourd’hui entravée par des considérations
politico-confessionnelles.
Les politiques sont nombreux à utiliser les institutions publiques
pour caser leurs partisans. Résultat: ces dernières ploient
sous le poids d’une pléthore de fonctionnaires. En privatisant,
le gouvernement épargnera des sommes colossales dilapidées,
actuellement, dans la rétribution de nombreux ronds-de-cuir improductifs.
Selon J. Issa - el-Khoury et W. Kassir, la privatisation permet au
gouvernement de mieux se concentrer sur des activités plus utiles
à la collectivité. Pourquoi consacrer tant de temps et d’argent
(qui se révèlent être d’ailleurs toujours insuffisants)
à la gestion d’activités pouvant être plus efficacement
menées par le secteur privé?
CONDITIONS DE RÉUSSITE D’UNE PRIVATISATION
Le processus de privatisation des secteurs publics devrait s’accompagner
de mesures complémentaires garantissant son bon déroulement.
Les spécialistes relèvent, à l’unanimité,
la nécessité de créer une autorité de régulation
indépendante reconnue pour la compétence professionnelle
de ses membres. Disposant de moyens efficaces de supervision, elle se chargera
de faire respecter les lois et stratégies définies par le
gouvernement afin de mettre un frein aux abus. C’est l’occasion, d’ailleurs,
souligne K. Shéhadé, de repenser le rôle de l’Etat
dans l’économie libanaise. Aujourd’hui, explique J. Issa - el-Khoury,
l’Etat joue le rôle de législateur, opérateur et de
facto régulateur. En privatisant, sa tâche consistera uniquement
à légiférer. Une société privée
(ou opérateur) se chargera de faire fonctionner le secteur et une
commission de contrôle, de le réguler.
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L’autorité de régulation, reprend K. Shéhadé,
exercera un contrôle sur les sociétés privatisées
pour éviter un abus du pouvoir de marché.
Il insiste sur l’indépendance de l’autorité vis-à-vis
du gouvernement. Cette indépendance lui permet de prendre les mesures
nécessaires afin de garantir le bon fonctionnement du marché
et de promouvoir la concurrence lors des opérations, organisées
par elle, telles que l’octroi de licences. Une autorité indépendante
à l’abri des ingérences politiques gagnera également
la confiance et la crédibilité des investisseurs. Sinon,
le coût de leur capital (relatif aux risques encourus et aux taux
d’intérêts correspondants) augmentera et, pour le récupérer,
ils hausseront les tarifs des services. Résultat: les consommateurs
devront payer pour les bavures politiques.
Mais peut-on vraiment maintenir l’autorité de régulation
indépendante du gouvernement? Sûrement, affirme J. Issa -
el-Khoury, nous avons déjà à notre actif une expérience
semblable très réussie: la commission de contrôle des
banques. Cet organe supervise le travail du secteur bancaire et demeure
à égale distance des différents protagonistes. Les
membres de l’autorité de régulation sont généralement
nommés par le gouvernement, jouissent d’un mandat fixe (ne peuvent
être licenciés par lui) et sont rétribués par
les opérateurs privés. Leur juteuse rémunération
les soustrait à toute influence douteuse.
![]() Diplômé en technologie de l’information de l’Université de Technologie de Compiègne (France),Ayman Haddad est directeur régional de Price Water House Coopers et responsable du secteur banque-assurance. |
![]() Diplômé de l’ESSEC (Ecole Supérieure des Sciences Economiques) et MBA de Cornell University, Joe Saddi est partenaire chez Booz Allen, société de conseil en stratégie. Il est spécialiste en télécommunication, pétrole et gaz naturel. |
W. Kassir estime que d’autres mesures sont nécessaires pour le
bon fonctionnement des privatisations: une bonne législation-cadre
inspirée de l’expérience internationale; la transparence,
tout au long du processus (règlementation, lancement des opérations,
contrôle de gestion des sociétés privées) et
des mécanismes de résolution des litiges adaptés à
chaque secteur en particulier.
Il serait, notamment, utile de créer des juridictions spécialisées
comprenant des magistrats compétents et bien rétribués.
Et ce, sans négliger certaines modifications légales parallèles,
telle que la réforme du droit commercial libanais, notamment celui
des sociétés anonymes - l’entreprise privatisée devant,
généralement, prendre la forme d’une SAL. Le droit libanais
dans ce domaine a vieilli et ne favorise pas, dans sa forme actuelle, l’ouverture
du capital de ces sociétés hors du cadre familial. Les nécessités
du développement et les impératifs de la mondialisation exigent
donc la modification de leur régime.
Il est, également, impératif que le pays se dote d’une
législation financière moderne portant sur les fonds d’investissements,
la création d’un organisme supervisant ces marchés financiers,
la titrisation (transformation d’une créance-contrat en titre),
l’introduction de nouveaux produits financiers.
On pourrait, aussi, prévoir une plus grande coopération
avec les marchés financiers arabes. Ainsi, le Liban, grâce
à sa vocation financière régionale, pourrait un jour
lancer à son tour des émissions financières pour des
sociétés arabes dans le cadre d’opérations de privatisation.
UNE MÉTHODE DE PRIVATISATION ADAPTÉE
AU PAYS
Il n’existe pas de formule standard de privatisation. Tout dépend
du secteur et de la stratégie adoptée (voir encadré).
Selon Ayman Haddad (consultant en management), il est souvent recommandé
de restructurer un secteur afin de le réévaluer avant sa
privatisation. Autrement dit et pour reprendre l’expression des Anglais:
“You have to make the bride beautiful” (Il faut embellir la mariée).
Cela peut s’effectuer de deux manières: l’Etat investit lui-même,
améliore le secteur pour, ensuite, le lister en bourse ou bien favorise
l’accès des investisseurs à son capital. Toutefois, K. Shéhadé
souligne que dans certains cas, cette méthode ne réussit
pas, en évoquant l’expérience malheureuse de la Pologne.
En 1994, l’Etat polonais décide de prendre en main la restructuration
du secteur des télécommunications avant de le privatiser.
Cinq ans plus tard, catastrophe: le secteur perd encore plus de sa valeur.
Raison: l’Etat est mauvais gérant et incapable de s’adapter aux
évolutions rapides des technologies modernes. A. Haddad suggère
une autre option: l’Etat fait intervenir des investisseurs stratégiques
qui achètent une partie des actions et se chargent, financièrement,
tout comme techniquement de relever l’institution.
Une fois la transformation réalisée, il leur sera possible
d’élargir leur participation, à moins que l’Etat décide
de mettre le restant des actions à la portée des particuliers.
Il serait souhaitable, ajoute W. Kassir, que l’Etat reste actionnaire dans
la phase qui suit immédiatement la privatisation. Il peut obtenir
des dividendes d’autant plus substantiels, que l’activité s’avère
florissante. Une fois la gestion rationnalisée et le projet réussi,
il peut céder un nouveau paquet d’actions au prix fort. Cette technique
a été utilisée dans de nombreux pays étrangers
afin d’accroître la rentabilité de l’Etat.
Joe Saddi (consultant en management), évoque deux méthodes
de privatisation très usitées. L’Initial Public Offering
(IPO) est l’introduction en bourse de l’institution, par le biais de banques
désignées par l’Etat. Son avantage: ouvrir la voie à
tout un chacun en vue d’acquérir des actions et donner, par conséquent,
un coup de fouet au marché boursier local. Plutôt que de vendre
des actions à “Monsieur tout le monde”, une autre méthode
consiste à céder des paquets d’actions à des groupes
d’investisseurs privés, forts de leur compétence industrielle
et de leur pouvoir financier. Le secteur, ainsi privatisé, n’appartient
plus à l’Etat. Cette privatisation peut s’effectuer par tranches,
l’Etat conservant une partie des actions.
LES SECTEURS PRIVATISABLES
Voici une liste des vingt-neuf secteurs privatisables au Liban, communiquée par Joe Issa - el-Khoury. Selon ses dires, les services “Santé” et “Education” devraient rester entre les mains de l’Etat qui fera profiter, gratuitement, tous les citoyens sans exception. Seule leur “gestion” pourrait faire l’objet d’une privatisation. 1. Loto, Loterie. 2. Casino du Liban. 3. Intra. 4. MEA. 5. Régie des Tabacs. 6. Sécurité sociale. 7. Média. - Télé Liban (tout sauf le Journal télévisé, si le gouvernement le souhaite). - Radio Liban. - Agence Nationale d’Information. 8. Téléphone fixe (PSTN) (Liban Telecom). 9. Téléphone mobile (GSM). 10. Electricité (EDL) (sauf la transmission qui, vu son aspect stratégique, fait généralement l’objet d’une coopération avec les pays limitrophes). - Production. - Distribution. - Collecte. 11. Eau. 12. Bourse de Beyrouth/Midclear (endroit où la compensation a lieu). 13. Poste. 14. Aéroports de Beyrouth/Kleiat. 15. Hippodrome de Beyrouth. 16. Raffineries de pétrole: Tripoli, Zahrani. 17. Transports publics (Bus). 18. Autoroutes. 19. Chemins de Fer. 20. Terrains (immobilier) “non-stratégiques”. 21. Banque de l’Habitat. 22. Autres banques spécialisées: industrielle, touristique... 23. Collecte des ordures - Travaux municipaux divers. 24. Gestion des hôpitaux publics. 25. Gestion des écoles publiques. 26. Gestion des prisons. 27. Gestion des sites archéologiques. 28. Silos de grains. 29. Zones industrielles. |
LE SYSTÈME BOT ET LES LICENCES
Les spécialistes s’accordent à dire que le BOT (Build,
Operate and Transfer) ne peut être considéré comme
une vraie privatisation. K. Shéhadé explique le concept.
Un groupe privé investit dans un secteur public, construit ses réseaux,
l’opère et le gère durant 10, 15 ou 20 ans. Une fois cette
période échue, le groupe remet à l’Etat ce secteur
dont les équipements auront été complètement
amortis et, surtout, dépassés par les nouvelles technologies
de pointe.
De plus, un contrat de BOT, mal conçu, risque de transférer
le monopole de l’Etat à un monopole privé, souligne J. Issa
- el-Khoury. C’est le cas de Cellis et LibanCell, ces deux sociétés
privées de télécommunication mobile ayant formé
une sorte de duopole. Dans le contrat de BOT, explique K. Shéhadé,
le gouvernement précédent avait fixé un seuil aux
tarifs, bloquant ainsi toute concurrence entre les deux sociétés.
Un autre mauvais exemple de privatisation, celui de Liban Post. Cette
société canadienne détient un contrat de gestion qui
lui concède le pouvoir de régulariser le secteur, chose inadmissible,
aux dires de K. Shéhadé.
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Cet économiste préfère un autre type de privatisation: le système de licence à durée limitée, proposé actuellement dans le projet de loi relatif aux télécommunications. Il s’agit de vendre à des opérateurs privés, pour une durée limitée (15 ou 20 ans), le droit d’investir dans un secteur et de le faire fructifier. Au terme de cette période, une nouvelle adjudication est opérée afin de renouveler les équipements. La réussite d’une telle formule dépend du mécanisme par lequel une licence est adjugée. Une présélection technique s’assure du sérieux et de la compétence des opérateurs. Une sélection financière accorde, ensuite, la priorité aux plus offrants.
La gérance du loto est accordée tous
les six mois à une nouvelle société. Ce court terme
décourage l’investissement technique de pointe. Résultat:
mauvaise gestion et faibles profits pour l’Etat qui gagnerait à
octroyer une licence à long terme et imposer 50 à 60% de
taxe sur chaque billet vendu (à l’instar de la France).
En définitive, conclut K. Shéhadé, réussir
une privatisation, c’est choisir une formule respectant les intérêts
de l’Etat, des citoyens et des investisseurs. C’est, aussi, tabler sur
un Etat fort de sa loi, de sa Constitution, de son système judiciaire
et de ses autorités de régulation indépendantes. Un
Etat qui ne “négocie” pas, à tort et à travers, ou
effectue des concessions de gré à gré...
LES SOCIÉTÉS DE CONSULTANTS:
GUIDER LE GOUVERNEMENT DANS SON PROJET DE PRIVATISATION
Nous avons contacté, dans le cadre de ce dossier, deux sociétés multinationales de conseil en stratégie, implantées au Liban. Elles offrent leurs services aux secteurs public et privé. Dans le domaine des privatisations, elles élaborent, pour le compte des gouvernements, études et planifications afin de les guider dans leur projet. Joe Saddi, consultant d’entreprises chez Booz Allen, explique les trois étapes généralement suivies dans l’élaboration d’une privatisation: La première phase consiste à définir la politique de privatisation: • Les objectifs et motivations (pourquoi privatiser?). • Les secteurs privatisables et ceux dont l’Etat pourrait garder le contrôle. • Le programme proprement dit: choisir le secteur à privatiser, en priorité, pour servir de moteur à d’autres, définir la structure d’une autorité capable de gérer le processus de privatisation. La deuxième phase vise la préparation de la privatisation: faut-il privatiser le secteur immédiatement ou le restructurer, au préalable, pour lui donner une plus-value? Quelle est la méthode de privatisation la plus adaptée et le profit que l’Etat pourrait en tirer? La troisième phase équivaut à la transaction proprement dite ou à la mise en œuvre de la privatisation: préparation des formalités permettant l’introduction en bourse de la société, des “investment memorandum” (fascicule informant les investisseurs sur l’historique du secteur, sa privatisation)... Selon J. Saddi, les sociétés de conseil en stratégie interviennent, parfois, à l’étape 1 (tout dépend du pays concerné) mais, surtout, à l’étape 2. L’étape 3 ne nécessite pas toujours leur concours, car la mise en œuvre de la privatisation relève, très souvent, du domaine des banques plus compétentes en la matière. Une collaboration entre elles et ces institutions bancaires pourrait, cependant, s’enclencher. Ayman Haddad est le directeur régional de Price Water House Coopers, société de consultants ayant déjà effectué des études sur la privatisation de Télé Liban et des silos de Beyrouth. Il qualifie le problème de privatisation de “très complexe”. Pour lui, tout commence par le diagnostic et l’étude des options: faut-il privatiser ou privilégier d’autres formules de redressement? Si la première option est retenue, est-il recommandé de privatiser, entièrement ou partiellement? Le cas pourrait se poser, par exemple, pour l’électricité, privatisable à trois niveaux: production, distribution et collecte. Il faudrait, également, choisir l’investisseur ou l’opérateur idéal et déterminer le degré de sa participation qui peut varier entre 20 et 100%. Les quatre départements que regroupe la société de consultants jouent un grand rôle dans le processus de privatisation. Le service conseil en management intervient pour doter le secteur public de moyens humains et technologiques lui permettant de fonctionner comme une entreprise privée, dans le cas où sa restructuration est décidée préalablement à sa privatisation. Les services légaux et fiscaux se chargent de le transformer pour lui donner le statut d’une entreprise privée. Les auditeurs redressent la comptabilité et les finances. Les experts financiers font l’appel d’offre ou la levée de fonds pour capitaliser l’entreprise. Aux dires de A. Haddad, la société de consultants joue, en définitive, le rôle d’intégrateur. Elle coordonne les travaux des différents intervenants et gère le processus du début jusqu’à la fin. |