Editorial



Par MELHEM KARAM 

PARCE QUE LE PRÉSIDENT LAHOUD EST L’ETAT
LE TEMPS A CHANGÉ... QUE LA MENTALITÉ DES LIBANAIS CHANGE

Les paroles sont nombreuses le jour de la libération, surtout que le jour de la libération, la libération du Sud, était une libération véritable. La libération de la terre libanaise par la main libanaise, la main de la Résistance. Ces paroles sont vraies, parce qu’elles sont les paroles de la réalité. Non seulement de notre seul aveu, mais de l’aveu du monde entier. Nous avons dit un jour et aujourd’hui nous disons: La libération par la main de la Résistance est devenue une reconnaissance de la part d’Israël.
Le Liban a été libéré par ses fils; c’est une vérité. Sans la Résistance, Israël ne se serait pas retiré. Et sans l’Intifada, Israël n’aurait pas négocié, car comme tous les gens, Israël ne se comporte que sous la contrainte, si le comportement est négatif pour lui. Il n’agit que par convoitise, si le comportement lui est positif. Les nazis n’ont quitté la France en 1944-1945, que parce que la Résistance française les en a expulsés. Elle les a forcés à l’évacuation. Même si le débarquement allié en Normandie a indisposé la Résistance, comme s’il lui indiquait l’approche de l’heure; celle de la libération. Ce jour-là, la “France libre”, s’est souciée de distribuer des tracts portant ce titre: “Paris est libéré par ses fils”, des copies de ces tracts étant parvenus au Liban.
Beaucoup de paroles ont été dites le jour de la libération, car la libération de la manière dont elle s’est produite, était au summum des souhaits, surtout des souhaits arabes. Puis, un fait simple, la guerre du 6 octobre 1973. 
Les Arabes s’étaient habitués aux paroles de Choukairy, d’Abdel-Rahman Azzam et même du roi Farouk, le jour où les avions israéliens ont bombardé son palais. Il n’avait pas compris le message en 1948-1949, les juifs n’étant sortis que récemment du “Yeshouv”, ce terme signifiant les juifs qui se trouvaient en Israël avant la création de l’Etat hébreu.
Le temps a changé. L’Amérique elle-même, l’Amérique d’aujourd’hui, non celle de Washington, ni de Monroe, ni même de Roosevelt. L’Amérique d’aujourd’hui, celle du “non” et du “oui” sur le fait universel qu’elle ne partage avec personne.
L’Amérique elle-même ne peut dire qu’elle est le gendarme du monde, en dépit de l’influence qu’elle exerce sur la politique mondiale par l’argent, la politique et l’économie.
Le temps a changé. L’un des parias en Inde est devenu président de la République, Cocherel Raman Narayanan. Combien Gandhi devrait être satisfait! Le mahatma a osé approcher ceux dont le voisinage était interdit. Il s’est rendu auprès d’eux et a soutenu le dialogue avec eux pour leur dire, ainsi qu’à l’Inde et à l’homme, que la fraternité de l’homme pour l’homme est plus grande que les concepts indiens eux-mêmes. Celui-là même qui a parfois incarné l’âme de l’Inde, au point que son nom a fraternisé avec le sien.
Le temps a changé et nous nous souvenons des histoires des batailles victorieuses... De la bataille de “Trafalgar” où Nelson l’a emporté sur les Français et les Espagnols. De la bataille d’Arvor, jusqu’à celle de Hittine. Les Israéliens, eux aussi, se rappellent les batailles de la défaite, surtout au Liban. Si nous demandions aux gens et à nous-mêmes: Qu’a réalisé Israël dans sa manière de traiter avec le Liban? Que doit être la réponse? Rien. Israël n’a rien réalisé au Liban, ni rien appris de notre pays.
Même ceux qui ont traité avec l’Etat hébreu, de gré ou de force, disent à son sujet ce qui traduit l’égoïsme, la félonie et le manque de loyalisme. On dit qu’il les a trompés, leur a menti, a manœuvré avec eux et sur eux. 
Ils disent, également, que Ehud Barak a ramené ses soldats à leur mère et laissé les miliciens au diable, aucune place ne leur ayant été réservée parmi ceux qui s’en sont servis pendant près d’un quart de siècle... Dès qu’ils n’ont plus eu besoin de leurs services, ils les ont reniés.
Pourquoi Israël est-il sorti du Liban? En 1947, répétons-le, Ben Gourion a dit des chrétiens des paroles dont le temps a prouvé l’inexactitude. Il a dit: “L’Etat hébreu a un allié naturel, c’est le chrétien libanais”. Nous le répétons encore une fois: cela n’est pas vrai.
En 1948, une conviction a émergé en Israël et au Proche-Orient, comme on l’appelait, selon laquelle le Liban serait le premier Etat arabe à signer la paix avec Israël. Or, le Liban s’est abstenu et il est apparu qu’il sera le dernier Etat à signer la paix, tout en ayant foi en l’imminence de la paix. A Madrid en 1990 et à New York en 1974, le jour où Yasser Arafat a prononcé un discours au nom des Palestiniens qu’on qualifiait, alors, de “terroristes” à qui il était interdit d’avoir accès à l’éden de la décision. Arafat tenait aux Nations Unies le fusil d’une main et la branche d’olivier de l’autre.
De New York à Madrid et au 25 mai 2000, le Liban a eu foi dans la paix, ainsi que la Syrie. Tous deux ont dit “oui” à la paix avant l’unification des deux volets. Comme si le Liban perd, en définitive, par l’unification des deux volets. Ou comme si certaines gens se comportent à la manière de Thomas, ne croyant pas s’ils ne mettent pas le doigt sur la blessure. Il en est ainsi dans le jeu de la partition, dans la distinction entre la Résistance et le terrorisme et la concomitance entre les deux volets.
Combien de temps ont-ils perdu pour le savoir et l’apprendre! A l’instar de la guerre entre l’Erythrée et l’Ethiopie, ils parlaient de la partition comme si elle était devenue définitive. 
En 1978, Israël a occupé le Sud et ne l’a évacué que trois mois plus tard. Ce jour-là, la résolution 425 a été votée et la légende s’est renouvelée. Ce que fait Israël est une action saine. Puis, la situation s’est perpétuée jusqu’en 1982; date de son occupation du Liban. Ce jour-là, Beyrouth s’est trouvé sous le poids du “Merkava”, blindé fabriqué en Israël. Il y est resté, en essayant de recueillir sa signature sur “l’accord du 17 mai”. Ce dernier est tombé et avec lui l’occupation sur le seuil de la “bonne frontière”. 
Pourquoi Israël s’est-il retiré du Liban? Parce qu’il n’a obtenu aucun acquis. Le jour du retrait de Saida après l’occupation de 1982, des paroles israéliennes très peu encourageantes ont été dites. Il a été rapporté, comme nous l’avons dit une fois, qu’il ne voulait plus voir cette terre. Et qui a dit que cette terre veut le voir? Ce jour-là, il s’est retiré et la “bonne frontière” est restée ouverte.
Le temps a changé, même dans les appellations. Le 25 mai 2000 est devenu un jour de gloire, alors que le 25 mai 1947 était un jour de honte; le jour où on s’est joué de la volonté des gens, de la liberté et de la démocratie. Des bulletins en bloc ont été déposés dans les urnes. Qui élisait-on? Le vote ne s’effectuait pas par le bulletin, mais par des paquets de papiers. La Chambre comptait cinquante cinq députés et l’élection s’effectuait sur base du district en tant que circonscription. Le Mont-Liban avait droit à dix-sept députés. Riad Solh était chef du gouvernement et Hussein Jisr, administrateur du Mont-Liban. Riad Solh a craint pour Khalil Abou-Jaoudé et demandé à Hussein Jisr de s’occuper de Khalil et l’administrateur a assuré des bulletins de vote en abondance au candidat des Abou-Jaoudé. Celui-ci ayant obtenu une majorité inégalée, Riad a dit à Hussein: Je vous ai demandé d’en faire un député et non un autre Saad Zaghloul.
Le 25 mai 2000 est une autre histoire: c’est le déclic de la libération, après avoir été le titre de la falsification.
Le temps a changé, mais ce qui doit vraiment changer ce sont l’état d’âme et le concept libanais, les deux faits devant n’en former qu’un. Surtout aujourd’hui. Ni influence, ni aventures, ni agression, ni perturbation affectant la sécurité. Car tout cela donnerait à Israël le droit de dire qu’il assurait la sécurité et celle-ci est partie avec son départ.
L’histoire de l’occupation a été tournée et, avec elle, l’histoire d’Israël au Liban... De l’histoire de la “bonne frontière”, à Chébaa, aux fermes, aux points de contrôle. Et cette histoire doit finir.
Le jour où le général De Gaulle, après la libération, est allé rendre visite à l’un des résistants de la Corrèze, ce dernier a brisé son réveil-matin à 10h10, parce que le Général est arrivé à ce moment.
Il aurait fallu briser une montre pour arrêter ses aiguilles, afin d’enregistrer l’heure de l’arrivée du président Emile Lahoud à la place de la libération, parce que le président Lahoud est l’Etat; l’Etat c’est le Sud et le Sud c’est le Liban. 

Photo Melhem Karam

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