FIN DE LA MISSION DE LARSEN
CONFIRMATION PROCHAINE ET DÉFINITIVE DE LA “LIGNE BLEUE”
Le retrait de “Tsahal” du Liban-Sud et les conditions dans lesquelles il s’est effectué, vont-ils provoquer un choc salutaire au niveau régional en faveur de l’achèvement d’une paix globale juste et équitable?
Le processus de paix au Proche-Orient semble reprendre du tonus et deux faits majeurs ont marqué l’actualité. D’une part, la mise au point du rapport de M. Roed-Larsen, envoyé spécial de l’ONU, confirmant le retrait israélien du Liban-Sud en vertu de la 425 et la visite de trois jours que vient d’effectuer dans la région Mme Madeleine Albright, secrétaire d’Etat américain, dépêchée par le président Clinton en vue de réactiver les différents volets des négociations.

POINTS LITIGIEUX
L’envoyé spécial de l’ONU au Proche-Orient a annoncé dans le cadre d’une conférence de presse tenue au siège de l’ESCWA à Beyrouth, que les experts onusiens ont achevé le travail qui leur avait été confié par M. Kofi Annan. La mission de M. Larsen et de son équipe visait à confirmer le retrait de “Tsahal”, au-delà d’une ligne définie par l’ONU, conformément à la résolution 425 du Conseil de Sécurité.
Durant près de dix jours, les experts de l’ONU ont travaillé sans relâche pour délimiter cette ligne et chercher à surmonter plus de dix-sept points frontaliers litigieux entre le Liban et Israël, trois d’entre eux devant  constituer un différend entre les deux pays par rapport à leur frontière internationale tracée en 1923.
M. Larsen a reconnu l’existence de ces trois points frontaliers litigieux à Rmeiche, Misgav Am et Mtelleh. “Le rôle de l’ONU, a-t-il précisé, n’est pas de régler un problème frontalier, ceci étant du ressort des gouvernements des deux pays respectifs, mais de définir la ligne de retrait israélien”.
Le problème des hameaux de Chébaa est, lui aussi, toujours en suspens. Mais M. Annan a déjà clairement défini la position onusienne sur ces fermes occupées en juin 1967. A son avis, elles relèvent de la 242 et non de la 425.
Le cas des hameaux de Chébaa a, par ailleurs, révélé un fait plutôt inquiétant: la ligne frontalière entre le Liban et la Syrie n’a jamais été délimitée de façon précise. M. Farouk Chareh, ministre syrien des A.E., a déclaré: “Ces fermes sont bel et bien libanaises”, mais la Syrie ne se décide toujours pas à le consigner par écrit.
Dans sa conférence de presse, M. Larsen devait indiquer qu’en dépit du fait que le Liban et Israël ont émis quelques réserves sur la délimitation de la “Ligne bleue” (couleur de l’ONU), “les deux pays se plieront aux décisions du Conseil de Sécurité, étant membres de l’ONU.
“Je ne crois pas, a-t-il ajouté, que le Liban se dissociera de l’ONU, d’autant qu’il existe des mécanismes pour régler les différends frontaliers entre deux pays souverains”.
L’émissaire onusien a rendu hommage au rôle du Liban et l’a remercié, de même que la Syrie, l’Egypte, l’Arabie saoudite et la Jordanie de leur coopération avec les Nations Unies.
“Les Nations Unies, a-t-il affirmé, considèrent que la FINUL doit aider toutes les institutions libanaises à assumer leurs responsabilités dans la région, y compris les forces armées”.
 
Roed-Larsen: Le rapport déterminant.
Le Hezbollah: Place à la pondération
et à l’action politique!

APPLICATION CONCRÈTE DE LA 425
Maintenant que la “Ligne bleue” est tracée, la procédure onusienne d’application de la 425 devrait aller assez vite. Une fois le rapport Larsen approuvé par M. Annan et l’ONU, les Casques Bleus, dont l’effectif sera augmenté, se déploieront dans l’ex-zone de sécurité. Leur mission: aider l’Etat libanais à restaurer son autorité au Sud. La balle est, dès lors, dans le camp du Pouvoir libanais. Va-t-il se décider à envoyer la troupe dans le secteur libéré qui n’aspire qu’à réintégrer le giron de la Légalité? Les voix réclamant l’envoi de la troupe au Sud sont nombreuses à l’échelle internationale et locale. La France a même lié le renforcement de son effectif au sein de la FINUL à l’envoi de l’Armée libanaise au Sud.
On ne s’explique pas, dès lors, les hésitations du gouvernement libanais qui, de surcroît, pour se justifier, avance des arguments peu convaincants. “L’Armée, soutient-il, n’a pas à protéger la frontière israélienne”, ou bien “Il ne peut y avoir deux armées (la FINUL et l’Armée libanaise) sur un même territoire”.
La population sudiste ne sera pleinement rassurée qu’après le déploiement de la troupe. D’autant plus qu’il y a tant de problèmes à régler. Il faut encourager les familles ayant trouvé refuge en Israël par crainte de représailles, à réintégrer leur foyer. Car tant que le “Hezbollah” demeure maître du terrain au Sud et tout en reconnaissant qu’il a agi avec sagesse et pondération au moment du retrait de “Tsahal”, la population civile ne se sentira en sécurité que sous la bannière de la Grande Muette.

UN TOURNANT MAJEUR
L’entrée en vigueur de la 425 constitue un tournant majeur pour le Liban. Le gouvernement ne le réalise-t-il pas?
Un analyste politique fait, à ce sujet, le parallèle suivant: le retrait de “Tsahal” est un gros billet de loterie que le Liban a gagné. Mais par son attitude, le gouvernement risque de déchirer ce billet avant même de toucher le lot.
Avec l’application de la 425, les voix se multiplient aussi pour réclamer le désarmement de toutes les milices libanaises, des camps palestiniens, ainsi que le départ des troupes syriennes du Liban.
Après la parade du butin de guerre que le “Hezbollah” a effectuée de Nabatyeh à Tripoli, en passant par Saïda, Beyrouth et ses différents quartiers y compris Achrafieh, le “parti de Dieu” doit comprendre que son action devra être désormais à caractère politique. Les “Hezbollahis” sont en mesure de s’affirmer, politiquement, vu leur discipline et au fait que les Libanais reconnaissent leur grand mérite dans la libération du Sud.
Reste à régler: le problème épineux de la présence d’un demi-million de réfugiés palestiniens sur le sol libanais, dont les camps regorgent d’armes. La solution ne peut venir que d’un consensus international, le Liban ne pouvant assumer un tel poids. Ce serait comme l’a observé le chef de l’Etat “une bombe à retardement qui fera exploser à nouveau toute la région”.
Le déploiement des Casques Bleus, en vertu de la 425, va aider la population de l’ancienne bande frontalière, aux niveaux social, médical, culturel et économique, tâche que les 4.500 hommes de la FINUL ont accomplie depuis 1978.
La confirmation par l’ONU du retrait total israélien du Liban-Sud et de la Békaa-ouest, le rétablissement de l’autorité libanaise aux plans administratif et sécuritaire va permettre aux donateurs potentiels de répondre aux besoins des zones libérées. M. Miguel Angel Moratinos, coordonnateur européen pour le processus de paix au Proche-Orient, avait déjà indiqué lors de son récent passage à Beyrouth, que l’U.E. avait l’intention de parrainer une collecte de fonds pour aider à la reconstruction du Liban-Sud.
 
Réunion ministérielle arabe au Caire: 
Les pressions sur la Syrie sont inutiles.
Albright - Barak: Le moment de vérité
...et des concessions.

VERS LA RELANCE DU PROCESSUS DE PAIX?
Le retrait israélien du Liban-Sud semble avoir donné du tonus au processus de paix au Proche-Orient et stimulé les Etats-Unis à entreprendre une nouvelle médiation pour relancer les différents volets des pourparlers.
Mme Madeleine Albright, secrétaire d’Etat U.S.,  est donc revenue dans la région, en vue de réactiver ce processus. Au cours des trois jours passés au Proche-Orient, Mme Albright a mis les bouchées doubles pour favoriser la reprise des négociations israélo-palestiniennes, celles-ci ayant du retard sur le calendrier établi lors de la rencontre de Charm el-Cheikh en septembre 1999.
Se déplaçant entre Jérusalem, Tel-Aviv et la Cisjordanie, elle a rencontré, à deux reprises, le Premier ministre israélien, Ehud Barak et s’est longuement entretenue avec le chef de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat à Ramallah. Celui-ci a donné son accord pour une rencontre avec Bill Clinton, le 14 juin à la Maison-Blanche.
A Jérusalem, Barak s’est déclaré favorable à un accord final avec les Palestiniens, tout en rappelant les constantes immuables de la politique de Tel-Aviv: pas de retour aux frontières de 1967; Jérusalem restera la capitale unifiée d’Israël; rejet du droit au retour des trois millions et demi de Palestiniens de la diaspora et regroupement de la majorité des colons de Cisjordanie, dans certaines implantations à maintenir sous souveraineté israélienne.
A l’issue de ses multiples entretiens, Mme Albright devait déclarer: “Nous sommes à un moment de vérité, mais aucune des deux parties ne pourra obtenir 100% de ce qu’elle demande; il leur faudra faire des concessions”.
Reste à savoir si d’ici le 13 septembre, date butoir pour un accord définitif entre Israéliens et Palestiniens, la formule de compromis sera trouvée, étant donné les divergences de taille, dont l’avenir de Jérusalem, question-clé, qui persistent entre les deux parties.
Cependant, les menaces qui pèsent actuellement sur la coalition gouvernementale en Israël et les rumeurs sur des élections législations anticipées, risquent de reporter sine die les pourparlers de paix ou, du moins, d’empêcher toute percée significative dans ce domaine. D’autres analystes plus optimistes, estiment néanmoins que M. Barak sortira renforcé de son bras-de-fer avec les fancons de son gouvernement et aura les mains plus libres pour sceller un compromis.

QUID DES NÉGOCIATIONS SYRO-ISRAÉLIENNES?
Le souhait du président Clinton est d’achever son mandat par un accord de paix global au P.-O. Pour cela, le dossier israélo-syrien demeure pour lui de haute importance. La rencontre au Caire, de Mme Albright avec M. Farouk Chareh, chef de la diplomatie syrienne, visait à débloquer ce processus en panne depuis janvier 2000 et que le sommet Clinton-Assad à Genève n’a pas réussi à dégeler.
Selon certains observateurs politiques, il y a encore des chances pour que les pourparlers entre Israéliens et Syriens reprennent avant fin juillet, permettant une sortie en beauté au chef de la Maison-Blanche.
Ces spéculations se basent sur deux faits: la situation interne en Syrie et le souhait du président Hafez Assad d’assurer à son fils et dauphin Bachar, une succession dans un pays en paix avec ses voisins. Le second argument est que le retrait unilatéral de “Tsahal” du Liban-Sud a enlevé à la Syrie une carte maîtresse et un atout majeur.
Pour le Liban, toute reprise des négociations entre Damas et Tel-Aviv en vue d’aboutir à un accord de paix juste et équitable, ne peut que lui être salutaire. Il pourra, à son tour, signer la paix, n’étant pas jusque-là autorisé à faire cavalier seul, en vertu de la concomitance des deux volets.

Par NELLY HÉLOU

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