POINTS LITIGIEUX
L’envoyé spécial de l’ONU au Proche-Orient a annoncé
dans le cadre d’une conférence de presse tenue au siège de
l’ESCWA à Beyrouth, que les experts onusiens ont achevé le
travail qui leur avait été confié par M. Kofi Annan.
La mission de M. Larsen et de son équipe visait à confirmer
le retrait de “Tsahal”, au-delà d’une ligne définie par l’ONU,
conformément à la résolution 425 du Conseil de Sécurité.
Durant près de dix jours, les experts de l’ONU ont travaillé
sans relâche pour délimiter cette ligne et chercher à
surmonter plus de dix-sept points frontaliers litigieux entre le Liban
et Israël, trois d’entre eux devant constituer un différend
entre les deux pays par rapport à leur frontière internationale
tracée en 1923.
M. Larsen a reconnu l’existence de ces trois points frontaliers litigieux
à Rmeiche, Misgav Am et Mtelleh. “Le rôle de l’ONU, a-t-il
précisé, n’est pas de régler un problème frontalier,
ceci étant du ressort des gouvernements des deux pays respectifs,
mais de définir la ligne de retrait israélien”.
Le problème des hameaux de Chébaa est, lui aussi, toujours
en suspens. Mais M. Annan a déjà clairement défini
la position onusienne sur ces fermes occupées en juin 1967. A son
avis, elles relèvent de la 242 et non de la 425.
Le cas des hameaux de Chébaa a, par ailleurs, révélé
un fait plutôt inquiétant: la ligne frontalière entre
le Liban et la Syrie n’a jamais été délimitée
de façon précise. M. Farouk Chareh, ministre syrien des A.E.,
a déclaré: “Ces fermes sont bel et bien libanaises”, mais
la Syrie ne se décide toujours pas à le consigner par écrit.
Dans sa conférence de presse, M. Larsen devait indiquer qu’en
dépit du fait que le Liban et Israël ont émis quelques
réserves sur la délimitation de la “Ligne bleue” (couleur
de l’ONU), “les deux pays se plieront aux décisions du Conseil de
Sécurité, étant membres de l’ONU.
“Je ne crois pas, a-t-il ajouté, que le Liban se dissociera
de l’ONU, d’autant qu’il existe des mécanismes pour régler
les différends frontaliers entre deux pays souverains”.
L’émissaire onusien a rendu hommage au rôle du Liban et
l’a remercié, de même que la Syrie, l’Egypte, l’Arabie saoudite
et la Jordanie de leur coopération avec les Nations Unies.
“Les Nations Unies, a-t-il affirmé, considèrent que la
FINUL doit aider toutes les institutions libanaises à assumer leurs
responsabilités dans la région, y compris les forces armées”.
![]() |
![]() et à l’action politique! |
APPLICATION CONCRÈTE DE LA 425
Maintenant que la “Ligne bleue” est tracée, la procédure
onusienne d’application de la 425 devrait aller assez vite. Une fois le
rapport Larsen approuvé par M. Annan et l’ONU, les Casques Bleus,
dont l’effectif sera augmenté, se déploieront dans l’ex-zone
de sécurité. Leur mission: aider l’Etat libanais à
restaurer son autorité au Sud. La balle est, dès lors, dans
le camp du Pouvoir libanais. Va-t-il se décider à envoyer
la troupe dans le secteur libéré qui n’aspire qu’à
réintégrer le giron de la Légalité? Les voix
réclamant l’envoi de la troupe au Sud sont nombreuses à l’échelle
internationale et locale. La France a même lié le renforcement
de son effectif au sein de la FINUL à l’envoi de l’Armée
libanaise au Sud.
On ne s’explique pas, dès lors, les hésitations du gouvernement
libanais qui, de surcroît, pour se justifier, avance des arguments
peu convaincants. “L’Armée, soutient-il, n’a pas à protéger
la frontière israélienne”, ou bien “Il ne peut y avoir deux
armées (la FINUL et l’Armée libanaise) sur un même
territoire”.
La population sudiste ne sera pleinement rassurée qu’après
le déploiement de la troupe. D’autant plus qu’il y a tant de problèmes
à régler. Il faut encourager les familles ayant trouvé
refuge en Israël par crainte de représailles, à réintégrer
leur foyer. Car tant que le “Hezbollah” demeure maître du terrain
au Sud et tout en reconnaissant qu’il a agi avec sagesse et pondération
au moment du retrait de “Tsahal”, la population civile ne se sentira en
sécurité que sous la bannière de la Grande Muette.
UN TOURNANT MAJEUR
L’entrée en vigueur de la 425 constitue un tournant majeur pour
le Liban. Le gouvernement ne le réalise-t-il pas?
Un analyste politique fait, à ce sujet, le parallèle
suivant: le retrait de “Tsahal” est un gros billet de loterie que le Liban
a gagné. Mais par son attitude, le gouvernement risque de déchirer
ce billet avant même de toucher le lot.
Avec l’application de la 425, les voix se multiplient aussi pour réclamer
le désarmement de toutes les milices libanaises, des camps palestiniens,
ainsi que le départ des troupes syriennes du Liban.
Après la parade du butin de guerre que le “Hezbollah” a effectuée
de Nabatyeh à Tripoli, en passant par Saïda, Beyrouth et ses
différents quartiers y compris Achrafieh, le “parti de Dieu” doit
comprendre que son action devra être désormais à caractère
politique. Les “Hezbollahis” sont en mesure de s’affirmer, politiquement,
vu leur discipline et au fait que les Libanais reconnaissent leur grand
mérite dans la libération du Sud.
Reste à régler: le problème épineux de
la présence d’un demi-million de réfugiés palestiniens
sur le sol libanais, dont les camps regorgent d’armes. La solution ne peut
venir que d’un consensus international, le Liban ne pouvant assumer un
tel poids. Ce serait comme l’a observé le chef de l’Etat “une bombe
à retardement qui fera exploser à nouveau toute la région”.
Le déploiement des Casques Bleus, en vertu de la 425, va aider
la population de l’ancienne bande frontalière, aux niveaux social,
médical, culturel et économique, tâche que les 4.500
hommes de la FINUL ont accomplie depuis 1978.
La confirmation par l’ONU du retrait total israélien du Liban-Sud
et de la Békaa-ouest, le rétablissement de l’autorité
libanaise aux plans administratif et sécuritaire va permettre aux
donateurs potentiels de répondre aux besoins des zones libérées.
M. Miguel Angel Moratinos, coordonnateur européen pour le processus
de paix au Proche-Orient, avait déjà indiqué lors
de son récent passage à Beyrouth, que l’U.E. avait l’intention
de parrainer une collecte de fonds pour aider à la reconstruction
du Liban-Sud.
![]() Les pressions sur la Syrie sont inutiles. |
![]() ...et des concessions. |
VERS LA RELANCE DU PROCESSUS DE PAIX?
Le retrait israélien du Liban-Sud semble avoir donné
du tonus au processus de paix au Proche-Orient et stimulé les Etats-Unis
à entreprendre une nouvelle médiation pour relancer les différents
volets des pourparlers.
Mme Madeleine Albright, secrétaire d’Etat U.S., est donc
revenue dans la région, en vue de réactiver ce processus.
Au cours des trois jours passés au Proche-Orient, Mme Albright a
mis les bouchées doubles pour favoriser la reprise des négociations
israélo-palestiniennes, celles-ci ayant du retard sur le calendrier
établi lors de la rencontre de Charm el-Cheikh en septembre 1999.
Se déplaçant entre Jérusalem, Tel-Aviv et la Cisjordanie,
elle a rencontré, à deux reprises, le Premier ministre israélien,
Ehud Barak et s’est longuement entretenue avec le chef de l’Autorité
palestinienne Yasser Arafat à Ramallah. Celui-ci a donné
son accord pour une rencontre avec Bill Clinton, le 14 juin à la
Maison-Blanche.
A Jérusalem, Barak s’est déclaré favorable à
un accord final avec les Palestiniens, tout en rappelant les constantes
immuables de la politique de Tel-Aviv: pas de retour aux frontières
de 1967; Jérusalem restera la capitale unifiée d’Israël;
rejet du droit au retour des trois millions et demi de Palestiniens de
la diaspora et regroupement de la majorité des colons de Cisjordanie,
dans certaines implantations à maintenir sous souveraineté
israélienne.
A l’issue de ses multiples entretiens, Mme Albright devait déclarer:
“Nous sommes à un moment de vérité, mais aucune des
deux parties ne pourra obtenir 100% de ce qu’elle demande; il leur faudra
faire des concessions”.
Reste à savoir si d’ici le 13 septembre, date butoir pour un
accord définitif entre Israéliens et Palestiniens, la formule
de compromis sera trouvée, étant donné les divergences
de taille, dont l’avenir de Jérusalem, question-clé, qui
persistent entre les deux parties.
Cependant, les menaces qui pèsent actuellement sur la coalition
gouvernementale en Israël et les rumeurs sur des élections
législations anticipées, risquent de reporter sine die les
pourparlers de paix ou, du moins, d’empêcher toute percée
significative dans ce domaine. D’autres analystes plus optimistes, estiment
néanmoins que M. Barak sortira renforcé de son bras-de-fer
avec les fancons de son gouvernement et aura les mains plus libres pour
sceller un compromis.
QUID DES NÉGOCIATIONS SYRO-ISRAÉLIENNES?
Le souhait du président Clinton est d’achever son mandat par
un accord de paix global au P.-O. Pour cela, le dossier israélo-syrien
demeure pour lui de haute importance. La rencontre au Caire, de Mme Albright
avec M. Farouk Chareh, chef de la diplomatie syrienne, visait à
débloquer ce processus en panne depuis janvier 2000 et que le sommet
Clinton-Assad à Genève n’a pas réussi à dégeler.
Selon certains observateurs politiques, il y a encore des chances pour
que les pourparlers entre Israéliens et Syriens reprennent avant
fin juillet, permettant une sortie en beauté au chef de la Maison-Blanche.
Ces spéculations se basent sur deux faits: la situation interne
en Syrie et le souhait du président Hafez Assad d’assurer à
son fils et dauphin Bachar, une succession dans un pays en paix avec ses
voisins. Le second argument est que le retrait unilatéral de “Tsahal”
du Liban-Sud a enlevé à la Syrie une carte maîtresse
et un atout majeur.
Pour le Liban, toute reprise des négociations entre Damas et
Tel-Aviv en vue d’aboutir à un accord de paix juste et équitable,
ne peut que lui être salutaire. Il pourra, à son tour, signer
la paix, n’étant pas jusque-là autorisé à faire
cavalier seul, en vertu de la concomitance des deux volets.