“Le
roi est mort, vive le roi”! Ce précepte en vigueur dans les pays
à têtes couronnées est-il, désormais, entré
dans la tradition syrienne? Seul l’avenir le dira.
Rien a priori ne destinait le fils cadet du “Lion de Damas” à
des fonctions officielles. En 1994, alors qu’il entamait une carrière
d’ophtalmologue, son frère aîné Bassel, dauphin présumé
de Hafez Assad, décède accidentellement. Ce fut sans doute
le coup le plus dur pour le président syrien, d’autant plus qu’il
avait placé tous ses espoirs politiques en son fils aîné.
En véritable homme téméraire, Assad surmonte l’épreuve
et porte ses espoirs sur son cadet. Le destin de Bachar venait de basculer.
Il entre, alors, dans l’armée passage obligé pour toute carrière
politique ou fonction suprême en Syrie et le jeune médecin
reçoit une formation accélérée et commence
son apprentissage du Pouvoir. Il se fait connaître sur le terrain
diplomatique effectue des visites dans le monde arabe, surtout dans les
pays du Golfe.
Reçu par le président Chirac à l’Elysée
en novembre 99, il obtient, ainsi, une reconnaissance internationale. Le
président Assad lui confie, aussi, de plus en plus, le dossier libanais
qui lui tient le plus à cœur. Sur le plan interne, il engage un
véritable combat pour moderniser le pays et lutter contre la corruption.
PORTRAIT
Grand de taille, les yeux bleus, le visage coupé par une petite
moustache, Bachar Assad est né en 1965. Il fait ses études
à l’ancien lycée franco-arabe de la capitale syrienne et
étudie la médecine à l’université de Damas.
Il choisit de se spécialiser en ophtalmologie à l’hôpital
militaire de Techrine à Damas entre 1988 et 1992; puis, se rend
à Londres pour parachever sa spécialisation. En 1994, alors
qu’il se préparait à entamer une carrière d’ophtalmologue,
la mort tragique de son frère aîné bouleverse sa vie.
D’allure timide, toujours élégant, formé à
l’occidentale, parlant l’anglais et le français, passionné
d’informatique, il dirige la société scientifique syrienne
pour l’informatique. Il est appelé, aujourd’hui, à l’âge
de 34 ans, à assumer une succession à hauts risques et défis.
Il lui faudra, tout d’abord, disent les analystes, asseoir son autorité
sur le plan interne et obtenir pour cela, l’appui de l’armée, des
services secrets et du parti Baas. Pour l’heure, il jouit à coup
sûr du soutien des alliés de son père, tel l’indéfectible
ministre de la Défense, le général Moustapha Tlass.
Mais il doit savoir, aussi, qu’il y a en Syrie des adversaires au Pouvoir:
les “frères musulmans”, matés à Hama par la force,
la classe politique écartée par les récentes réformes
ou bien par le passé et qui voudrait revenir au Pouvoir. Il doit
tenir compte de la réaction de son oncle Rifaat, banni de Syrie,
vivant en Europe et qui vient de déclarer sur la chaîne de
télévision satellitaire “Arab News Network” (ANN) appartenant
à son fils Sumer: “Je renouvelle l’engagement que j’ai pris: il
y aura un nouveau mouvement de redressement à tous les niveaux.
La liberté et la démocratie seront instaurées en Syrie”.
Rifaat Assad accuse, par ailleurs, les dirigeants syriens “d’avoir violé
la Constitution en faisant fi de la légalité et de la volonté
du peuple”.
Ces menaces ne peuvent être inquiétantes que dans la mesure
où Rifaat jouit toujours d’un appui interne en Syrie du côté
de l’armée et, surtout, des services de renseignements. Il faut
se demander, aussi, si les grandes puissances veulent une Syrie instable
ou forte et cohérente?
LES PRIORITÉS
Pour Bachar Assad, l’objectif prioritaire sur le plan interne sera,
sans doute, de moderniser l’économie syrienne, de l’orienter davantage
vers le secteur privé, de mettre fin à la lourdeur bureaucratique
et à des services administratifs inefficaces. Pour couper court
au clientélisme, il a déjà mené du vivant de
son père une campagne anti-corruption et la nomination en mars dernier
d’un nouveau gouvernement dit de “purs” est, selon les analystes, le premier
signe de l’impact de Bachar sur le Pouvoir.
Pour Patrik Seale, le biographe de Hafez Assad, “le Dr Bachar est le
chef de file de la nouvelle génération en Syrie; il incarne
la modernisation du pays et devra compter sur les jeunes désireux
de le faire évoluer”.
Bachar, dit-on, aussi, ambitionne de faire entrer son pays dans l’ère
du Web.
Qu’en sera-t-il de la politique extérieure concernant, surtout,
le processus de paix? Aux dires des observateurs, il n’y aurait pas de
reprise des négociations à court terme, car Bachar Assad
doit pouvoir asseoir son autorité sur le plan interne avant de s’engager
dans le processus de paix. Serait-il plus souple que son père, accepterait-il
les compromis?
Qu’en sera-t-il des relations entre la Syrie et le Liban? La première
visite officielle de Bachar Assad à l’étranger a été
au Liban en mai 1995, où il a été reçu par
le président de l’époque Elias Hraoui.
Le président Assad avait, d’ailleurs, confié le dossier
Liban à son fils cadet. Mais pour certains analystes politiques,
la disparition du président syrien et le retrait unilatéral
israélien du Liban-Sud, pourraient permettre au Liban de jouer un
rôle plus autonome.