ASSAD... LE GRAND
PERDU PAR LES ARABES
BACHAR, L’HÉRITIER SOUHAITÉ
Combien
ont-ils parié sur sa longévité, tout en admettant
avec lui, étant des croyants, que les âges sont entre la main
de Dieu. Les membres de la famille Assad, dit-on, vivent longtemps... Sauf
la maison de Hafez Assad. Il est parti à soixante-dix ans non accomplis.
Et Bassel à trente-deux ans. Le 6 octobre 1930 est son anniversaire.
Dieu, combien dans le jeu du destin se forment les dates! Au mois d’octobre
1973, quarante années après sa naissance est née la
confiance arabe en ce qu’Israël peut être vaincu. Il était
devenu, alors chef de l’Etat, après avoir été chef
du gouvernement le 16 novembre 1970 pour mettre un terme, en sa qualité
de secrétaire général du “Baas”, aux batailles marginales
en son sein.
Depuis sa prime jeunesse, c’était un résistant,
depuis qu’il étudiait au lycée français de Lattaquieh.
A l’époque, il adhéra au “Baas”, le parti de tendance laïque,
au point de rejeter la répartition confessionnelle des sièges
à la Chambre des députés. Tout en ayant la conviction
que l’Islam est l’un des éléments constitutifs de l’arabisme.
En 1947, le “Baas” avait à sa tête à Damas, un grec-orthodoxe
et un sunnite, Michel Aflak et Salaheddine Bitar, pour devenir en 1953,
le “Baas socialiste arabe”, après sa fusion avec le parti socialiste,
le parti d’Akram Haurani.
Ainsi fut formé le trio Aflak, Bitar,
Haurani, le parti ayant eu un prolongement à travers des branches
régonales en Jordanie, au Liban et en Irak. Le trio a fait le tour
des Arabes pour soutenir que les peuples arabes forment une seule nation,
aspirant à devenir un seul Etat appelé à jouer un
rôle distinctif dans le monde.
Au lycée français de Lattaquieh
où il se rendait de Qordaha, il s’est révolté contre
le mandat français, lequel dans la seconde moitié des années
trente et avant cette date, commençait à vivre des jours
difficiles, au Liban et en Syrie. Le Haut commissaire à l’époque,
Damien de Martel estimait que le marasme qui prévalait au temps
de son prédécesseur, Henri Ponsot, devait prendre fin. Il
a appelé à des élections au Liban et en Syrie. Le
scrutin eut lieu en Syrie en avril 1932 et les députés syriens
élus étaient enclins, pour ne pas dire loyaux, au mandat.
Sauf à Damas où les élections furent gagnées
par le “front national”. Ce dernier a assuré l’accession à
la Chambre de douze députés qui ont renversé la tendance
au sein du parlement au moyen des parlementaires loyalistes. Ils ont transformé
l’image de la Chambre et de Martel riposta en suspendant la Constitution
syrienne, comme avait agi son prédécesseur Ponsot, du temps
de Dabbas au Liban. Il institua le “système du 9 mai” et envoya
les soldats sénégalais autour du parlement qu’il paralysa.
Puis, il fit appel à Tajeddine Al-Husni, que de Jouvenel avait chargé
en 1926 de former un gouvernement d’union nationale. Il le nomma président
de la République, en lui conférant ainsi qu’à son
gouvernement, le pouvoir de légiférer en vertu de décrets.
L’adolescent, l’enfant à l’époque,
se révolte contre tout cela, ne tolérant pas un tel comportement
pour sa patrie. Il entre à l’Ecole militaire de Homs où il
rencontre son ami Moustapha Tlass. Le temps s’écoule et l’unité
est instituée entre la Syrie et l’Egypte, la République arabe
unie, sous la direction de Jamal Abdel-Nasser, de 1958 à 1961. Durant
tout ce temps, Hafez Assad était en Egypte. Il avait été
envoyé dans ce pays en tant que membre de la commission militaire
baassiste, dont faisaient partie Salah Jédid et certains officiers
syriens, en prévision de la prise en charge du Pouvoir à
Damas en 1963. Hafez Assad est nommé commandant de l’armée
de l’air en 1965. Il tombe d’accord avec Salah Jédid, pour évincer
le gouvernement, considéré comme étant de droite plus
que nécessaire; puis, en tant que ministre de la Défense
il sacrifie Salah Jédid, le “radical” et “l’aventurier”.
Il avait foi en l’Etat, parce qu’à
son avis, la patrie sans Etat cesse d’être une patrie pour devenir
un champ à découvert. Au temps du “septembre noir” en Jordanie
en 1970, il relate qu’étant en route pour Amman, il fut intercepté
par des barrages palestiniens qui exerçaient une présence
et une autorité sur la terre de Jordanie. “Ceci, dit-il, est inacceptable,
car la présence de deux Etats en un seul est rejetée. Il
refuse, alors de couvrir les chars syriens qui tentaient de soutenir l’OLP.
Il était ferme et souple quand il le fallait.
C’est pourquoi, il put entrer dans le jeu des nations, tout en menant une
vie austère et simple. Il parvint à imposer autour de lui
la propreté, lui qui se révoltait en permanence contre la
corruption.
Avec lui, bien des choses ont changé.
La Syrie a été protégée contre les coups d’Etat
qui s’y sont produits de 1949 à 1970. De ce fait, elle put prendre
les grandes décisions, participer à la guerre du 6 juin dans
les années soixante-dix et dire “oui” à la paix dans les
années quatre-vingts, en passant par l’intervention au Liban pour
rejeter la partition, frapper “l’accord du 17 mai” et refuser camp David,
jusqu’à négocier avec Israël avec l’esprit instauré
par la conférence de Madrid.
Il était l’homme des décisions
difficiles, au point qu’on avait la conviction qu’il n’y avait pas de guerre
sans l’Egypte, ni de paix sans la Syrie. Ceux qui œuvraient en vue d’isoler
la Syrie ont échoué, car il brisait chaque fois l’étau
de l’isolement. Et la Syrie revenait toujours, en dépit des difficultés,
plus active, s’imposant en tant que négociateur central au Proche-Orient.
Ceci est une vérité, comme l’est
aussi la réponse internationale. Jusqu’à ce que le monde
et l’Amérique au nom de l’univers, entra dans le jeu de l’émulation
en traitant avec lui. Le président de l’Amérique est venu
à lui quatre fois, alors que la Syrie, aux plans mondial et américain,
figurait sur la liste des pays protecteurs du terrorisme. Car l’Amérique
et certaine partie du monde, n’ont pu distinguer entre le droit à
la résistance et rejeter l’illégalité du “terrorisme”.
Jusqu’à ce que la Résistance a triomphé. La victoire
l’a réjoui.
Hafez Assad s’est placé parmi les grands
leaders ayant des opinions, auxquels on a recours lorsque les développements
de la conjoncture nécessitent une prise de position. Cet opiniâtre
dans son droit, dans le droit de sa patrie et de sa nation a su établir
une distinction entre les “deux provinces”, avec Noureddine Atassi, Salah
Jédid et les “nationalistes” jusqu’à la confrontation et
la victoire des deux provinces. Cet opiniâtre dans son droit, le
droit de sa patrie et de sa nation, est venu au Liban pour y arrêter
l’effondrement.
Il est intervenu pour empêcher les parties
antagonistes à trancher. Car cela était interdit au Liban,
au triple plan libanais, régional et international. Au Liban était
mené le grand jeu; le jeu du Liban, de la région et du monde.
Il est entré dans le jeu de la paix, partant de sa foi dans la paix,
ayant dans son esprit la position de la Syrie dans l’histoire de la paix
et surtout après la paix. C’était un visionnaire. Le “Baas”
a changé avec lui, de même que l’Etat. Il avait une longue
vision, aussi a-t-il pressenti la paix au Proche-Orient et réalisé
son rôle dans son processus. Il a accompagné le processus
avec sincérité, jusqu’à dire le 16 janvier 1994 au
cours de sa rencontre avec le président Clinton: “Nous sommes prêts
à signer la paix maintenant”. Mais il est resté réservé,
parce qu’il connaissait Israël et ses visées sur les hauteurs
du Golan, à Jérusalem et au Liban-Sud d’où il ne s’est
retiré qu’à la manière d’une “extraction de dent”,
selon l’expression populaire. Il l’a vu occuper le Golan en 1967 et l’annexer
en 1981, en vertu d’une décision que Menahem Begin a fait voter
par le Knesset, un jour exactement après le coup d’Etat de Jaruzelski
en Pologne. Et il a entendu le président américain Gerard
Ford s’engager, ainsi que les futurs présidents, à maintenir
le Golan sous l’hégémonie israélienne, le jour où
seront tracées les frontières entre la Syrie et Israël.
De là, son insistance sur le Golan en entier, tel que consacré
par l’accord Sykes-Picot en tant que partie intégrante du territoire
syrien. Il en fut ainsi aux négociations de Madrid et d’Oslo.
Ainsi est Hafez Assad, le “Baas” et la Syrie
de Hafez Assad. Que sera la Syrie de Bachar? Il est très difficile
pour le successeur d’être à l’image du prédécesseur.
Cependant, le fils prend de son père et le Dr Bachar Assad réalise
qu’il hérite deux personnes: Hafez Assad et Bassel Assad pour réaliser
le rêve paternel.
C’est une grande responsabilité, à
la dimension du grand qui a disparu. Hafez Assad reste en tant que station
dans la marche arabe et de cet Orient, lequel aurait souhaité le
voir rester, afin de contribuer à écrire ses épopées
et de placer la Syrie dans la position qu’elle mérite. |
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