ALLERGIES ET MALADIES CUTANÉES DE L’ÉTÉ:
COMMENT LES PRÉVENIR ET LES TRAITER?
On avait rêvé, tout l’hiver, du retour des beaux jours, de soleil bienfaisant, de brise caressante, de journées lumineuses, de sites verts et fleuris où il  ferait bon se promener et, bien sûr, de longues journées au bord de la mer... Sans se douter, peut-être, que ces mêmes éléments qui semblaient la garantie de belles vacances, pouvaient s’avérer être les déclencheurs de diverses sortes d’allergies et de maladies cutanées.
Rhinites (rhume des foins), eczémas, mycoses (champignons), prurit, se manifestent de manière accrue au printemps et en été. Comment les prévenir et les traiter? Nous avons consulté, à cet effet, deux médecins.
Mais quels sont les types d’allergies et les problèmes de peau les plus courants en été?


Actinoréticulose (manifestation photoallergique).

Le Dr Yahia Boustany, dermatologue à l’hôpital Rizk, affirme: “Le soleil est le dénominateur commun à toutes les allergies. A part les brûlures solaires que tout le monde connaît, à la recherche de la beauté éphémère du bronzage, on peut citer les allergies dues uniquement au soleil: ce sont les lucites et le prurit solaire.
- Les lucites apparaissent sur les zones découvertes, (visage et avant-bras), prennent l’aspect d’eczéma aigu et nécessitent le même traitement que l’eczéma.
- Le prurit solaire est, pratiquement, la seule urgence en dermatologie, en été: le malade ressent des brûlures et un grattage intense qui nécessite, parfois, une corticothérapie par voie générale. Les allergies visualisées par le soleil, sont les photosensibilisations, allergies provoquées par des causes externes: crèmes, produits et savons parfumés.
Les allergies dont la cause est interne, sont surtout dues à certains médicaments photosensibilisants (qui réagissent à la lumière et au soleil) comme la pilule contraceptive, les hormones, les médicaments pour le cœur, les nerfs, les vaisseaux sanguins et certains antiseptiques urinaires...


Photosensibilisation médicamenteuse.

Elles se manifestent sous forme de lucites ou de pigmentations (taches brunes).
Ces cas peuvent être atténués par des applications d’écrans totaux.
Les eczémas chroniques et les mycoses se manifestent, par ailleurs, par des taches blanches qui nécessitent un traitement préalable pour les éviter (administration d’antifongiques avant l’exposition).
Les maladies déclenchées par le soleil: il s’agit de quelques maladies rares, comme le “lupus érythémateux” et les porphyries (lésions bulleuses et kératosiques), au niveau des zones exposées.
Le naevus malin (ou naevi malins). S’il n’y avait le naevus malin, toute la dermatologie n’aurait pas de raison d’être, souligne le Dr Boustany. C’est la maladie la plus grave de toute la médecine. Ce sont les grains de beauté qui risquent de se transformer en cancer, surtout en été. Tout grain de beauté qui commence à se transformer et à prendre un autre aspect, nécessite une consultation médicale notamment en cas de changement de couleur, d’élargissement de la lésion, de suintement et de rougeur au pourtour.
Un autre cancer, moins grave est le “cancer des marins”, le spino-cellulaire, qui est une transformation maligne d’une kératose solaire (lésion kératosique ressemblant à une verrue). Leur traitement, à tous deux, est chirurgical et, si on s’y prend assez tôt, il n’y a pas de risque mortel. Par contre, certaines maladies de peau sont améliorées par le soleil comme le psoriasis, (taches rouges recouvertes de squames abondantes et blanchâtres localisées aux coudes, aux genoux et dans le cuir chevelu) et certaines formes d’acné.
Indépendamment du soleil, certaines maladies ne se manifestent qu’au printemps et en été. On voit les mycoses apparaître, après un temps d’hibernation, aux premiers jours du printemps, sous forme de taches marron: c’est le pityriasis versicolore et des lésions humides entre les orteils: c’est la mycose interdigitale.
Les maladies mycosiques s’accompagnent, très souvent, d’une réaction allergique qui touche les mains et les pieds; elle est très fréquente au Liban: c’est la dysidrose palmo-plantaire (troubles des glandes sudoripares).
On peut éviter ces inconvénients par une hygiène corporelle basée sur les toilettes au savon acide (traitement anti-mycosique).
Les enfants ne sont pas épargnés par les inconvénients de l’été. Ils sont très souvent sujets aux infections streptococciques (impetigo) qui se manifestent par des bulles suintantes très contagieuses, contractées au bord de la mer et nécessitent, parfois, une antibiothérapie par voie générale.
Vue de l’office religieux.
L’ordination des huit moines.

Certaines mycoses, aussi, communiquées surtout par les chiens et les chats, exigent un traitement antimycosique. Elles se révèlent sous forme de taches rouges bien dessinées et sont transmissibles à l’homme (aux enfants surtout) par les poils de l’animal, sans qu’il y ait de lésions préalables sur la peau de celui-ci.
L’allergie cutanée la plus commune chez les enfants à cette époque, c’est le “prurigo”, provoqué par des piqûres de moustiques, produisant de petites bulles et un grattage intense sur tout le corps. Le traitement est à base d’antihistaminiques par voie générale et de crèmes à la cortisone. De même, le pollen en cette période de floraison et en été, peut entraîner des eczémas et des urticaires que l’on traitera par l’administration d’antihistaminiques. Le Dr Yahia Boustany insiste, notamment, sur les points suivants:
- Ne pas s’exposer au soleil entre 11 et 16 heures;
- se munir de crèmes écrans totaux;
- se laver après chaque journée de plage avec un savon acide antiseptique, se sécher soigneusement et, surtout, se convaincre du fait qu’un bronzage qui confère une beauté éphémère, provoque hélas! des rides indélébiles.
Après avoir passé en revue les allergies et maladies dermatologiques, nous avons demandé au Dr Elias Asfar, allergologue à l’hôpital Saint-Georges de Beyrouth, quelles sortes d’allergies diagnostique-t-il le plus souvent en été?
Nous constatons, dit le Dr Asfar, dans la sphère O.R.L (Oto-rhino-laryngologie) notamment, une recrudescence des phénomènes allergiques polliniques, au printemps et en été. Il existe dans les pays civilisés, des calendriers polliniques, des études statistiques des pollens existant dans chaque région et de leur densité, mais l’Etat chez nous n’a pas soutenu un tel projet.
Ainsi, chaque région (littoral, plaine, montagne, le Nord, le Sud) a ses pollens plus ou moins spécifiques. (Par exemple, fréquence dans la Békaa des allergies au pollen des céréales).
On peut, donc, être allergique aux pollens et moisissures des graminées, aux arbres, notamment l’olivier, les platanes, les cyprès et aux herbacées. Ces allergies se manifestent, généralement, chez les gens prédisposés qui, d’ailleurs, savent désormais qu’ils les font chaque année plus ou moins à la même époque, suivant la saison des pluies. Si celle-ci a été longue, les phénomènes pollinisants, allergisants sont reportés, si la saison a été courte, la pollinisation survient avant, assez tôt; les allergies aussi. Il faut savoir que, plus on monte en altitude, plus la saison des allergies est retardée dans le temps. Plus il y a de rochers, moins il y a de plantes, moins il y a de pollen et donc d’allergies. Il convient donc aux allergiques d’éviter les promenades en campagne et dans les sous-bois (pollen, humidité et moisissures), de fermer les vitres des voitures et même les fenêtres de leur chambre à coucher et, éventuellement, s’ils le peuvent, de changer carrément de région pendant un certain temps. Autrement dit, de vivre dans une bulle à cette saison.
Comment se manifestent les symptômes allergiques?
Très progressivement, répond le Dr Asfar. D’abord, par des chatouillements dans les narines, des yeux qui larmoient, du prurit, la gorge et les oreilles qui grattent. Ces phénomènes étant suivis de salves d’éternuements, d’écoulement nasal (rhinorrhée) qui finit par une congestion nasale: la muqueuse du nez est tellement agressée, qu’elle sécrète des substances vaso-actives comme l’histamine, la sérotonine, etc... La muqueuse va, alors, gonfler pour provoquer un œdème et un blocage nasal. Dès lors, la personne se mettra à respirer par la bouche d’où une agression du pharynx et une hyperactivité laryngo-pharyngée et trachéale, toux spasmodique et bronchospasmes (asthme saisonnier).
En Suède et dans les pays civilisés, on fait des dépistages précoces (surtout dans les familles prédisposées) des tests cutanés, l’examen de l’hémoglobuline E (IgE) dans le sang... Chez nous, on ne peut que fuir les régions denses en pollen ou s’isoler, le temps que la saison passe, dit notre allergologue. (voir ci-après).
Ainsi, quand le patient se présente en persaison (pendant la saison des allergies), le traitement dépend de la gravité de l’atteinte. On administre, généralement, des corticostéroïdes, quand l’atteinte est aiguë, pendant une courte durée (4 à 5 jours), sans aucun effet secondaire ou contre-indication; avec, bien sûr, des antihistaminiques par voie générale (buccale) et locale (nasale) notamment les anti-inflammatoires stéroïdiens, pour une durée s’étendant parfois sur toute la saison. En cas d’asthme, on ajoute des broncho-dilatateurs. Quand le patient consulte en présaisonnier (avant la saison), deux conduites sont possibles:
1) soit que le malade présente une saison longue et, dans ce cas, le patient peut suivre une thérapie en deux temps:
- Un traitement médical (classique) avant le début de la saison, car plus on commence tôt (2 à 4 mois avant la saison), moins on prend de médicaments et plus on passe le cap sans problème notoire. Il s’agira, notamment, de la prise de petites doses d’antihistaminiques locaux et généraux.
- Une désensibilisation spécifique: elle suppose une période de gêne longue et un diagnostic préalable du pollen responsable de l’allergie, soit par un test cutané dit en “prick” (on pique la peau ce qui provoque une petite rougeur autour de l’endroit piqué quand on est allergique à la substance inoculée), soit par un test intradermique de plus en plus délaissé au profit du “prick”.
Cependant, quand il existe des empêchements cutanés (eczéma, dermographisme - peau qui rougit au toucher - ou autre maladie de peau), ou quand le patient est déjà sous antihistaminiques, on fait des examens sanguins et des dosages des immunoglobulines E spécifiques qui révèlent la substance à laquelle le corps réagit. Une fois le diagnostic établi, on commande un vaccin spécial pour chaque cas auprès d’un laboratoire européen et on le fait entre 2 et 4 mois avant la saison. Ce traitement doit être suivi entre 3 et 5 ans.
2) Si la période d’allergie est courte, on se contente d’un traitement médical classique.
Soulignons que le rhume des foins est propre aux adultes et aux adolescents; il n’atteint que très rarement les enfants âgés de moins de 8 ou 9 ans.
Ainsi, les allergies respiratoires sont très courantes et particulièrement gênantes.
Mais il en existe d’autres, comme les allergies alimentaires. Celles-ci sont provoquées par certains aliments ou fruits allergisants (passent par le système immunitaire) ou histamino-libérateurs. Il s’agit, notamment, de la fraise, de la pêche, des amandes vertes en raison du duvet qui recouvre les derniers, du lait, des œufs, du poisson (dont l’allergie peut être mortelle)... Ces allergies peuvent être cutanées, provoquer des urticaires ou des œdèmes de la peau, des lèvres, des yeux et parfois dans les cas aigus, des œdèmes de la glotte et même une suffocation. De même en été, les piqûres de moustiques sont fréquentes (voir interview Dr Boustany), celles des guêpes et des abeilles aussi. Prendre garde aux chenilles processionnaires se déplaçant les unes à la suite des autres, elles élisent domicile dans les pins provoquant, à distance parfois, crises d’asthme et d’urticaire. Les conjonctivites, aussi, atteignent notamment les porteurs de lentilles de contacts sensibles au soleil et au pollen en été; elles peuvent dégénérer en infection si elles ne sont pas traitées. Tous ces inconvénients surviennent en été, souvent lorsqu’on est en vacances, en montagne ou au bord de la mer, parfois, loin de tout médecin ou hôpital. Alors que faire en attendant de consulter un spécialiste? Le Dr Asfar conseille d’avoir toujours sous la main une trousse d’urgence contenant des antihistaminiques en sirop, comprimés ou injectables, des anti-inflammatoires stéroïdiens (cortisone) injectables ou par voie buccale, de l’adrénaline à injecter en sous-cutané, qui peut sauver une vie dans les cas extrêmes, et un spray vasodilatateur (en cas d’asthme), en attendant de voir d’urgence un médecin.
Enfin, notons, de l’avis du Dr Asfar, que les allergies, quelles qu’elles soient, ne doivent pas être négligées. Elles nécessitent un traitement et un suivi sérieux, sinon, elles s’étendraient à de nouveaux allergisants et empireraient, dégénérant parfois pour devenir handicapantes.

NICOLE EL-KAREH

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