KOFI ANNAN: UN CHANGEMENT DE TON... ET DE JUSTIFICATIONS!

Après la fin du deuil observé suite au décès du président Hafez Assad, la scène libanaise connaît un regain d’activité, parallèlement à la scène syrienne où le transfert du Pouvoir au Dr Bachar Assad se déroule d’une manière normale, ainsi que nous l’avons prévu.

Au plan local, la vérification du retrait israélien du Sud figurait en tête des préoccupations des responsables, à tel point qu’au cours de la semaine écoulée et spécialement au cours du dernier week-end, on faisait état d’une profonde divergence entre Beyrouth et l’ONU, d’autant que M. Terjé Roed-Larsen, émissaire de M. Kofi Annan, avait accusé le Liban “de retarder la vérification de la ligne de retrait”. Mais la partie libanaise a réfuté cette accusation, en réaffirmant que le Liban ne réclame que son droit, alors qu’Israël ne cesse de violer les frontières libanaises internationalement reconnues, ses empiètements ayant porté sur six secteurs couvrant une superficie de 76 kilomètres. Beyrouth a retourné l’accusation de M. Larsen, en soutenant que l’Etat hébreu entravait la tâche des experts onusiens, en refusant d’évacuer les zones qu’il occupe.
D’ailleurs, dans un nouveau mémorandum, le second en moins d’un trimestre, adressé par le président Emile Lahoud au secrétaire général de l’ONU, le Liban officiel rappelait sans ambages sa position de principe et tout en réitérant sa détermination à coopérer avec les Nations Unies, il refusait de renoncer au moindre pouce de son territoire. De plus, il niait que les Israéliens se soient retirés en application de la résolution 425 du Conseil de Sécurité. Aussi, ne pouvait-on pas considérer leur retrait comme conforme aux principes définie par cette résolution.
M. Annan a cherché, au cours de ses entretiens à Beyrouth, de justifier son annonce relative au retrait israélien, en déclarant que les Nations Unies n’assument pas la responsabilité de tracer les frontières internationales et se sont contentées de fixer une ligne bleue à partir de laquelle les experts onusiens, ont vérifié le retrait de “Tsahal”. Cette ligne ne peut être considérée comme le tracé frontalier, tel que déterminé par des accords internationaux en 1923 et confirmé par la convention d’armistice de 1949. Le secrétaire général de l’ONU a, d’autre part, reconnu les empiètements israéliens dénoncés par le gouvernement libanais et promis d’en ouvrir question avec Ehud Barak, Premier ministre d’Israël, qu’il devait rencontrer mercredi, au terme d’une escale jordanienne. M. Annan a déclaré, par ailleurs, au cours d’une conférence de presse tenue à l’AIB avant son départ mardi pour Amman, qu’il avait été informé du cas des Libanais détenus dans les prisons israéliennes et en discutera avec ses interlocuteurs à Tel-Aviv. A ce propos, le président Nabih Berri a rappelé à M. Annan en le recevant en sa résidence à Aïn el-Tineh, que la FINUL avait pâti, à l’instar des populations civiles sudistes, des agressions d’Israël qui a refusé durant vingt-deux ans d’appliquer la résolution 425 du Conseil de Sécurité exigeant son retrait inconditionnel. Le président Berri devait évoquer trois questions importantes au cours de son entretien avec le secrétaire général de l’ONU, à savoir: les mines disséminées dans la zone frontalière, l’aide humanitaire à prodiguer aux habitants du Sud et de la Békaa-ouest et les Libanais détenus dans les geôles israéliennes. En ce qui concerne le premier point, M. Annan a dit avoir reçu d’Israël des cartes permettant de localiser les mines antipersonnel et que les Casques Bleus ukrainiens, attendus prochainement, seront chargés de les désamorcer. Quant à l’assistance humanitaire, M. Annan a annoncé la tenue d’une réunion des pays donateurs à Beyrouth - à une date non encore fixée - aux fins d’examiner la nature de l’aide à fournir aux villages sudistes, en vue d’améliorer leurs conditions de vie et de remettre en état les infrastructures.  Entre-temps, le président Hoss conférait avec les ambassadeurs des Etats membres permanents du Conseil de Sécurité, afin de les informer de la position du Liban, en précisant qu’il ne considérait pas le retrait israélien du Sud comme s’étant déroulé conformément à la résolution 425. Dans le même but, il a pris contact avec M. Habib Ben Yéhia, chef de la diplomatie tunisienne, la Tunisie représentant le groupe arabe au Conseil de Sécurité; ainsi qu’avec le Dr Esmat Abdel-Majid, secrétaire général de la Ligue arabe, qui a promis de demander aux Etats membres de l’organisme panarabe de soutenir le Liban.
Il y a lieu de rappeler que le président Emile Lahoud avait eu un entretien au téléphone, dimanche soir, avec Mme Madeleine Albright, secrétaire d’Etat US, peu avant la réunion que devait tenir le Conseil de Sécurité, pour prendre une décision sur base du rapport de M. Annan. A la suite de cet entretien, le Cabinet de la présidence de la République a diffusé un communiqué infirmant la nouvelle selon laquelle le Liban aurait renoncé à ses objections relatives au rapport du secrétaire général de l’ONU. “Le Liban, y est-il précisé, ne donnera pas son agrément avant la vérification du retrait complet israélien de la frontière, la précision dans ces conditions étant plus importante que la précipitation qui est grave et injustifiée; d’autant que les Nations Unies ont informé le gouvernement libanais de quatre nouvelles violations israéliennes. En conséquence, conclut le communiqué, le Liban considère le retrait comme incomplet, tant que les empiètements israéliens n’auront pas été éliminés. De plus, il n’accepte pas de souscrire à une ligne fictive à la place de sa frontière internationalement reconnue... Ce que le Liban a pu réaliser à travers vingt-deux ans de résistance et de sacrifices, il n’est nullement disposé à le perdre en quelques heures”.
Tant le président Lahoud que les présidents Berri et Hoss ont assuré à M. Kofi Annan qu’ils exigeaient l’application de la 425 dans son esprit et sa lettre, ce qui suppose le retrait inconditionnel d’Israël jusqu’à nos frontières internationalement reconnues et consignées dans des documents officiels. Tout en manifestant leur surprise de l’insistance du secrétaire général de l’ONU à imposer la “ligne bleue”, ce qui impliquerait un fait accompli frontalier rendant difficile, voire impossible, la récupération des portions du territoire national occupées par “Tsahal”.

NADIM EL-HACHEM

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