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Dans
la classe politique libanaise, le président Omar Karamé occupe
une place à part, en ce sens qu’il se démarque, pratiquement,
de tous les blocs parlementaires et a pris ses distances de la plupart
de ses anciens alliés, plus particulièrement de ses colistiers
aux élections générales de 92 et 96.
En effet, il s’abstient d’assister aux séances de la Chambre depuis sa réélection et n’a plus de contact avec son ancien allié, M. Sleiman Frangié, ministre de l’Agriculture. Celui-ci s’étant rapproché de M. Rafic Hariri, l’Effendi paraît devoir former une liste commune avec Mme Nayla Mouawad, député de Zghorta, qui a obtenu le plus grand nombre de voix aux dernières législatives. |
Notre première question porte, naturellement, sur la Syrie et
sur ses prévisions quant à l’avenir après l’accession
du Dr Bachar Assad à la magistrature suprême.
Le regretté président Hafez Assad , dit-il, doit être
cité en exemple au plan du leadership ayant eu, envers le Liban,
des prises de position fraternelles grâce auxquelles notre pays a
pu franchir des étapes parmi les plus difficiles au cours des deux
dernières décennies.
Le Dr Bachar est l’héritier tout indiqué, car il a été
formé à bonne école, celle de la dignité et
de la fierté nationale. Il ne fait pas de doute que sa longueur
de vue et ses qualités transcendantes permettront au pays frère
de poursuivre sur la voie tracée par le chef historique qu’il vient
de perdre.
Du Liban-Sud et de la conjoncture tant locale que régionale,
après le retrait israélien, il émet ces réflexions:
Si Israël applique dans son esprit et sa lettre la résolution
425, le Sud connaîtra la sécurité et la quiétude.
Il faut s’assurer, tout d’abord, que le retrait a été
effectif, car la Résistance est déterminée à
reprendre la lutte armée, tant qu’un pouce du territoire national
est occupé. Je suis sûr et certain que la Résistance
n’entreprendra aucune opération, ni initiative sous le coup de l’impulsivité
et de l’improvisation.
La situation au Sud pourrait être explosive à plus ou
brève échéance ou connaître une période
calme; tout dépendra de l’évolution sur le terrain.
Il nous faut avoir conscience du fait que le retrait israélien
met fin à l’occupation mais non à l’état de guerre
entre le Liban et l’Etat hébreu.
SÉCURITÉ DU CITOYEN ET DE LA
FRONTIÈRE
Invité à justifier le retard mis par le gouvernement
à déployer l’armée dans les régions libérées,
le président Karamé observe que la sécurité
concerne le citoyen et la frontière à la fois. Après
le retrait de “Tsahal”, beaucoup d’observateurs et d’analystes s’attendaient
à des massacres, à des abus de toutes sortes et à
des règlements de comptes. Or, rien de cela ne s’est produit et
le gouvernement n’a pas jugé nécessaire de dépêcher
l’Armée au Sud, la sécurité de la population étant
du ressort des FSI.
J’ai visité le Sud au lendemain du retrait israélien
et je n’y ai pas vu la nécessité de charger la troupe du
maintien de l’ordre et de la sécurité dans les villages libérés.
Puis, il fallait attendre que la FINUL s’assure du retrait des Israéliens
avant de se déployer aux côtés de nos forces régulières.
Or, les Casques Bleus ont mis plus de temps que prévu pour vérifier
le retrait sur le terrain.
Nous devons faire confiance au Pouvoir et aux gouvernants, dont nul
ne doute de leur patriotisme, ni de leur souci de la chose publique. Laissons-leur
toute latitude de décider du moment opportun de déployer
l’Armée au Sud. D’ailleurs, le Conseil des ministres a déjà
pris une décision que je juge adéquate.
On constate que la Résistance critique la Justice quant à
la clémence qu’elle manifeste à l’égard de ceux qui
ont collaboré avec l’ennemi? Qu’en pensez-vous?
En ce qui concerne cette affaire, nous devons prendre en considération
l’esprit de la loi et non la loi elle-même. Les collaborateurs doivent,
en principe, être mis à la disposition de la Justice dans
laquelle nous avons pleine confiance. Naturellement, elle leur infligera
des peines différentes à la mesure des crimes qu’ils ont
commis.
QUID DES ALLIANCES ÉLECTORALES?
Les élections générales auront lieu aux dates
prévues, après le retrait israélien. Où en
êtes-vous avec vos alliances au Liban-Nord?
Il est prématuré d’en parler, car l’image reste imprécise.
Aucune liste n’a été constituée jusqu’ici, sauf dans
la Békaa-ouest. Nous procédons à des consultations,
mais jusqu’ici, je n’ai pris aucune décision quant au choix de mes
futurs colistiers.
Je peux dire, toutefois, que je m’entends bien avec Mme Nayla Mouawad.
Quoi qu’il en soit, tout se concrétisera d’ici à la fin du
mois courant.
On dit que Mme Mouawad tient à la candidature de Me Youssef
Douaihy qu’elle considère comme son principal allié à
Zghorta; auriez-vous des réserves à son sujet?
Je n’ai pas évoqué cette question avec Mme Mouawad. Il
n’y a pas en politique des amitiés, ni des hostilités permanentes
et je n’ai pas posé un veto contre la candidature de Me Douaihy.
Seriez-vous candidat à la troisième présidence
après les législatives?
Tant que je m’adonne à la politique, je suis toujours un candidat
potentiel à la présidence du Conseil. Mais tout dépend
de maints facteurs et des résultats des consultations présidentielles.
Accepteriez-vous de prendre en charge un portefeuille de base au
sein d’un Cabinet d’union?
Certainement pas.
PRÉSENCE MILITAIRE SYRIENE NÉCESSAIRE
Si M. Rafic Hariri était chargé de former le futur
gouvernement, quelle serait votre attitude à son égard?
Si M. Hariri change de procédé, de mentalité et
sa manière de gérer la chose publique, je pourrais modifier
ma position, car aucun conflit d’ordre personnel ne nous oppose. Notre
opposition portait sur sa gestion et elle s’est avérée juste
par la suite, sur base de la situation à laquelle il a mené
le pays.
Est-il encore possible pour vous de coopérer avec le courant
haririen au Liban-Nord?
Electoralement, M. Hariri tente de s’imposer là où se
trouvent des musulmans sunnites, en les amenant à le rallier à
travers les élections. Naturellement, je ne m’y oppose pas, car
c’est son droit. Cependant, nous avons constaté qu’il vise à
éliminer tout le monde et à exercer partout son hégémonie.
Ceci étant, aucune alliance électorale n’est possible entre
nous.
D’aucuns avancent le nom de M. Najib Mikati parmi les éventuels
futurs présidents du Conseil.
Il est prématuré d’en parler, car il faut attendre la
fin des législatives pour voir qui peut disposer du plus grand nombre
de supporters à la Chambre.
Pourriez-vous coopérer, électoralement, avec M. Mikati
au Liban-Nord?
Jusqu’à présent il n’a pas décidé de poser
sa candidature.
Quel est votre avis à propos de la présence militaire
syrienne, dont certains réclament qu’il y soit mis fin?
Des gens sont contre les Syriens depuis le premier jour de leur déploiement;
ils persistent dans leur attitude négative. Est-il besoin de rappeler
que les troupes syriennes sont venues à la demande officielle du
Liban et elles s’en retireront quand le Pouvoir libanais en formulera la
demande, une fois leur mission terminée.
A mon avis, cette présence syrienne demeure nécessaire
et le restera, tant que la conjoncture régionale et internationale
ne se sera pas clarifiée. Au plan local, si les soldats syriens
n’étaient pas présents au Nord, on peut se demander comment
auraient évolué les graves incidents de Dennieh.