KOFI ANNAN EN TOURNÉE AU PROCHE-ORIENT
UNE MISSION QUI A FAILLI DÉRAPER
La visite du secrétaire général de l’ONU à Beyrouth dans le cadre d’une tournée proche-orientale aura permis, semble-t-il, de dissiper les nuages qui s’étaient amoncelés ces derniers temps entre le Liban, d’une part; M. Annan et le Conseil de Sécurité, d’autre part à propos de la confirmation du retrait de “Tsahal” du Sud, alors qu’Israël continue de violer la frontière internationale.
De part et d’autre, cette visite a été qualifiée de “fructueuse”; on a même parlé de “succès diplomatique”. M. Kofi Annan s’est dit déterminé, à éliminer les empiètements à la frontière et de dénoncer les violations. Les responsables libanais ont, de leur côté, réitéré leur attachement à l’ONU et leur détermination à collaborer comme toujours avec cette instance dont le Liban est membre fondateur.
M. Annan devait annoncer, par ailleurs, le renforcement des Casques Bleus à partir de juillet et se pencher sur la situation socio-économique du Sud qui fera  l’objet d’une rencontre des pays donateurs, celle-ci étant en cours de préparation.
 
Pour le Liban, le retrait reste incomplet.
La commission militaire mixte: Un travail 
minutieux et des rapports détaillés.

Dans le cadre de sa tournée au Proche-Orient, le  secrétaire général de l’ONU a effectué une visite de 24 heures à Beyrouth, au cours de laquelle il s’est entretenu avec les responsables libanais, effectué une visite au quartier général de la FINUL à Naqoura et rencontré, juste avant son départ de l’AIB, cheikh Hassan Nasrallah, secrétaire général  du “Hezbollah”.
M. Annan ne voulait pas venir au Liban les mains vides. C’est ce qui explique les pressions exercées, au cours du dernier week-end sur le Conseil de Sécurité pour qu’il approuve la déclaration faite par le secrétaire général de l’ONU concernant le retrait israélien du Liban-Sud en vertu de la 425.
Dans une conférence de presse tenue à New York, M. Annan a affirmé: “Je suis heureux de vous annoncer que la Force intérimaire des Nations Unies au Liban m’a rapporté aujourd’hui (le vendredi 16 juin) qu’Israël s’est retiré du Liban, en pleine conformité avec la résolution 425 du Conseil de Sécurité.
“Le peuple libanais a attendu ce moment, durant vingt-deux ans. Nous devons tous admirer sa persévérance dans cette longue épreuve.
“C’est un jour heureux pour le Liban mais, aussi, pour Israël. C’est un jour d’espoir pour le  Proche-Orient dans son ensemble et un jour de fierté pour les Nations Unies”.

AU CONSEIL DE SÉCURITÉ
La confirmation par le Conseil de Sécurité de la déclaration de M. Annan ne fut pas de tout repos. Il a fallu 48 heures de contacts, de tractations fébriles et plus de quinze heures de concertations au plus haut niveau diplomatique, pour aboutir à une formule de compromis, surtout que la Russie refusait de donner  son feu vert “à toute déclaration qui ne serait pas agréée par Beyrouth”.
Pour sa part, le Liban continuait à rejeter l’idée d’une ligne fictive de retrait, tracée par l’ONU et appelée “ligne bleue”, réclamant un retrait conforme au tracé des frontières tel qu’établi en 1923. Il affirmait, aussi, preuves cartographiques à l’appui, qu’il y avait toujours des empiètements et des violations israéliens en divers points de la frontière internationale qu’il fallait régler pour que le retrait soit complet.
Un long entretien téléphonique dans la nuit du samedi 17 au dimanche 18 juin, entre Mme Madeleine Albright, secrétaire d’Etat américain et le président Emile Lahoud, n’avait pas réussi à fléchir la position de Beyrouth.
De son côté, M. Annan menaçait d’annuler ses entretiens avec les dirigeants libanais si le Conseil de Sécurité n’adoptait pas son rapport.
Tard dans la nuit du dimanche 19, le Conseil de Sécurité approuvait la déclaration du secrétaire général certifiant le retrait d’Israël du Sud. Il ajoutait, toutefois, dans la déclaration finale que “le Conseil prenait note avec inquiétude d’informations faisant état de violations du tracé de la frontière, qui se sont produites depuis le 16 juin 2000”, date de la confirmation du retrait israélien par M. Annan. Le Conseil de Sécurité invitait de même “l’Etat libanais à déployer l’armée avec l’aide de la FINUL”.
 
En mémoire des martyrs de la FINUL.

RENCONTRE AVEC LES OFFICIELS
Au palais présidentiel de Baabda, M. Annan s’est entretenu avec le président Emile Lahoud, en présence du Premier ministre, M. Salim Hoss.
En dépit des divergences entre Beyrouth et le secrétaire général de l’ONU, la rencontre a été qualifiée de positive. M. Annan a, enfin, prêté une oreille attentive aux objections libanaises relatives aux empiètements et violations de la frontière par Israël et s’engageait à les faire cesser.
De leur côté, les responsables libanais ont réitéré “leur détermination à coopérer avec l’ONU”, tout en relevant que les empiètements israéliens constituent “une atteinte à l’intégrité territoriale du Liban et à sa souveraineté”.
Dans un communiqué publié à l’issue de cette rencontre, la présidence de la République a insisté sur le fait que “l’élimination de ces empiètements était une étape nécessaire avant tout changement au déploiement actuel de la FINUL dans les régions libérées”.
Au cours de sa rencontre avec le chef du Législatif, M. Nabih Berri, le secrétaire général de l’ONU a indiqué qu’il “prenait très au sérieux les violations constatées à la frontière”, ajoutant qu’il avait demandé à la FINUL “de s’assurer de chaque empiètement et de lui adresser ses rapports à New York”.
M. Berri a, pour sa part, mis l’accent sur la solidité des relations entre le Liban et l’organisation internationale, tout en affirmant devant Kofi Annan qu’il ne partageait pas son point de vue concernant le dossier des “hameaux de Chébaa” ou la “ligne bleue” de retrait définie par l’ONU, parce qu’elle ne représente pas le tracé frontalier.

SATISFACTION DU RÔLE DES CASQUES BLEUS
A Naqoura, quartier général de la FINUL, M. Annan a rencontré le chef de la Force intérimaire des N.U. au Liban, le général ghanéen Seth Kofi Obeng et déclaré au terme de sa visite: “La première phase du renforcement de la FINUL est déjà en cours et je compte que mille soldats supplémentaires fournis par les contributeurs actuels, ainsi que par l’Ukraine et la Suède, se joindront à vous le mois prochain”.
La FINUL compte, aujourd’hui, 4.500 soldats appartenant à neuf pays différents: La France, l’Italie, l’Irlande, la Finlande, la Pologne, les îles Fidji, le Ghana, l’Inde et le Népal.
Déployée au Sud depuis vingt-deux ans, cette force a été chargée après le 25 mai, de délimiter la “ligne bleue” confirmant le retrait israélien. Actuellement, à la demande du Liban, les Casques Bleus vérifient les éventuelles violations de la ligne de retrait par les Israéliens.
M. Annan a achevé sa visite au Liban par une rencontre assez surprenante, avec le leader du “Hezbollah”, cheikh Hassan Nasrallah, dans son quartier général situé dans la banlieue - Sud de Beyrouth.
Pourquoi donc cette “faveur” accordée au “parti de Dieu”, alors que Annan avait limité ses rencontres aux seuls hauts responsables libanais? Au lendemain du retrait de “Tsahal” de l’ex-zone de sécurité, le secrétaire général de l’ONU avait estimé que “le “Hezbollah” avait un rôle à jouer pour maintenir le calme et la paix au Liban-Sud”. Il a donc évoqué cette question avec Nasrallah, ainsi que la situation socio-économique au Sud et la question des détenus libanais dans les prisons israéliennes dont le “Hezbollah” réclame avec insistance la libération.
Pour l’ONU, en fait, il est essentiel que le calme soit maintenu au Sud et tout au long de la ligne frontalière entre le Liban et Israël pour éviter tout dérapage de part et d’autre.
 
La main tendue à toutes les parties.
La main tendue à toutes les parties.

ANNAN SATISFAIT DE SA VISITE
En quittant Beyrouth pour Amman, M. Annan devait affirmer qu’il a eu “des entretiens très fructueux” au Liban, avant d’ajouter: “J’ai eu la chance de discuter, avec les responsables, des plans se rapportant au développement économique et social du Sud. Le programme des Nations Unies pour le développement et la Banque Mondiale vont œuvrer avec le gouvernement libanais pour mettre au point ce que nous avions déjà annoncé il y a quelque temps, à savoir: une réunion internationale des pays donateurs prêts à aider au développement économique et social du Sud”.
Il a de même affirmé qu’il soulèvera en Israël, autre étape de son périple, la question des violations à la frontière qui préoccupe, sérieusement, le Conseil de Sécurité. Il a appelé les deux parties à la retenue et conclu en expliquant, une fois de plus, les raisons ayant amené le Conseil de Sécurité à “certifier le retrait”. “Car, précise-t-il, les trois conditions requises ont été remplies, notamment le retrait de l’armée israélienne, le démantèlement de l’ALS et la libération des prisonniers de Khiyam”.
De même, il a exprimé sa pleine satisfaction du rôle joué par la FINUL “qui, dit-il, poursuivra son travail et maintiendra la coopération avec le gouvernement libanais, afin qu’il élargisse son autorité au Sud et affirme sa pleine souveraineté dans cette zone”.

UN LONG PÉRIPLE RÉGIONAL
Dimanche 18 juin, le secrétaire général de l’ONU avait entamé un périple de plusieurs jours dont Téhéran a été la première étape. Les entretiens qu’il a eus avec les dirigeants iraniens, avaient pour but essentiel de s’assurer du soutien de l’Iran pour la paix au Liban, vu son influence sur le “Hezbollah”.
C’est ce qui explique, sans doute, la rencontre, par la suite, à Beyrouth, de M. Annan avec cheikh Hassan Nasrallah, d’autant plus que le guide de la République islamique, l’ayatollah Ali Khamenei s’est félicité du rôle de l’ONU et de M. Annan lui-même lors du retrait de “Tsahal”, tout en disant que ce retrait n’était pas fini, vu les empiètements israéliens tout au long de la frontière, l’affaire des fermes de Chébaa et la question des prisonniers détenus en Israël.
Quoi qu’il en soit, les entretiens ont permis d’entrevoir une évolution de la politique iranienne au Proche-Orient qui évoque, désormais, une possible “solution”, dans laquelle les droits des Palestiniens seraient respectés alors que, jusqu’ici, Téhéran refusait de reconnaître Israël et s’opposait au processus de paix.
L’Egypte a été la deuxième étape de la visite de M. Annan dans la région et les entretiens avec le président Moubarak ont porté sur le retrait de “Tsahal” du Liban et le processus de paix.
Après Beyrouth, le secrétaire général de l’ONU s’est rendu à Amman; puis, en Israël, autre étape importante puisqu’elle visait à mettre au clair tout malentendu concernant la confirmation du retrait israélien du Liban-Sud et à soulever la question des violations à la frontière.
Avant même l’arrivée de M. Annan à Tel-Aviv, David Lévy, ministre israélien des A.E., avait donné le ton en déclarant: “Israël fera tout ce qu’il faut pour renforcer sa collaboration avec les Nations Unies.”


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