AMBASSADEUR DES PAYS-BAS JAN PIET DE ZWAAN:
“J’AI DEMANDÉ À VENIR AU LIBAN, CAR C’EST UN PAYS RICHE EN CULTURE ET EN HISTOIRE”

Diplomate de carrière, M. Jan Piet Kleiweg de Zwaan, nouvel ambassadeur des Pays-Bas à Beyrouth, fait partie du corps diplomatique néerlandais depuis 1968, date à laquelle il a occupé son premier poste à l’étranger, au consulat de New York jusqu’en 1970.
Puis, il a été muté à Paris en qualité de deuxième secrétaire jusqu’en 1972, année où il a été transféré à New Delhi (Inde) en tant que deuxième secrétaire commercial. Trois années plus tard, il était rattaché à l’ambassade de Copenhague en tant que premier secrétaire jusqu’en 1977. Rappelé à l’administration centrale (Bureau de recrutement des services diplomatiques), il fut transféré en 1979 à Nairobi et, en 1982, à Londres en tant que conseiller politique.
De 1987 à 1994, il est sous-directeur des Affaires économiques et d’Asie.
En 1994, il est muté à Pékin avec le titre de ministre plénipotentiaire; puis, en 1998, il dirige la mission diplomatique à Belgrade jusqu’en 1999, date à laquelle il a été nommé au Liban où il a présenté ses lettres de créance en février dernier.

Dans sa résidence à Achrafieh, l’ambassadeur nous a reçus avec son sourire habituel: J’ai demandé à venir au Liban, dit-il, car c’est un beau pays, riche en culture et en Histoire.
Ce mélange d’Orient et d’Occident est intéressant, ce pays ayant des liens avec l’Europe. Ici, on rencontre beaucoup d’intellectuels. Le peuple est hospitalier, généreux et affable.
Je vais essayer d’intensifier davantage les échanges culturels. Jusqu’à présent, j’ai fait venir au Liban plusieurs groupes de musique et de danse, classique et moderne. Je prépare d’autres activités culturelles néerlandaises et je souhaite pouvoir rester ici assez longtemps.

PAYS MODERNE AU PASSÉ RICHE
Les peuples heureux, dit-on, n’ont pas d’Histoire. Est-ce pour cette raison que nous avons peu d’informations sur les Pays-Bas?
Nous avons une Histoire riche. Nous étions une des premières républiques du monde, il y a presque deux cents ans, après Venise qui était une république au XIVème siècle. Nous faisions partie de l’Espagne, la guerre contre ce pays de 1568 à 1648 ayant mené à l’Indépendance. Le prince Guillaume d’Orange, “père de la patrie”, était en charge de cette première république et de ce dernier royaume qui a vu le jour en 1815.
Nous étions des commerçants; partout à l’étranger et avions un passé colonialiste: l’Indonésie était une colonie des Pays-Bas, ainsi que les Antilles et le Surinam.
Les XVIème et XVIIème siècles furent les siècles d’or: avec beaucoup de peintres: Rembrandt, Hals; le XXème siècle a connu Van Gogh.
Les Pays-Bas sont un pays moderne, à grande ouverture économique; les services (finances et transports) et l’industrie (constructions électriques, agro-alimentaire, chimie, auxquels s’ajoute un très important gisement de gaz naturel) occupent une place primordiale.
Nous avons pâti, certes, de l’occupation, mais nous avons, également, connu des périodes calmes.
Les Pays-Bas, nation commerçante, exploitent plus que la moitié de leur production. Il y a beaucoup de similitudes entre nos deux peuples: d’abord, il y a la mer. L’eau étant très importante. De même, la religion est très importante; le protestantisme a influencé notre vie.
Les Néerlandais voyagent beaucoup, comme les Libanais. Notre flotte est partout. Nos camions circulent dans tous les coins du monde. Rotterdam est le premier port mondial; Amsterdam, le troisième aéroport de l’Europe de l’Est. Notre superficie est quatre fois plus grande que la vôtre et connaît une densité de population estimée à 16 millions d’habitants environ.

AMÉLIORER LES ÉCHANGES
Y aurait-il quelque contentieux entre votre pays et le Liban et quel est le volume des échanges de part et d’autre, ainsi qu’avec le monde arabe, en général?
Heureusement, il n’existe aucun contentieux. Les relations bilatérales sont excellentes. Le volume des échanges au niveau commercial est, peut-être, un peu modeste. L’importation et l’exportation sont de l’ordre de 106 millions de dollars américains. J’espère qu’il y aura des améliorations dans les années à venir.
D’importantes entreprises néerlandaises sont établies, au Liban. Citons: les banques ABN AMRO, ING-Barings, UNILEVER (qui est une énorme société internationale), PHILIPS, La KLM (qui effectue cinq vols par semaine).

Votre pays a-t-il subi quelque préjudice du fait de l’utilisation du système d’écoutes et de surveillance “ENFOPOL” à des fins d’espionage en Europe?
Je n’ai pas beaucoup à dire en ce qui concerne le système d’écoutes. Cette affaire ayant été soulevée au parlement, le ministre qualifié a répondu qu’il n’était pas techniquement possible de détecter les activités d’écoutes faites par les services d’information à l’étranger.
Quant au “ENFOPOL”, ce n’est pas un système d’écoutes européen. Il existe des documents dans le groupe de travail qui s’occupe de la police au sein de l’Union européenne. Car, il y a trois piliers au sein de l’Union européenne, le troisième étant la Police et immigration. Ce sont ces documents techniques dont on fait usage dans le cadre de la coopération policière.

PEU DE PÉTROLE ET BEAUCOUP DE GAZ
Comment se présentent l’industrie et les réserves pétrolières néerlandaises? Amsterdam est-elle pour la baisse des cours du brut?
Amsterdam est la capitale des Pays-Bas. Mais le siège de notre gouvernement est à La Haye. Amsterdam est une ville industrielle de grande importance. Nous avons peu de pétrole, mais beaucoup de gaz naturel.
Nos réserves maintenant sont de l’ordre de 1.800 billions de mètres cubes qui dureront 25 ans. Nous produisons, chaque année, 80 billions de m3 dont la moitié (soit 40 billions) est exportée à l’étranger, l’autre moitié étant destinée à la consommation intérieure.
Quant à la baisse des cours du brut, c’est une question un peu ambiguë. Si le prix du gaz était élevé - actuellement on enregistre une baisse - ceci se traduirait par plus d’argent pour notre Trésor. Mais si le prix était trop bas, ceci créerait des problèmes: les gens feront trop d’usage de pétrole et de gaz, ce qui est néfaste pour le climat et l’environnement.

LE CHÔMAGE EN RÉGRESSION
Comment se présente le marché du travail aux Pays-Bas? Après la baisse du chômage, des agences néerlandaises envisageraient de supprimer 2.400 (sur 8.500) emplois dans les trois mois à venir?
Notre économie enregistre une croissance de 3%. Nous avions un chômage officiel de 3,5%, mais il a diminué. Les gens à vocation et les spécialistes manquent dans les usines. Il y a bien des difficultés à trouver du travail pour les gens peu qualifiés, mais le problème le plus grave demeure celui des personnes malades qui ne travaillent plus et dont les frais d’assurances sont très coûteux. Vers la fin de 1998, nous avions 600 mille malades. La Sécurité sociale aux Pays-Bas est l’une des meilleures au monde. C’est une situation compliquée à l’époque où nous avions 800 mille assurés et malades. Ce phénomène nécessite beaucoup d’argent et notre gouvernement est en train d’établir des programmes d’assistance en vue de trouver du travail à ces personnes pour les réintégrer dans notre économie.
Toutefois, le chômage officiel ayant diminué, notre économie marche très bien. Un récent rapport montre que la croissance, cette année, serait de 3,75% et l’année prochaine de 3,5%, l’inflation étant presque de 2%, un peu plus élevée que dans les pays européens.
Le gouvernement œuvre en vue de trouver des solutions. L’assurance étant obligatoire, il est difficile de financer des assurances, le coût de l’hospitalisation allant en augmentant. Les frais de la santé constituent presque 8% de notre GNP; c’est très coûteux. 70% de la population sont obligatoirement assurés, tandis que les autres (30%) sont à la charge des assurances privées.

SYSTÈME BASÉSUR LE CONSENSUS
A quels problèmes requérant des solutions urgentes, votre pays est-il confronté?
C’est un problème d’ordre économique dont je viens de parler, en rapport avec les frais de santé et le cas des gens assurés.
Nous évoluons dans le sens de la réforme infrastructurelle et sommes en avance sur l’Europe dans la création d’une société plus ouverte, plus compétitive et basée sur le marché.
Notre système est bien connu: c’est le POLDER MODEL, qui veut dire que notre système est basé sur le consensus.
Il y a beaucoup de délibérations au sein des groupes en vue de trouver des solutions. Ceci prend, évidemment, du temps, mais on arrive à des compromis acceptables.

Les Pays-Bas contribuent-ils et dans quel secteur ou domaine, à la reconstruction des régions libanaises dévastées par la guerre?
Nous avons bien des programmes au Liban: Un “CENTER FOR INTERNATIONAL CRIME PREVENTION”, une Organisation de l’ONU dont le but est de renforcer la capacité législative et institutionnelle pour la justice des jeunes délinquants; il est subventionné par les Pays-Bas.
Dernièrement, il y eut un séminaire à l’ONU avec la participation de la Première Libanaise, Mme Emile Lahoud. Nous avons assisté, financièrement, des organisations inter-gouvernementales pour la documentation, l’information et le training. A l’ambassade, nous contribuons à la réalisation de projets d’assistance au Liban-Sud.
De même, la section néerlandaise de “MEDECINS SANS FRONTIERES” assiste les traumatisés de guerre et vient en aide aux jeunes dans le but d’assurer une réconciliation avec les autres groupes du Sud.
Il y a aussi, la FMO, une institution financière, subventionnée par le gouvernement néerlandais, qui a accordé des crédits plus de 40 mille dollars US pour financer des activités aidant les banques et quelques petites industries.
De même, une fondation subventionnée par l’Etat, envoie des experts néerlandais à la retraite. Cette année, douze experts viendront au Liban où ils seront mis à la disposition du gouvernement libanais.

APPUI AUX RÉSOLUTIONS DE L’ONU
Quelle conception le gouvernement néerlandais se fait-il du conflit israélo-arabe et de la manière de le régler?
Nous appuyons les résolutions du Conseil de Sécurité et du processus de Barcelone. Nous sommes membres de l’UE et, à ce titre, aidons par des liens économiques les pays arabes et non seulement le Liban.

Comment qualifiez-vous vos rapports avec les Etats membres de l’Union européenne? Etes-vous pour l’élargissement de l’Union à d’autres pays européens?
Nos relations avec l’UE sont excellentes et nous figurons parmi ses membres fondateurs. Nous sommes pro-européens. L’Europe, pour nous, est très importante, notre économie dépendant beaucoup de ce continent.
Nous sommes pour l’élargissement de l’UE à d’autres pays européens. Actuellement, il y a quinze membres et treize autres seront admis. On aura, à l’avenir, presque trente pays membres de l’UE. Ce n’est pas tellement facile aux plans des institutions et des commissions.
Si chaque pays est représenté dans la commission, on aura trente commissaires. C’est un grand problème au niveau de la langue officielle et du parlement. Une conférence inter-gouvernementale se tiendra  pour trouver les solutions à ce sujet.

Quel est votre meilleur souvenir de diplomate?
Le souvenir le plus cher est celui de ma mission en Chine et en Inde.
Le travail était fort captivant en Chine, pays immense où j’ai noué beaucoup de contacts et beaucoup de nos ministres ont visité ce beau pays, dont je garde des souvenirs impérissables.

JEANNE MASSAAD

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