APRÈS AVOIR ÉVOLUÉ AU RALENTI
LA BATAILLE ÉLECTORALE VA COMMENCER À S’ÉCHAUFFER...

Le président Rafic Hariri a quitté, mardi dernier, le parlement l’air confit et décontenancé, en raison du vote intervenu dans les commissions parlementaires qualifiées, en faveur du projet prévoyant la fusion de certains départements ministériels et organismes étatiques.

Lui-même s’est abstenu d’intervenir dans le débat et de commenter le résultat du vote du texte gouvernemental qu’il a qualifié “d’hérésie constitutionnelle”. En revanche, les députés membres de son bloc parlementaire n’ont pas manqué de critiquer le projet mentionné et menacé de présenter une demande d’invalidation devant le Conseil constitutionnel.
Ainsi, M. Hariri et ses collègues en ont fait une matière de cabale contre le “Cabinet des 16” venant à point en période électorale.
La Chambre est appelée à examiner et à ratifier le projet en question mardi prochain au cours d’une séance plénière, les commissions ayant accordé au gouvernement un délai de six mois pour procéder à la fusion des départements ministériels et des organismes qui vont être regroupés sous la houlette de l’Institut unifié de la reconstruction. Le président Salim Hoss a répliqué aux critiques du bloc haririen, lequel soutient que la fusion du Conseil exécutif des grands projets de Beyrouth et du CDR portait atteinte aux attributions de la présidence du Conseil. “Cette allégation, a affirmé M. Hoss, est inexacte. En effet, avant la fusion, la présidence du Conseil n’avait aucune autorité sur le Conseil exécutif des grands projets de Beyrouth, ce dernier étant placé sous la tutelle du ministre des Travaux publics. Le CDR était rattaché directement à la présidence du Conseil. Après la fusion de ces organismes, le chef du gouvernement conserve toutes ses attributions qui ne sont affectées ni de près ni de loin par la nouvelle formule”.
Le président du Conseil s’est demandé, ensuite, s’il est inadéquat de grouper trois organismes en un seul, surtout quand ils font double emploi. “La vérité, ajoute-t-il, finira par éclater au grand jour et les citoyens constateront qu’il s’agit de surenchères à des fins électorales”.
Mais le “bloc de la décision nationale” (haririen) poursuit sa campagne anti-gouvernementale, partant de sa “conviction” que la fusion des trois organismes précités aura pour conséquence de les paralyser, en raison de l’enchevêtrement des attributions(!). Cependant, les milieux parlementaires jugent peu convaincants les arguments invoqués par M. Hariri et ses collègues, pour partir en guerre contre le Cabinet et son chef.
La sous-commission parlementaire chargée d’examiner le projet contesté, avait tenu une réunion sous la présidence de M. Nabih Berri, en présence de plusieurs ministres. M. Chaker Abousleiman, président de la commission de l’Administration et de la Justice, a précisé que la sous-commission avait approuvé le projet en y apportant des modifications, mais le bloc haririen n’a pas atténué sa campagne anti-gouvernementale. Cependant, le chef du Législatif a convoqué l’Assemblée à mardi pour une séance plénière, à l’effet de ratifier le projet en question. Au cours du débat parlementaire, il avait dit à M. Hariri: “Si le projet ne vous donne pas satisfaction, vous avez la possibilité de demander son invalidation par le Conseil constitutionnel”.
Pendant ce temps, la bataille électorale se poursuit au ralenti. Mais, d’ores et déjà, on s’attend à un scrutin particulièrement féroce à Beyrouth où M. Hariri patronnera des listes dans les trois circonscriptions de la capitale, dans l’espoir de revenir en force au parlement et, partant, d’accroître ses chances d’accéder de nouveau à la troisième présidence.
Il en sera de même, pense-t-on, à Tripoli et à Zghorta où la bataille opposera la liste formée du président Omar Karamé et Mme Nayla Mouawad, à celle dont M. Sleiman Frangié, ministre de l’Agriculture, sera le chef de file ayant entre autre colistier, M. Najib Mikati, ministre des Travaux publics et des Transports.
Les observateurs y voient en filigrane, un bras de fer ayant pour enjeu, dans un premier temps, la présidence du Conseil et, par la suite (en l’an 2004), la présidence de la République.
Au Chouf et à Aley-Baabda, les chefs de liste: MM. Walid Joumblatt et Talal Arslane ambitionnent, surtout, de consolider leur leadership traditionnel.
Quant aux élections au Sud et à Baalbeck-Hermel, elles ont pour objectif d’assurer le plus grand nombre de colistiers aux côtés des présidents Hussein Husseini et Nabih Berri, tous deux visant la deuxième présidence. A Zahlé, les forces en présence multiplient les contacts et les démarches, à l’effet de faire passer leurs candidats. Il y a, d’un côté, l’ex-président Elias Hraoui qui soutient M. Khalil Hraoui, actuel député de la circonscription (au siège maronite), contre son propre fils Georges Hraoui, allié de M. Elie Skaff. Les sièges grec-orthodoxe et chiite ne posant pas de problèmes, du moins pour le moment.
Le président Hariri a tenté, vainement, de remplacer M. Mikhaël Debs (sur la liste Skaff) par Me Chaouki Fakhoury qui semble devoir se présenter à titre individuel, la seconde liste ayant M. Youssef Maalouf, en tant que candidat grec-orthodoxe.
Dans la Békaa-ouest, des efforts sont déployés aux fins de former une liste concurrente (à la liste de coalition), dont feraient partie MM. Farouk Dahrouj, secrétaire général du P.C. et Henri Chédid.
Au Akkar, M. Issam Farès a mis sur pied sa liste définitive, en accord avec ses deux alliés: MM. Talal Méraabi et Wajih Baarini et l’a rendue publique mercredi au cours d’une conférence de presse tenue à Baïno. Cette liste comprend, également, M. Jamal Ismaïl, le Dr Riad Rahhal, Mikhaël Daher, Abdel-Rahman Abdel-Rahman, Assaad Harmouche (Jamaa islamiya), alors que le parti social national syrien n’a pas encore désigné son candidat; enfin, MM. Kabalan Issa el-Khoury et Boutros Souccar, représentent Bécharré.
Du côté du Bloc national, on s’attend que ce parti décide de participer aux législatives. A la parution de ces lignes, M. Carlos Eddé, leader du parti, aurait déjà formé sa liste qui devrait comprendre le Dr Sakhr Salem, secrétaire général adjoint du B.N.; Camille Ziadé et Farid el-Khazen (Kesrouan), ce dernier étant le neveu de M. Rouchaïd el-Khazen.
A Beyrouth, le président Hariri s’emploie à former des listes dans les trois circonscriptions. Lui-même posera sa candidature dans la première et il aura comme colistiers des membres de son bloc parlementaire et des personnalités amies.
M. Hariri ne paraît pas avoir réussi à convaincre M. Tammam Salam de faire tandem avec lui, celui-ci ayant śuvré, sans résultat, à l’effet de prévenir une bataille, dont la capitale ferait les frais. “Beyrouth, a déclaré M. Salam, restera unifiée, en dépit de toutes les tractations que d’aucuns provoquent dans un but connu de tous”.
Il reste à connaître le résultat des conciliabules ayant lieu entre “Amal” et le “Hezbollah” pour la désignation de leurs candidats respectifs. Les contacts entre les deux mouvements chiites avaient été interrompus, momentanément, suite à l’incident de Markaba ayant fait deux tués parmi les “Hezbollahis” et un blessé.
On présume, qu’en définitive, ils parviendront “à se partager les parts”, les candidats de la communauté étant les plus nombreux au Sud et à Baalbeck-Hermel. Sur un autre plan, on prête aux responsables l’intention de relancer la réforme administrative, après la mise au point des dossiers et le choix de nouveaux titulaires à des postes vacants, bon nombre de fonctionnaires devant faire valoir leur droit à la retraite.
Le Pouvoir se soucie de maintenir l’Administration étatique à l’abri de toute exploitation électorale ou politique. Le président Berri apporte son appui total au chef de l’Etat dans ce domaine; aussi, a-t-il hâté la ratification du projet de loi portant fusion de certains départements ministériels et organismes publics, afin de faciliter le mouvement administratif. Quant aux empiètements israéliens le long du tracé frontalier (la “ligne bleue”), le chef du gouvernement estime que les experts onusiens ont excédé le temps qui leur a été imparti par le secrétaire général de l’ONU et son émissaire spécial, M. Larsen, pour terminer leurs travaux sur le terrain. Ce qui laisse peu d’espoir de les voir présenter leur rapport vers la fin du mois courant.

NADIM EL-HACHEM

Home
Home