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![]() Des accusations réciproques. |
![]() Des accusations réciproques. |
Le miracle tant attendu après deux semaines de négociations
à huis clos, n’a pas eu lieu, malgré l’implication intensive
du parrain américain en la personne du président Clinton
et d’un “brain trust” de crise, qui l’accompagnait.
Quinze jours auparavant, M. Clinton avait accueilli le Premier ministre
israélien, Ehud Barak et le chef de l’Autorité palestinienne,
Yasser Arafat avec la ferme intention de ne les laisser partir qu’une fois
un accord signé.
A l’ouverture du sommet, la bonne humeur était au rendez-vous,
en dépit des cinq dossiers épineux à traiter: la nature
de l’Etat palestinien, la délimitation de ses frontières,
le sort des 150 colonies juives implantées en Cisjordanie, le sort
de près de quatre millions de réfugiés palestiniens
et notamment le nœud gordien des négociations, le statut de Jérusalem.
Au fil des jours et malgré quelques avancées dans l’un
et l’autre des dossiers, y compris sur le sujet auparavant tabou du sort
de Jérusalem, cette question continuera à diviser jusqu’au
dernier moment les deux parties en conflit et mènera le sommet à
une impasse, les deux délégations se rejetant la responsabilité
de cet échec: “C’est la position de M. Arafat qui est cause de ce
ratage, affirme M. Barak. Il a eu peur de prendre les décisions
historiques nécessaires pour mettre un terme au conflit”.
M. Clinton, pour sa part, tout en annonçant l’échec de
Camp David II, n’a pas voulu en donner une note totalement négative:
“Ce sommet, dit-il, aura tout de même permis d’ouvrir une brèche
sur la question de Jérusalem”, considérée jusqu’ici
comme intouchable.
Yossi Beilin recevant les patriarches chrétiens.
LE TABOU EST TOMBÉ, LE PROBLÈME
DEMEURE
De fait, les analystes politiques sont d’accord pour dire que jamais,
auparavant, les pourparlers de paix n’étaient allés aussi
loin sur le statut de Jérusalem. Mais la question n’en demeure pas
moins le point central de blocage entre Israéliens et Palestiniens.
Et pour cause: Jérusalem-Est est un lieu hautement symbolique
pour les trois religions monothéistes.
Pour les chrétiens, c’est le lieu sacré de la crucifixion
et de la résurrection du Christ. Le mur des Lamentations y est primordial
pour les juifs et la mosquée d’El-Aqsa est le troisième lieu
de prière de l’Islam.
En 1948, à la naissance de l’Etat hébreu, Jérusalem
est partagée, entre Israël et le royaume de Jordanie.
Avec la guerre des six jours de juin 1967, Israël annexe la partie
orientale de la Ville Sainte et, en 1980, la Knesset (parlement israélien)
unifie Jérusalem et la consacre en tant que capitale éternelle
et indivisible de l’Etat hébreu.
Depuis 1967, le caractère de la ville a beaucoup changé.
Sa superficie a triplé, en raison de la construction d’une couronne
de onze quartiers juifs à la périphérie de la ville
arabe. L’ensemble de sa population a, également, triplé passant
de 200.000 en 1967 (130.000 juifs à l’Ouest et 70.000 Palestiniens
à l’Est), à 600.000 de nos jours. Environ 200.000 Palestiniens,
résidant dans sa partie orientale, disposent d’une carte de résident
permanent, mais pas de la citoyenneté israélienne.
COMPROMIS AMÉRICAIN SUR JÉRUSALEM
Face aux Israéliens qui affirment que Jérusalem restera
à jamais unifiée et capitale éternelle de l’Etat hébreu;
face aux Palestiniens qui exigent que Jérusalem-Est devienne la
capitale de leur futur Etat, le président Clinton a proposé
un compromis aux deux parties afin de réduire leurs divergences.
En vertu du compromis américain, Jérusalem-Est serait
divisée en trois secteurs: “Un sous contrôle israélien,
un deuxième sous contrôle palestinien mais sans souveraineté
et un dernier placé sous autorité administrative des Palestiniens
sauf pour les questions de sécurité”.
Les Israéliens auraient accepté cette proposition, selon
certaines sources informées. Les Palestiniens l’auraient refusée,
car “de telles concessions, observent-ils, ne leur accordent pas une once
de souveraineté”.
Auparavant, Arafat avait affirmé: “Le dirigeant arabe qui abandonnerait
Jérusalem n’est pas encore né”.
UNE PÉRIODE À HAUTS RISQUES
Quelles seront les implications de l’échec de Camp David? Le
non-accord va-t-il apaiser la colère de l’extrême-droite israélienne
qui ne cesse d’accuser Barak d’accepter trop facilement les exigences des
Palestiniens? D’après un sondage d’opinion effectué alors
que les négociations étaient en cours, près de la
moitié de la population israélienne se dit contre les concessions
annoncées dans la presse, comme le partage de Jérusalem et
l’abandon de territoires occupés.
Les formations de l’opposition de droite sont, par ailleurs, décidées
à provoquer des élections anticipées. Chef du Likoud,
Ariel Sharon affirme: “Nous avons conclu un pacte pour fonder un gouvernement
national, afin de remplacer le Cabinet présent qui accumule les
échecs”.
Barak fait, aussi, l’objet de menaces de mort prises au sérieux
par le Shin Beth (service de sécurité intérieur israélien).
En refusant tout compromis sur Jérusalem, Arafat va peut-être
améliorer son image auprès des islamistes et des courants
d’opposition. Mais pourra-t-il contenir le “Hamas” qui réclame la
lutte armée pour récupérer tous les droits des Palestiniens?
La crainte d’affrontements existe et “Tsahal” a renforcé son
effectif militaire dans les territoires occupés, alors que les Palestiniens
s’entraînent, de plus en plus, au combat.
Le 13 septembre 2000, les Palestiniens sont déterminés
à proclamer, même de façon unilatérale, un Etat
indépendant. Moins de deux mois séparent Israéliens
et Palestiniens de cette date qui peut être fatidique, la région
traversant une phase à hauts risques. Les médiations vont
s’intensifier, sans aucun doute, du côté américain
mais, aussi européen, comme du côté arabe, pour
éviter le pire et maintenir un climat favorable au dialogue. Le
recours à la force n’est dans l’intérêt d’aucune des
parties et encore moins de l’ensemble de la région qui mérite
de vivre en paix.