L’APRÈS CAMP DAVID:
UNE PHASE À HAUTS RISQUES
"Après quatorze jours de négociations intensives entre les délégations israélienne et palestinienne, j’ai conclu avec regret qu’elles ne sont pas capables, à ce stade, de parvenir à un accord. Comme je l’ai expliqué la veille du sommet, le succès était loin d’être garanti, vu la dimension historique, religieuse, politique et émotionnelle du conflit”.
En ces termes, le président américain Bill Clinton s’est résolu à annoncer, à son grand regret, l’échec de Camp David II. Un sommet sur lequel il avait fondé de grands espoirs pour parvenir à un accord de paix au Proche-Orient avant l’achèvement de son deuxième mandat.
Mais les discussions ont achoppé sur le statut de Jérusalem, Ville Sainte revendiquée par les deux parties en conflit. Chacun est rentré chez soi où de nombreux problèmes internes les attendent.
 
Bill Clinton désappointé.
Arafat et Barak: 
Des accusations réciproques.
Arafat et Barak: 
Des accusations réciproques.

Le miracle tant attendu après deux semaines de négociations à huis clos, n’a pas eu lieu, malgré l’implication intensive du parrain américain en la personne du président Clinton et d’un “brain trust” de crise, qui l’accompagnait.
Quinze jours auparavant, M. Clinton avait accueilli le Premier ministre israélien, Ehud Barak et le chef de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat avec la ferme intention de ne les laisser partir qu’une fois un accord signé.
A l’ouverture du sommet, la bonne humeur était au rendez-vous, en dépit des cinq dossiers épineux à traiter: la nature de l’Etat palestinien, la délimitation de ses frontières, le sort des 150 colonies juives implantées en Cisjordanie, le sort de près de quatre millions de réfugiés palestiniens et notamment le nœud gordien des négociations, le statut de Jérusalem.
Au fil des jours et malgré quelques avancées dans l’un et l’autre des dossiers, y compris sur le sujet auparavant tabou du sort de Jérusalem, cette question continuera à diviser jusqu’au dernier moment les deux parties en conflit et mènera le sommet à une impasse, les deux délégations se rejetant la responsabilité de cet échec: “C’est la position de M. Arafat qui est cause de ce ratage, affirme M. Barak. Il a eu peur de prendre les décisions historiques nécessaires pour mettre un terme au conflit”.
M. Clinton, pour sa part, tout en annonçant l’échec de Camp David II, n’a pas voulu en donner une note totalement négative: “Ce sommet, dit-il, aura tout de même permis d’ouvrir une brèche sur la question de Jérusalem”, considérée jusqu’ici comme intouchable.


Yossi Beilin recevant les patriarches chrétiens.

LE TABOU EST TOMBÉ, LE PROBLÈME DEMEURE
De fait, les analystes politiques sont d’accord pour dire que jamais, auparavant, les pourparlers de paix n’étaient allés aussi loin sur le statut de Jérusalem. Mais la question n’en demeure pas moins le point central de blocage entre Israéliens et Palestiniens.
Et pour cause: Jérusalem-Est est un lieu hautement symbolique pour les trois religions monothéistes.
Pour les chrétiens, c’est le lieu sacré de la crucifixion et de la résurrection du Christ. Le mur des Lamentations y est primordial pour les juifs et la mosquée d’El-Aqsa est le troisième lieu de prière de l’Islam.
En 1948, à la naissance de l’Etat hébreu, Jérusalem est partagée, entre Israël et le royaume de Jordanie.
Avec la guerre des six jours de juin 1967, Israël annexe la partie orientale de la Ville Sainte et, en 1980, la Knesset (parlement israélien) unifie Jérusalem et la consacre en tant que capitale éternelle et indivisible de l’Etat hébreu.
Depuis 1967, le caractère de la ville a beaucoup changé. Sa superficie a triplé, en raison de la construction d’une couronne de onze quartiers juifs à la périphérie de la ville arabe. L’ensemble de sa population a, également, triplé passant de 200.000 en 1967 (130.000 juifs à l’Ouest et 70.000 Palestiniens à l’Est), à 600.000 de nos jours. Environ 200.000 Palestiniens, résidant dans sa partie orientale, disposent d’une carte de résident permanent, mais pas de la citoyenneté israélienne.

COMPROMIS AMÉRICAIN SUR JÉRUSALEM
Face aux Israéliens qui affirment que Jérusalem restera à jamais unifiée et capitale éternelle de l’Etat hébreu; face aux Palestiniens qui exigent que Jérusalem-Est devienne la capitale de leur futur Etat, le président Clinton a proposé un compromis aux deux parties afin de réduire leurs divergences.
En vertu du compromis américain, Jérusalem-Est serait divisée en trois secteurs: “Un sous contrôle israélien, un deuxième sous contrôle palestinien mais sans souveraineté et un dernier placé sous autorité administrative des Palestiniens sauf pour les questions de sécurité”.
Les Israéliens auraient accepté cette proposition, selon certaines sources informées. Les Palestiniens l’auraient refusée, car “de telles concessions, observent-ils, ne leur accordent pas une once de souveraineté”.
Auparavant, Arafat avait affirmé: “Le dirigeant arabe qui abandonnerait Jérusalem n’est pas encore né”.


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LA POSITION DE L’ÉGLISE
L’avenir de Jérusalem constitue, par ailleurs, un sujet de grand intérêt pour l’Eglise catholique. Devant quelques milliers de pèlerins, le Saint-Père a évoqué le sommet de Camp David et la question de Jérusalem qui y était débattue en ces termes: “Je voudrais inviter les parties en présence à ne pas négliger l’importance de la dimension spirituelle de la ville de Jérusalem avec ses lieux saints et la présence des communautés des trois religions monothéistes”.
Jean-Paul II ajoute: “Le Saint-Siège continue à penser que seul un statut spécial, avec des garanties internationales, pourra effectivement préserver les parties les plus sacrées de la Ville Sainte et assurer la liberté de foi et de culte pour tous les fidèles qui, dans la région et le monde entier, regardent Jérusalem comme carrefour de paix et de vie en commun”.
Dans ce même esprit, les trois patriarches chrétiens de Jérusalem (catholique, grec-orthodoxe et arménien) ont rencontré des ministres palestiniens et israéliens pour discuter de l’avenir de Jérusalem et demander “un statut spécial avec des garanties internationales”.
Après tout, les chrétiens sont les premiers concernés par cette ville et devraient se faire entendre davantage. Leur attitude est trop timide et réservée.

UNE PÉRIODE À HAUTS RISQUES
Quelles seront les implications de l’échec de Camp David? Le non-accord va-t-il apaiser la colère de l’extrême-droite israélienne qui ne cesse d’accuser Barak d’accepter trop facilement les exigences des Palestiniens? D’après un sondage d’opinion effectué alors que les négociations étaient en cours, près de la moitié de la population israélienne se dit contre les concessions annoncées dans la presse, comme le partage de Jérusalem et l’abandon de territoires occupés.
Les formations de l’opposition de droite sont, par ailleurs, décidées à provoquer des élections anticipées. Chef du Likoud, Ariel Sharon affirme: “Nous avons conclu un pacte pour fonder un gouvernement national, afin de remplacer le Cabinet présent qui accumule les échecs”.
Barak fait, aussi, l’objet de menaces de mort prises au sérieux par le Shin Beth (service de sécurité intérieur israélien).
En refusant tout compromis sur Jérusalem, Arafat va peut-être améliorer son image auprès des islamistes et des courants d’opposition. Mais pourra-t-il contenir le “Hamas” qui réclame la lutte armée pour récupérer tous les droits des Palestiniens?
La crainte d’affrontements existe et “Tsahal” a renforcé son effectif militaire dans les territoires occupés, alors que les Palestiniens s’entraînent, de plus en plus, au combat.
Le 13 septembre 2000, les Palestiniens sont déterminés à proclamer, même de façon unilatérale, un Etat indépendant. Moins de deux mois séparent Israéliens et Palestiniens de cette date qui peut être fatidique, la région traversant une phase à hauts risques. Les médiations vont s’intensifier, sans aucun doute, du côté américain mais, aussi  européen, comme du côté arabe, pour éviter le pire et maintenir un climat favorable au dialogue. Le recours à la force n’est dans l’intérêt d’aucune des parties et encore moins de l’ensemble de la région qui mérite de vivre en paix.

NELLY HELOU

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