AFFAIRE GEMAYEL:
TOUS LES MILIEUX DÉNONCENT LE COMPORTEMENT DES “FORCES OCCULTES”

M. Rouchaïd el-Khazen, député du Kesrouan, a parlé de “fantômes” dans l’affaire de l’ex-président Amine Gemayel, en disant à “La Revue du Liban” qu’il ne pouvait pas déterminer les lieux où ils se trouvent. “Mais nous tentons de les localiser en brûlant de l’encens; peut-être réussirions-nous à élucider ce mystère”.


Le président Amine Gemayel.

Ainsi que je l’ai déjà dit, ajoute-t-il, j’ai effectué des contacts et des rencontres avec le président Emile Lahoud, le président Salim Hoss, M. Michel Murr, ministre de l’Intérieur et d’autres responsables. Aucun d’eux n’a émis quelque réflexion laissant entendre que le président Gemayel ne pouvait pas rentrer, ni insinuer que des dossiers pourraient être ouverts au cas où il décidait de revenir”...
“Tous ont unanimement assuré qu’il n’y avait pas de dossiers contre l’ancien chef de l’Etat ou qu’il ferait l’objet de poursuites judiciaires pour avoir présenté ses condoléances à la famille Rabin. C’est pourquoi, je parle des fantômes... Il est certain que je parviendrai à obtenir des résultats à ce sujet avant la conférence de presse que je tiendrai jeudi (hier)”.
Cheikh Rouchaïd a ajouté qu’il avait eu un entretien téléphonique avec cheikh Amine, mais sans en révéler la teneur. Quant à son départ pour Paris où on lui prêtait l’intention de se rendre, il s’est limité à dire: “Ceci sera décidé à la lumière de mes contacts et, à ce moment, j’irai dans la capitale française pour en revenir en compagnie du président Gemayel.

GEMAYEL VEUT ÉVITER D’EMBARRASSER SES AMIS
Et que vous a dit le président Gemayel? “Il m’a confié qu’il désirait revenir, mais lorsqu’on l’informe de toutes ces questions gênantes, il préfère renoncer au voyage, afin de ne pas susciter des problèmes à ses amis et aux autres.
“Le chef du gouvernement, conclut cheikh Rouchaïd, a adressé un appel à cheikh Amine lui demandant de rentrer au pays. De même, M. Joseph Chaoul, ministre de la Justice, a nié l’existence de quelque dossier susceptible d’empêcher le retour de l’ex-président de la République. C’est pourquoi, je poursuivrai mes investigations pour découvrir toute la vérité, dénoncer les “fantômes”, afin de servir la liberté et la démocratie et, aussi, par respect au serment du président de la République libanaise”.
L’affaire du président Amine Gemayel, à savoir: l’interdiction qui lui a été faite par des “forces occultes” de venir à Beyrouth pour, de là, gagner Qordaha à l’effet d’assister à la cérémonie du quarantième du président Hafez Assad, avait suscité des réactions dans tous les milieux et jusqu’à la Chambre des députés, une partie de la séance parlementaire de mardi lui ayant été consacrée.
Aussitôt la nouvelle connue, M. Pierre Gemayel, fils aîné du président Gemayel, a tenu une conférence de presse pour exposer cette affaire et ses développements, depuis le moment où la présidence syrienne a adressé une invitation à son père, pour participer à la cérémonie de Qordaha, jusqu’à ce que l’ambassadeur du Liban en France, M. Raymond Baalini, eut notifié à l’ancien chef de l’Etat, une “recommandation” de M. Zouhair Hamdane, secrétaire général du palais Bustros, lui conseillant de renoncer à son voyage, le président Salim Hoss a, en sa qualité de ministre des Affaires étrangères, réprouvé cette manière d’agir et promis d’ouvrir une enquête pour déterminer la partie ayant pris la décision d’interdiction.
 

Le président Salim Hoss: 
Un malentendu

M. Rouchaid el-Khazen: 
Des fantômes.

M. Zouhair Hamdane: 
La recommandation.

KHAZEN REÇU À BAABDA
Dès son retour de Qordaha et après avoir été informé des développements de l’affaire, cheikh Rouchaïd el-Khazen a décidé de se rendre à Paris pour revenir en compagnie de cheikh Amine. Effectivement, il a gagné l’aéroport de Beyrouth; puis, en est revenu vers 2 heures du matin, en promettant de tenir le lendemain une conférence de presse “pour tout révéler”. Mais des contacts ont été effectués auprès du député du Kesrouan pour lui demander de reporter la conférence de presse qu’il se proposait de tenir en sa résidence estivale, à Kleyate. Et ce, en attendant d’être reçu par le président Emile Lahoud, afin de tirer au clair les dessous de cette affaire rocambolesque. M. el-Khazen devait être reçu par le chef de l’Etat au palais de Baabda, après avoir eu un entretien téléphonique de près d’un quart d’heure avec le président Lahoud qui lui a assuré que “rien n’empêchait le président Gemayel de rentrer”.
Le député du Kesrouan précise qu’au cours d’une communication téléphonique avec cheikh Amine, celui-ci, tenu au courant du climat prévalant sur la scène locale, lui avait conseillé de ne pas gagner la capitale française, “parce qu’il ne voulait pas causer des ennuis à ses amis”.
Le fils du président Gemayel, devait rendre visite au chef du gouvernement dans son bureau au Sérail, pour le remercier de son attitude honorable envers “l’affaire Gemayel” et échanger les vues sur la question. “Nous poursuivrons nos efforts, a déclaré cheikh Pierre Gemayel, jusqu’à ce que mon père rentre au pays. Qu’ils ouvrent les dossiers, s’ils existent, cela ne l’empêchera pas de revenir, le fait de l’avoir empêché de prendre l’avion à Paris étant une affaire nationale touchant la dignité d’une grande fraction de Libanais et même de tous les citoyens.”
Puis, cheikh Pierre a fait état de la marche pacifique ayant été organisée dimanche dernier à Bickfaya, ville natale du président Gemayel. De nombreuses délégations populaires ont défilé dans la résidence de la famille Gemayel durant toute la journée et jusqu’à une heure avancée de la nuit, pour manifester leur soutien à l’ancien chef de l’Etat. Puis, une marche a été organisée ayant pris fin devant la tombe de cheikh Pierre Gemayel, fondateur du parti Kataëb et Bachir Gemayel, président défunt, où des bougies ont été allumées à leur intention, pour dénoncer la manière de se comporter de certaines “forces occultes” contre les personnalités connues pour leur nationalisme.


M. Pierre Amine Gemayel lors de la conférence de presse.

LE DÉBAT AU PARLEMENT
Au parlement et au cours de l’une des dernières séances de la législature, plusieurs députés ont pris la parole, entre autres: MM. Nassib Lahoud, Boutros Harb, auxquels se sont joints les présidents Berri et Hoss, pour désapprouver le comportement inacceptable à l’égard de l’ancien président de la République.
Les parlementaires ont demandé que toute la lumière soit faite sur une affaire qui ternit le renom du Liban en tant que pays de la liberté et de la démocratie.
Le président de la Chambre s’est dit surpris de ce qu’un Libanais, quel qu’il soit, soit autorisé à s’expatrier, mais non à réintégrer son pays. “Nous sommes fermement attachés, dit-il, à la liberté de tout citoyen. Si quelque chef d’accusation est retenu contre lui, c’est à la Justice qu’il appartient de se prononcer, conformément à la  procédure judiciaire. Le président Gemayel aurait pu se rendre directement à Qordaha où il était invité, sans passer par Beyrouth.”
Le président Hoss s’est prononcé contre toute interdiction à un Libanais de rentrer dans son pays: “C’est un droit sacré dont nul ne peut être privé. De toute façon, si cheikh Amine désire rentrer, il peut le faire demain. Ce qui s’est produit, est un malentendu et nous avons ouvert une enquête à ce sujet, en prenant les dispositions nécessaires pour que cet impair ne se reproduise pas”.
De son côté, le Parti socialiste progressiste a été l’un des premiers à condamner le comportement des “forces occultes”, le considérant comme une atteinte à la Constitution qui consacre la liberté de tous les citoyens”.
Le PNL a, également, dénoncé la manière d’agir avec le président Gemayel, alors que le Bloc national juge inadmissible l’interdiction à tout Libanais de réintégrer sa patrie. “Le Bloc national, a déclaré M. Carlos Eddé, réprouve les agissements qui affectent la liberté et la démocratie, d’autant qu’il a foi dans l’association de tous les Libanais à l’affiliation à leur patrie.
“Le B.N. appelle l’Etat à intégrer tous les citoyens et à faire montre de largesse d’esprit à l’égard tant des loyalistes que des opposants. Et ce, en renonçant à la politique du vainqueur et du vaincu, du désirable et de l’indésirable”.
Tous les analystes ont établi un lien direct entre le retour du président Gemayel et les prochaines élections législatives.

NADIM EL-HACHEM

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