PRÉSIDENT DU RPF ET CANDIDAT DÉCLARÉ AUX PRÉSIDENTIELLES FRANÇAISES
CHARLES PASQUA: “PAS DE RÉGLEMENT AU
LIBAN SANS UN ACCORD DE PAIX ENTRE LA SYRIE ET ISARËL”

A l’hôtel Intercontinental de Faraya-Mzaar, je l’ai rencontré en présence de M. Bernard Guillet, son conseiller diplomatique.
Charles Pasqua, président du Rassemblement pour la France (RPF), candidat déclaré aux élections présidentielles de 2002, précise que les choses vont obligatoirement évoluer au Proche-Orient.
“La situation au Liban, dit-il, ne sera pas définitivement réglée, tant qu’il n’y aura pas de paix entre Israël et la Syrie. Cependant, la majorité des problèmes semble résolue. Une nouvelle étape a commencé pour le Liban après le retrait d’Israël du Sud et l’arrivée au Pouvoir, à Damas, d’un nouveau président.

Au cours de sa visite au pays des Cèdres, qui a duré quatre jours, il a rencontré les principaux dirigeants libanais et les différents chefs des communautés religieuses. Ancien ministre et député, le sénateur et président du conseil général des Hauts-de-Seine, paraît serein, pragmatique et déterminé. En tant que candidat aux présidentielles, il a souhaité consacrer sa première visite à l’étranger au Liban.

Quel est l’objet de votre visite au Liban?
Je suis venu au Liban dans le cadre de ma candidature aux élections présidentielles. J’ai souhaité que ma première visite soit pour ce pays, en raison des liens d’amitié qui unissent le Liban à la France et compte tenu de la situation dans cette région du monde et des incertitudes qui existent encore sur l’avenir. J’ai commencé une série de voyages à l’étranger, que doit entreprendre tout candidat aux élections présidentielles pour avoir une idée de ce qui se passe dans le monde.

Quelles ont été vos impressions?
D’abord, je n’étais pas revenu au Liban depuis 1996. J’ai quand même trouvé beaucoup de changements. Beyrouth, Dieu merci, a réalisé une grande partie de sa restauration. Entre-temps, est intervenue l’évacuation, par les Israéliens, de la partie sud du Liban qu’ils occupaient depuis longtemps. Je trouve que c’est un grand moment pour un pays lorsqu’il retrouve sa souveraineté sur une partie de son territoire. Il y a, naturellement, des incertitudes pour l’avenir, c’est évident; c’est, d’ailleurs, de cela aussi dont je me suis entretenu avec les principaux responsables et j’étais impatient de connaître leurs points de vue.
Je crois que, de toute façon, pour ce qui est du Liban, le plus important a été fait. Le Liban-Sud est libéré et il y a maintenant la nécessité pour le gouvernement libanais d’y rétablir son autorité.

Etes-vous optimiste?
Oui, je crois que cela se fera. Cela doit se faire par étapes bien entendu. C’est une région dans laquelle il y a eu la guerre pendant de nombreuses années, dans laquelle il y a toujours des groupes armés et on ne peut pas du jour au lendemain régler ce problème par un coup de baguette magique. Il faut que les gens comprennent que la période des affrontements est terminée et il faudrait, maintenant, passer à la phase de la reconstruction.
C’est toujours une période difficile parce qu’un certain nombre de gens ont du mal à se réadapter à la vie civile en quelque sorte, quand on sort d’une période comme celle que le pays a connue. Puis, naturellement, il y a maintenant aussi une incertitude qui découle de l’arrivée au pouvoir à Damas, d’un nouveau président qui a lui-même certainement, sa propre vision des choses. Il faut être un peu patient pour voir quelle serait son approche. Pour le Liban, l’essentiel est fait mais, naturellement, la situation ici ne sera pas réglée dans le cadre d’un accord de paix, tant qu’il n’y aura pas non plus la paix entre Israël et la Syrie. Je trouve, qu’aujourd’hui, pour tous ceux qui aiment le Liban, l’objectif prioritaire devrait être d’aider à la fois, les Syriens, les Libanais et les Israéliens à se mettre autour d’une table de négociations et à essayer de régler ce problème une bonne fois pour toute.

A votre avis, ceci va-t-il tarder à se faire?
Je ne suis pas un magicien, je ne suis pas non plus Madame Soleil. Je crois, cependant, que les choses vont obligatoirement évoluer; cela me paraît clair et évident. Il faut laisser le temps au président syrien de prendre la mesure des choses et, dans le même temps. “A quelque chose malheur est bon”. Je dirais que le fait qu’il n’y ait pas d’accord entre Israël et les Palestiniens, pourrait inciter un certain nombre de protagonistes à essayer au moins de régler le problème ici entre la Syrie, le Liban et Israël. Il va falloir régler, également, le problème des réfugiés palestiniens.

Si vous êtes élu président, comment pensez-vous pouvoir aider le Liban?
Nous n’en sommes pas encore là. Je crois que le général de Gaulle avait déjà eu l’occasion de le dire: la France n’est pas la France, si elle n’a pas une grande politique en direction du monde arabe et il considérait que le passage obligé de cette politique dans tout ce qui touche au Proche-Orient était le Liban, étant donné que ce pays représente le croisement d’un certain nombre de civilisations, de religions où finalement ces communautés ont réappris à vivre ensemble et en paix.

Que reste-t-il du gaullisme en France?
Il reste une leçon. Il ne s’agit pas de dire, je suis gaulliste, les autres ne le sont pas. Le général de Gaulle n’a pas de successeur, mais on peut s’inspirer de ce qu’il a fait. Qu’est-ce qu’il reste comme leçon? Une leçon qui est valable pour tous les peuples, pas seulement pour la France, c’est de voir que la volonté d’un homme seul qui dit non, arrive à incarner progressivement l’espoir et la volonté de tout un peuple, à remporter la victoire et avant de remporter la victoire par les moyens matériels, de la remporter par l’esprit, par la force de la conviction et c’est ce charisme qui a fait que la France ait tourné du côté des vainqueurs.

Qu’est-ce qu’il ne ferait pas aujourd’hui?
C’est clair qu’il n’abandonnerait pas la souveraineté nationale. Le général de Gaulle a toujours été partisan de la coopération internationale. Il était favorable à une confédération où personne ne peut imposer son point de vue aux autres, surtout lorsque les intérêts vitaux du pays sont en cause. Il n’aurait jamais accepté ceci et dans la modeste classe qui est la mienne, je ne l’accepte pas non plus.

Etes-vous toujours contre la constitution européenne?
Tout dépend de ce qu’on entend par constitution européenne. Je ne veux pas entrer dans un débat sémantique; les mots n’ont pas la même signification, notamment pour les Français et les Allemands. Ce qui est sûr, c’est que l’Union européenne ne fonctionne pas bien, parce qu’on n’a jamais consulté les peuples. C’est une constitution artificielle. On ne nous a jamais emmené à trancher entre les trois possibilités de la constitution européenne. La première est celle de la confédération, c’est-à-dire une Europe qui se constitue à partir des réalités des Etats et des nations. Ceci a toujours été la vision de la France. La deuxième possibilité est, au contraire, la fédération dans laquelle, progressivement, les nations s’effacent. Un certain nombre de gens rêvent à cela. Les nations transmettent leur pouvoir à une super-autorité où, dans le même temps, les régions reprennent une certaine autonomie. Contrairement à ce que l’on croit, ceci n’est pas un progrès car cela conduit à l’éclatement des nations et à la balkanisation de l’Europe. Nous avons, d’ailleurs, vu que les fédérations ne se constituent jamais par l’accord des peuples; elles sont toujours imposées et elles ont toujours la même fin: la fédération balkanique de la Yougoslavie a éclaté; la fédération russe qui était l’Union soviétique a éclaté, aussi. Il est bien évident que le XXIème siècle serait le siècle des nationalités et ceux qui disent que les Nations sont condamnées à disparaître commettent une grave erreur. Les Nations Unies comptaient une cinquantaine d’adhérents, maintenant elles en comptent 170; demain, ce sera peut-être 200. La troisième possibilité de développement de l’Europe est celle que souhaitaient les anglo-saxons: une zone de libre-échange économique. Or, l’Union européenne est un mélange des trois: le Conseil européen est de nature confédérale, la commission et la Banque centrale sont de nature fédérale. Nous avons à Bruxelles un pouvoir technocratique qui n’a qu’une ambition, celle de créer l’homo-Européus, comme il y a déjà eu la tentative de créer l’homo-Soviéticus qui a donné le résultat actuel! Réfléchir à une autre organisation de l’Europe me paraît indispensable.

Etes-vous pour ou contre la réduction du mandat présidentiel en France?
Je suis contre, parce que cela change la nature du mandat du président de la République. Le fait qu’il soit élu pour sept ans a plusieurs conséquences: la première est que cela donne au président la hauteur et l’assise nécessaires lui permettant d’assurer la pérennité de la défense des intérêts vitaux du pays, dont celle de l’Unité nationale. Si le mandat était réduit à cinq ans, le président de la République serait élu en même temps que les députés. Ce serait, alors, un chef de parti et non plus chef de l’Etat. Par ailleurs, il lui faudrait du temps pour gérer les affaires d’une manière efficace. Cinq ans ne suffisent pas!

Pensez-vous avoir de fortes chances d’être élu?
Personne ne peut le dire. Je n’y vais pas pour faire une promenade, mais pour mener un combat.
Que reste-t-il du Rassemblement pour la France?
Il reste l’essentiel. C’est, tout d’abord, des adhérents, des idées relatives à la souveraineté nationale.

Pourquoi avez-vous quitté le “RPR”?
A partir du moment où Jacques Chirac, ainsi que les principaux dirigeants du RPR avaient voté “oui” au référendum de “Maastricht”, je considérais que c’était un très grave coup porté à la souveraineté nationale. Puis, ils ont recommencé au moment du traité d’Amsterdam. J’ai vu à ce moment-là que le RPR était en contradiction avec ses principes de base. Ma décision était alors de partir et je ne le regrette pas.

Il y a, aujourd’hui, un boom économique en France. Ceci est-il dû à la gestion de M. Jospin ou à celle du président Chirac ou à d’autres raisons?
Honnêtement parlant, je crois qu’ils n’y sont pour rien. Ceci est peut-être excessif, mais en tout cas, ils n’y sont pas pour grand chose, parce que les mesures qu’ils ont entreprises, ainsi que les objectifs qu’ils se sont assignés se sont révélés totalement faux. Tous les deux ont voté pour la monnaie unique; ils nous ont promis monts et merveilles. Nous constatons, aujourd’hui, que l’Euro n’a pas réalisé les prouesses d’un contrepoids au dollar. Il a une décote de 20 à 25% par rapport à son introduction sur le marché. C’est comme si on avait dévalué les monnaies nationales de 25%. Nous avons toujours été contre un Euro fort; nous considérons que l’Euro à sa valeur actuelle est un atout.  Par ailleurs, le développement économique actuel en France et en Europe est aussi dû au développement économique actuel aux Etats-Unis. C’est vrai que nous sommes dans une période de développement économique, mais nous avons une certaine fragilité, car le gouvernement n’a pas fait ce qu’il fallait faire.

Propos recueillis par
NADINE FAYAD COMAIR

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