Saturnale


Par MARY  YAZBECK AZOURY

PARLEZ, ÉMINENCE, PARLEZ!
S.Em. le cardinal Nasrallah Sfeir ne fait que mettre en garde responsables et citoyens libanais au sujet d’élections “manipulées”.
Dans maintes homélies, le patriarche maronite sonne l’alarme contre certaines ingérences et pratiques qui relèvent du népotisme, du trafic d’influence.
Mais tout cela reste anonyme, dans le vague!
Son Eminence suggère, mais ne nomme pas!
C’est insuffisant!
Dans notre ère de la mondialisation, de la facilité de communications, de l’impossibilité de garder n’importe quelle information secrète, grâce à l’Internet et à l’ordinateur, Son Eminence a le devoir, non seulement d’alerter l’opinion publique, mais d’être encore plus spécifique. “Spirituel jusque dans la chair, charnel jusque dans l’esprit”, le rôle de Pasteur, aujourd’hui, ne peut se limiter à l’aspect strictement religieux et moral, puisque tout, dans la vie des citoyens s’entrelace et s’entremêle.
Son Eminence a déclaré: “Nous n’avons appelé ni à la participation, ni au boycottage des élections. Le Libanais est libre d’agir selon sa conscience. (...) Malheureusement, les listes électorales ne sont pas encore définitivement annoncées. Même les candidats qui sont déjà inscrits hésitent. Cela semble indiquer que les têtes de liste attendent la décision finale qui n’émane pas du Liban, mais de l’étranger et que les élections ne seront pas exclusivement libanaises.”
Une phrase sibylline qui en dit long.
Nous ne pouvons donc que répéter et supplier Son Eminence de parler avant qu’il ne soit trop tard:
“Parlez, Eminence, parlez.
Vos paroles seront une action”.

***

NAGIB MIKATI, AUX ÉTUDIANTS: “EXPRIMEZ VOS OPINIONS LIBREMENT...”
Discours électoral?
Le ministre des Transports et des Travaux publics le nie.
Au cours de la remise des diplômes aux étudiants de l’USJ, Nagib Mikati a appelé les jeunes “à exprimer leurs opinions en toute liberté une fois qu’ils auront quitté le campus”.
“Participez au dialogue national; exprimez vos opinions librement, comme vous le faisiez à l’Université”, a-t-il ajouté.
Les étudiants et tous les Libanais ne demandent pas mieux que d’exprimer librement leurs opinions.
Mais qui leur en garantira la possibilité?
Le spectacle désolant d’un pays allant à la dérive, une Assemblée nationale intoxiquée et intoxiquante, à l’exception d’une poignée de députés, les autres n’ayant qu’un seul souci, se faire réélire, ne peut leur donner cette garantie.
Nous assistons à un spectacle dégradant où personne ne veut assumer la responsabilité de la situation.
Qui a donc empêché le président Amine Gemayel de retourner au Liban?
Tous les responsables se renvoient la balle. Mais il serait naïf, enfantin, débile de s’imaginer que le secrétaire général des Affaires étrangères, un ambassadeur de solide réputation et l’ambassadeur du Liban à Paris, aient pris l’initiative d’une telle mesure!
Alors quelle est la véritable histoire de cet impair inqualifiable?
Et alors, M. Mikati, comment allons-nous exprimer librement notre opinion?

***

BICKFAYA ET LA FÊTE DES FLEURS
On connaissait Bickfaya pour sa célèbre fête des fleurs et son non moins célèbre festival des fruits. On y admirait les reines de beauté sur leurs corsos fleuris et cette ville, en général fort calme, accueillait des milliers de Libanais et d’émigrés revenus au bercail pour cette occasion.
C’était cela Bickfaya.
Dimanche dernier, Bickfaya offrait le visage d’une ville assiégée. Des camions-citernes, des tuyaux d’arrosage, des voitures de pompiers obstruaient les entrées de cette paisible localité montagnarde. On se croyait revenu aux “meilleurs moments” de la guerre, pas si lointaine.
Que se passait-il donc?
Quelques milliers de citoyens voulaient manifester leur appui à Amine Gemayel. Ce n’étaient pas des casseurs, encore moins de terroristes. C’étaient, pour la plupart, de jeunes citoyens qui voulaient exprimer librement leur opinion quant aux agissements de certains “responsables”.
Tel était le problème.
Pourtant, M. Nagib Mikati avait, la veille, invité la jeunesse à exprimer cette opinion.
Où se trouvait donc le ministre des Transports et des Travaux publics, pendant ce temps?
Heureusement, que les leaders de cette manifestation se sont montrés parfaitement responsables. En contrôle complet de la situation, ils ont refusé de se faire piéger et ont su magnifiquement gérer la manifestation. De quoi donner des cauchemars aux responsables!

***

“LES PROFS Z’EN FÊTE” (SUITE)
C’est Bernard Pivot qui fait la liaison.
Plus de 900.000 professeurs de français dans le monde, ont la difficile tâche d’enseigner la langue de Molière.
Le président de la Fédération internationale des professeurs de français, ou FIPF, Alain Braun prône une simplification du français. Il plaide pour des mesures qui sembleront radicales pour les doctes académiciens, mais indispensables pour la langue française, afin de la rendre plus attrayante. “Il faut éliminer les subtilités, les non-sens syntaxiques et les règles artificiellement entretenues depuis le XVIIème siècle”, dit-il avec des exemples à la clé: “Comment, se demande-t-il, expliquer à un étranger qu’on écrit: “plus d’un élève triche à l’école” avec un verbe accordé au singulier, mais “moins de deux élèves trichent”.
“C’est illogique, ni clair, ni limpide. Il faut harmoniser, ajoute-t-il, en pestant contre les mesures récentes de féminisation de métiers”.
C’est ce qui manquait pour compliquer encore les choses! En France et en Belgique, on a opté en faveur d’“une professeur”, alors qu’au Québec on a choisi “une professeure”... “C’est totalement absurde. Il suffisait de se mettre d’accord. On parle toujours de cette “grande francophonie unie et chaleureuse mais, en réalité, c’est souvent “chacun pour tous”.
Ainsi, au Québec, il est toléré de dire “Madame... tu...” alors qu’en France et en Belgique le “Madame est toujours suivie du vous”.
 
“PLUS QUE LA BAGUETTE DE PAIN ET LE BÉRET... 
 LA CÉDILLE”
La dictée concoctée par Bernard Pivot, l’animateur journaliste pour les participants au Xème Congrès des enseignants de français, est un chef-d’œuvre d’humour et a provoqué un tohu-bohu dans la salle. Il s’agit de la “cédille”. “Plus que la baguette de pain, plus que le béret, ce qui caractérise le plus les Français, c’est la cédille (...). Les Ecossais n’en ont pas, les Américains non plus (...). Cette cédille, ce sexe lilliputien nous différencie du monde entier”.
A ce moment, la salle entière hoquète de rire!
Il est possible que ce qui caractérise, aussi, les Français soit cet humour légèrement grivois, sans être vulgaire ou obscène.


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