Au
moment où paraîtront ces lignes, le cycle des négociations
israélo-palestiniennes intitulé: “Camp David II” sera peut-être
achevé. Personne ne peut encore prévoir sur quoi il débouchera.
Mais on peut déjà constater que les questions fondamentales
qui avaient été écartées des accords d’Oslo,
grâce à quoi une première réconciliation avait
pu être réalisée sur la base, uniquement, d’une reconnaissance
mutuelle de chacun des deux peuples par l’autre, ces questions fondamentales
sont, désormais, posées et bien posées. Elles ne pourront
plus être évitées: il s’agit de la configuration du
futur Etat palestinien et de l’étendue de sa souveraineté,
du droit au retour des Palestiniens expulsés en 1947 et en 1967
et de Jérusalem-Est capitale de la nouvelle Palestine.
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Le compromis auquel devrait aboutir “Camp David II” ne satisfera probablement
aucun des partis extrémistes d’Israël ou des Palestiniens.
Mais il pourrait, au moins, constituer une nouvelle reconnaissance par
Israël d’une entité palestinienne, une reconnaissance qui va
plus loin que celle d’Oslo, car elle aura remis en cause tous les mythes
sur lesquels s’est bâti l’Etat sioniste depuis sa proclamation et,
surtout, depuis 1967: “Jérusalem, capitale unifiée et éternelle
d’Israël”, “Judée-Samarie, Eretz biblique”, “inexistence” d’un
peuple palestinien.
La revendication actuelle du négociateur palestinien équivaut
à un retour à la solution du partage votée par l’ONU,
qui avait été rejetée en 1947 et entraîné
un état de guerre permanente.
La position actuelle du négociateur israélien signifie
l’acceptation du retour au principe du partage, la renonciation au “grand
Israël”, mais en évitant toute formule de compromis pouvant
être interprétée comme une reconnaissance de la responsabilité
morale d’Israël dans la dispersion du peuple palestinien et de la
confiscation de ses propriétés. Israël ne veut pas se
reconnaître débiteur et avoir à payer des compensations
financières. L’Amérique y supléera...
Que la paix soit conclue sur cette base à Camp David ou qu’elle
ne puisse pas l’être, on ne pourra plus jamais revenir sur ces conséquences.
Pour les Palestiniens, il y a déjà là un succès
et c’est ainsi que le perçoivent les partis israéliens qui
se sont mobilisés ces derniers jours à l’appel de cet aventurier
qu’est Ariel Sharon, pour manifester leur violente opposition à
Ehud Barak, l’invitant à quitter Camp David et à rentrer
à Jérusalem. Pour eux, les problèmes soulevés
à Camp David ne doivent même jamais être mentionnés.
S’ils veulent la paix, c’est uniquement avec un Etat virtuel, sans
souveraineté, sans base territoriale, sans structure économique,
sans réelle existence. Un fantôme.
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La négociation de “Camp David II” comporte un autre aspect tout
aussi essentiel: la prise en charge par les Palestiniens de leur propre
destin. Arafat a, sans doute, eu soin dans cette démarche de s’assurer
de l’appui de certains pays arabes qui ont l’oreille de Washington: l’Egypte,
l’Arabie saoudite et la Jordanie principalement. Mais ce ne sont plus ces
pays qui mènent directement le jeu comme en 1947 et qui furent alors
largement responsables de la perte de la Palestine et, ensuite, des errements
du combat des Palestiniens pour la récupération de leurs
droits.
Pendant longtemps, les organisations palestiniennes ont été
ainsi manipulées par des gouvernements qui leur promettaient la
lune et qui les trahissaient dès que leurs propres objectifs étaient
atteints. On peut dire que pendant près de cinquante ans, les rapports
entre les Palestiniens et les pays arabes furent un marché de dupes.
La politique de “solidarité arabe” tant prônée
par tous les gouvernements de la Ligue avait été tellement
exploitée pour justifier n’importe quoi, qu’elle avait perdu toute
crédibilité. Deux peuples en ont été la victime:
le Libanais et le Palestinien poussés, finalement, à s’entretuer
en détruisant le pays d’accueil qui était pourtant présenté
jusque là comme le modèle de l’Etat bi-national que les Palestiniens
offraient aux sionistes pour repousser le plan de partage voté par
l’ONU.
Que d’inconséquences! Et que de folies! L’histoire de la Palestine
en est la chronique dramatique.
M. Clinton est-il l’homme prédestiné pour la clôturer
et ouvrir une ère nouvelle pour les peuples du Proche-Orient loin
des mirages et des rêves d’un nationalisme anachronique? C’est le
moins que puisse offrir le président de la puissance qui a pris
en charge la succession de la Grande-Bretagne et assumé toutes les
conséquences de sa politique contradictoire dans cette partie du
monde.
Pour un Clinton, c’est inattendu. Mais l’inattendu arrive souvent. |
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