Bloc - Notes

Par ALINE LAHOUD
CE N’EST QU’UN AU REVOIR...
Personne n’imaginait voir un jour Najah Wakim baisser les bras et renoncer à se battre. Personne ne conçoit des élections d’où serait absent ce véritable phénomène des urnes à la popularité aussi stupéfiante qu’agressive. Personne ne peut se représenter un parlement où ne siègerait pas cet empêcheur de tourner en rond qui, pendant de longues années, a mené les gouvernements et les présidents de la Chambre au bord de la dépression nerveuse. Pour tout dire, une vie parlementaire sans Najah Wakim perdrait le dernier de ses attraits, si tant est qu’il lui en reste.
Pourquoi s’est-il retiré de la course? Parce que c’est une bataille de gros sous et qu’il n’en a pas? Parce qu’il n’a pas été pris sur une forte liste? Parce qu’il n’a pu former sa propre liste? Parce que, comme il l’a dit lui-même, les résultats des élections sont, d’ores et déjà, mis en boîte?
C’est peu convaincant. D’abord, parce que Najah Wakim, sans le sou, s’est toujours fait élire tout seul, sans liste, sans appui officiel, face à des milliardaires. Ensuite, parce que même mis en boîte, les résultats ne sont pas garantis à cent pour cent. De plus, il est peu probable que les interventions se fassent au niveau des urnes, provoquant ainsi un recours au Conseil constitutionnel.
Alors, pourquoi ce retrait soudain? Parce que, dit-il, il ne veut pas faire partie d’un parlement qui sera contraint de voter l’implantation des Palestiniens. Le député de Beyrouth n’a-t-il pas entendu le président Lahoud rejeter cette implantation avec la dernière énergie, ou bien il n’y a pas prêté une oreille réceptive? Car Wakim a toujours été un homme de certitudes et, pour lui, il est couru d’avance que la dette monstrueuse qu’accumule le Liban sans avoir les moyens de la payer, ne serait-ce que dans mille ans, sera effacée d’un trait de plume s’il accepte d’implanter, définitivement, les réfugiés palestiniens, ôtant ainsi une épine du pied tant de Barak que de Yasser Arafat.
Un autre danger que signale Wakim dans son réquisitoire tous azimuts: “Il n’est pas dans son (le monde arabe) intérêt que le Liban devienne une simple autorité administrative. Nous sommes pour des relations syro-libanaises solides et étroites, mais pour qu’elles le soient, elles doivent être saines... Ce n’est pas non plus dans l’intérêt du monde arabe que des zones d’influence au Liban soient distribuées en lots de consolation”. Fustigeant, enfin, l’ensemble de la classe politique pêle-mêle Pouvoir et opposition qui déforment et pervertissent la volonté du peuple, par le truchement de listes préfabriquées, il les accuse d’être “en train de participer à la transformation du Liban en une patrie défunte”.
Certains ont laissé entendre qu’il s’agit là d’une manœuvre tactique et prétendent que le député de Beyrouth, acculé par son intransigeance et son franc-parler dans ses derniers retranchements, a fait mine de jeter sa défroque parlementaire aux orties, pour faire, sous la pression populaire, une rentrée fracassante qui assurerait sa réélection.
Difficile à croire. Najah Wakim se ferait élire dans n’importe quelle circonscription du fait même qu’il s’y présente. En outre, l’homme n’est pas un manœuvrier, ni un combinard. Sa vie publique est claire comme de l’eau de roche et son courage, voire sa témérité, est proverbiale. Pendant de longues années, il a été la seule voix qui a crié dans le désert d’un pouvoir hypothéqué, étranger aux siens; la seule voix qui ait fait retentir dans l’enceinte du parlement celle du peuple qui l’a élu, celle de ces Libanais qui, sans lui, seraient restés sans voix.
Alors? Pourquoi ce retrait que rien ne laissait prévoir? Aurait-il été mis au courant de certaines informations relatives à l’implantation des Palestiniens et ne veut-il pas faire partie d’un parlement où il serait amené à jouer les faux témoins? Ou bien a-t-il voulu se soustraire à des pressions qui auraient fait de lui un instrument dans la croisade anti-haririenne? Et cela pour lui aurait été insupportable. Car ce loup solitaire, qui a fait de son indépendance et de sa liberté d’action et d’expression un véritable credo, n’aurait pu tolérer se voir embrigader et manipuler par les loyalistes pour servir de cheval de bataille contre l’opposition, même s’il ne peut piffer ni Hariri, ni ce qu’il représente?
Quoi qu’il en soit, on ne sait pas au juste quelles sont les intentions ou les motivations de Najah Wakim, mais parce qu’on le croit sincère, honnête et courageux, ce qu’il vient de dire et de faire est, non seulement inquiétant, mais déstabilisant. 

Home
Home