Editorial



Par MELHEM KARAM 

D’OSLO À CAMP DAVID II LE VIDE S’AMPLIFIE

Tout ou rien. C’est, dit-on, la théorie d’Adrian. Pour la clarifier, on avança ceci: Si nous avons besoin de cinq matelots pour faire démarrer un navire, un seul matelot peut-il le faire démarrer du un cinquième?
Tout ou rien, car l’ajournement ne règle rien et n’ouvre pas la voie à une solution. D’Ottawa en 1993, à la manifestation sur la pelouse de la Maison-Blanche le 3 septembre 1993, à la poignée de mains entre Arafat et Rabin... Et la solution est reportée d’un round à l’autre... on évoque les histoires précédentes et les problèmes restent sans solution.
Sept rounds d’Oslo à Camp David 2000 et absolument rien. Le président américain disant que le rapprochement entre Arafat et Barak était acquis, sauf sur le terme “souveraineté”. Mais toute l’histoire est là, le mot “souveraineté” pouvant seul trancher la question de Jérusalem. Si le problème de Jérusalem n’est pas réglé, il n’y a pas de solution, ni de sens à n’importe quelle solution.
Jérusalem, la question à résoudre, s’insère dans la résolution 242 adoptée après la guerre de 5 juin 1967. Jérusalem, la Cisjordanie et Caza, tel est l’”Etat palestinien” ayant Jérusalem Est comme capitale. Ainsi, dans l’absolu, sans réserve, ni frontières. La première des deux pôles avant La Mecque et la troisième des saintes mosquées aussi, après la Médine, siège de la mosquée Al-Aksa, celle d’Omar; l’église de la Résurrection et le Mur des Lamentations. Comme le juif ne peut s’imaginer le Mur des Lamentations sous la souveraineté palestinienne, de même le musulman ne peut voir la mosquée Al-Aksa sous la souveraineté juive. Le chrétien ne peut que se voir souverain en l’église de la Résurrection où il se recueille, s’agenouille et prie. Telle est l’histoire, plus grande encore qu’une décision de rabbins. Car en face de la décision des rabbins, il y a la décision des patriarches et celle du mufti musulman de Jérusalem. Où depuis longtemps des remous ont opposé Ahmed au Christ, pour reprendre les termes d’Abou-Al-Alaa Al-Maarri, ainsi que d’autres paroles ayant précédé le pari de Pascal. Jérusalem-est, capitale de Palestine, l’Etat, devant être proclamé le 13 septembre, avec ou sans accord, à l’instar de Ehud Barak, le jour où il s’est retiré du Liban-Sud avant le 7 juillet, avec ou sans accord avec la Syrie. Ou il ne sera pas proclamé l’histoire des dates butoirs étant ce qu’elle est dans le lexique israélien. Déjà, le 4 mai 1999, contrairement à l’accord d’Oslo, la proclamation était ajournée pour satisfaire les amis, le président Clinton en tête. Alors, Jérusalem-Est et l’entière souveraineté palestinienne sur la Ville sainte, sinon quelle serait la solution, s’agirait-il “d’autonomie” ou de “contrôle”? Beaucoup de propositions... pour un “don” de Barak, pour un satisfecit d’Arafat. Hanane Achraoui, pondérée et prévoyante a tenu des propos clairs et logiques. “Si Jérusalem-ouest devait être la capitale d’Israël, Jérusalem-Est serait la capitale de la Palestine”. Il n’est pas permis que les Israéliens disent ce que disaient les Soviets au temps de la guerre froide en s’adressant à l’Amérique: “Ce qui est pour nous est à nous. Et ce qui est à vous est à vous et à nous-mêmes. Les Israéliens sages, non les néo-sionistes qui ont peur de la paix, ayant confiance en leur supériorité guerrière, rejettent le mythe d’une Jérusalem unifiée, capitale éternelle et reconnaissent tout aussi bien qu’Israël n’a pas intérêt à rester dans les quartiers arabes de la Ville sainte.
D’Oslo I à Camp David, en passant par l’accord du Caire de 1994, et depuis lors, les négociations ont été marquées par l’amertume, la réserve, les arrière-pensées et le manque de confiance, à cause des promesses illusoires, jusqu’à l’accord de 1990 au Caire, appelé “Oslo 2”, traçant la carte barriolée à la “peau du tigre”, à cause des colons devenus nombreux en Cisjordanie, contrairement à toutes les règles et à tout conseil rationnel, de quelque côté qu’il émane... A l’accord de Hébron en 1997 reportant les retraits décidés à Oslo 2 et à l’accord de Wye River en 1998 dont les négociations étaient chargées de plaintes et de contre-plaintes, Israël critiquant la lacune relevée dans la charte palestinienne révisée et les Palestiniens dénonçant l’action visant à l’implantation. Puis, Charm el-Cheikh en 1999, dont les négociations prévoient un port palestinien après l’inauguration de l’aéroport de Gaza. Enfin, “Camp David” après que Yasser Arafat eut entendu que l’Etat palestinien sera proclamé le 13 septembre 2000.
De Oslo I à Camp David, lequel des sept accords, Israël a-t-il exécuté? Aucun. Sauf certains détails qu’il considère comme d’importantes concessions.
Telle est la réalité. Israël revendique et prend, à l’instar du Tigre qui coule dans un seul sens, alors que le Nil coule dans les deux sens.
Les négociations se sont “arrêtées” mais ne sont pas terminées? Et qu’il en soit ainsi, sans la présence américaine, la présence corporelle, naturellement. Que peuvent signifier ces paroles et ou mèneraient-elles? Aboutieraient-elles à la réalisation de “l’arrangement créateur”, selon les propos du président américain qui recherche une place dans l’Histoire, à travers cet Orient malchanceux? Et libèreraient-elles à Camp David III, si ce dernier devait se tenir, les deux négociateurs de faire face aux mêmes problèmes délicats: le Passé, l’Identité, la Foi? Les libèreraient-elles et, avec eux, le président américain et la conscience mondiale, de la confrontation avec la même Histoire, la même Géographie, les mêmes objectifs et options difficiles? Saëb Erakat et Shlomo Ben Ami peuvent-ils dépasser ces difficultés que seuls les braves peuvent franchir en assumant la responsabilité face à tout le monde... colons, extrémistes, éléments de droite et néo-sionistes?
Ces paroles s’adressent aux Israéliens, parce que eux sont les plus forts et les détenteurs du jeu. Et parce que eux, non les Palestiniens, peuvent payer le prix de la paix, après que les Palestiniens eurent payé, au point qu’il ne leur reste de quoi à payer.
La paix des braves ne se fait pas par les paroles sur la bravoure... encore moins par les dires d’une Jérusalem, capitale d’Israël dont l’administration palestinienne gèrerait certains de ses quartiers avec un peu d’autonomie, car ceux qui, aujourd’hui, vivent à l’ombre de l’autonomie, sur quoi et sur qui prétendent-ils gouverner? Non! La paix des braves ne se fait pas à travers un dialogue entre Yossi Beilin, artisan d’Oslo et Abou-Mazen, si rationnel soit-il, ce dialogue!... 
Puis, la paix des braves ne se fait pas par le refus du retour des “réfugiés” ayant fui les massacres de 1948 et 1967. Parce qu’Israël considère les premiers comme de véritables victimes, mais sur le plan de l’humain, ne méritant qu’un retour au compte-gouttes et... des dédommagements. Pourtant, Israël doit regarder ces problèmes sous l’angle politique, en assumer sur ce plan-même toute la responsabilité... Et la paix des braves, au surplus, ne se fait pas par l’annexion d’une partie de Cisjordanie pour éterniser la colonisation, ni par le contrôle des frontières orientales de l’Etat palestinien avec la Jordanie et de ses frontières méridionales avec l’Egypte, sous prétexte d’assurer la sécurité.
Ce n’est absolument pas cela la paix des braves. C’est une manière de manquer les occasions. Comme le fait pour Ehud Barak de blâmer Shimon Pérès, le perdant permanent de toute élection, d’avoir perdu l’occasion de faire accélérer les élections en 1996, après l’assassinat de Yitzhak Rabin le 5 novembre 1995. Et s’il l’avait fait, Benjamin Netanyahu n’aurait pas réussi, le sang de Rabin n’ayant pas encore séché. Ainsi, Barak le blâmeur devient, aujourd’hui, blâmé, pour avoir raté l’occasion de Camp David et, de ce fait, pourrait favoriser le retour de la violence ou le retour de la droite israélienne au Pouvoir, en la personne de Netanyahu peut-être. Car Ariel Sharon, dans sa vieillesse, n’ambitionne plus ce contre quoi son épouse mettait en garde ses adversaires. C’est-à-dire d’agir en vue de l’évincer du ministère de la Défense... alors qu’il pourrait les surprendre en devenant, un jour, chef du gouvernement.
Le fait de manquer les occasions et la paix des braves ne cohabitent pas. En 1994, le 25 juillet 1994, Baruch Goldstein tue trente personnes priant dans la mosquée. Les Israéliens modérés et pacifistes manifestent, réclamant l’éloignement des colons extrémistes de Cisjordanie. Rabin hésite, les responsables de la sécurité lui ayant conseillé d’agir dans le sens réclamé par les manifestants. Une fois de plus, Rabin a hésité... comme il a hésité à évacuer les colons peu nombreux de Hébron où la situation reste aléatoire.
Manquer les occasions ne réalise pas la paix des braves, ni se détourner des vérités pouvant la favoriser. Les vérités de l’Histoire, de la géographie et les véritables aspirations des gens. Et, naturellement pas, le fait de faire ses valises, en menaçant de quitter le club de la négociation. Le maréchal Foch faisait quelque chose de cela, avons-nous écrit une fois. Il feignait de se mettre en colère au cours des négociations... au point qu’il jetait son “képi” par terre et l’écrasait de son pied. La veille, il avait dit à son aide-de-camp: Passez-moi mon ancien “képi”. Et le Calife Moawia, auparavant, faisait semblant de s’emporter ou manifestait de la souplesse. Hassane Ben Tabet Al-Ansari, poète du Prophète, célébrait sa fille “Ramla”. Appelé par Moawia qui lui a demandé la raison de son comportement, Hassane a eu peur et a répondu: Parce que je n’ai pas rencontré une hégérie à mes poèmes, supérieure à la fille du Calife. Et Moawia de reprendre: Et où en êtes-vous avec sa sœur “Hind”?... Afin qu’il ne soit pas dit qu’une relation a été établie entre Hassane et Ramla... Et que Hassane chantait la Beauté, là où elle se trouve...
Après Camp David II, une peur sévit... La conciliation impossible devient-elle possible entre le fait de rater les occasions et la paix des braves? 

Photo Melhem Karam

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