![]() Une des victimes. |
![]() Le criminel Mohamed Adam Omar Ishak. |
Cette affaire pourrait certainement s’étendre pour atteindre
des personnes supposées au-dessus de tout soupçon, médecins
et responsables universitaires ou trafiquants d’organes, ou encore impliquées
dans des réseaux de corruption et de prostitution. Toujours est-il
que le président yéménite a affirmé qu’il châtiera
toute personne impliquée dans ces crimes abjects, quelle que soit
sa position.
La série noire aurait commencé le 13 janvier dernier
avec la disparition de Zeinab Séoud Aziz, étudiante en médecine,
irakienne de 22 ans, qui avait dit, ce jour-là, à sa mère
qu’elle se rendrait à la morgue de la faculté pour y emprunter
un crâne en plastique; elle n’en revint jamais.
Notons que la jeune fille était en mauvais termes avec le technicien
de la morgue, le meurtrier soudanais en question, à qui elle aurait
proposé une somme d’argent, afin qu’il l’aide à changer de
spécialisation et à passer de la médecine générale
à la médecine dentaire. Dès qu’elle a constaté
la disparition de Zeinab, la mère de la jeune fille, Karimé
Moutallak, s’est empressée de la rechercher dans tous les hôpitaux
de Sanaa’ et a averti la police, accusant Mohamed Adam de l’avoir enlevée...
Mais il réussit à échapper à l’accusation et
fut relâché trois semaines plus tard, faute de preuves. L’affaire
changea de qualification pour devenir une “affaire de mœurs”, vu notamment
les pressions sociales et familiales, courantes au Yémen, exercées
sur les jeunes filles en fait de mariage et qui les portent souvent à
s’évader et à disparaître. Chose que les parents taisent,
en général, de crainte de l’opprobre. Mais, cette fois, Karimé
ne craignit rien et informa les autorités... Elle insista même
auprès de toutes les personnes influentes et réussit à
faire arrêter Adam une deuxième fois, en mai dernier, alors
qu’il s’apprêtait à quitter le territoire yéménite.
L’enquête révéla et du propre aveu de Mohamed, qu’il
avait non seulement tué Zeinab, mais quinze autres étudiantes,
à la morgue même de la faculté, entre 1995 et janvier
2000. Cette révélation a provoqué une profonde consternation;
puis, une révolte et des manifestations populaires de protestation
réclamant l’arrestation des personnes impliquées, étant
clair que ces crimes n’ont pu être commis par un seul homme et tus
pendant des années dans un milieu universitaire aussi étroit.
D’où les accusations portées contre les responsables de la
faculté et les services de sécurité de l’université...
Malgré ses aveux, Adam se contredit souvent au cours de l’enquête,
concernant tant les victimes que les personnes l’ayant couvert ou soutenu
et les mobiles de ses actes horrifiants, alléguant parfois les viols
et la dissolution des corps avec des produits chimiques. Puis, reniant
ses aveux... bien que les rapports des médecins légistes
démontrent la découverte de nombreux restes de cadavres humains
dans l’enceinte de la morgue, autres que ceux destinés à
l’apprentissage des étudiants. L’enquête révèle
qu’effectivement, derrière Mohamed Adam se cache une partie encore
inconnue et que l’affaire est liée aussi à la corruption,
au vice, voire à la prostitution. Le criminel soudanais aurait subi
la pression de cette partie occulte qui semble pratiquer le trafic d’organes
et aurait seulement fait disparaître les corps - sauf deux femmes
qu’il aurait lui-même tuées dont Zeinab - sur lesquels des
médecins irakiens et yéménites prélevaient
les organes désirés, provoquant le décès.
DEUX MÉDECINS IMPLIQUÉS?
Le meurtrier raconte que deux médecins exerçant dans
des hôpitaux privés avaient coutume d’attirer des femmes dans
la morgue où ils leur fixaient rendez-vous. Mohamed les y attendait
et leur servait du thé additionné d’anesthésique.
Une fois les victimes endormies, Adam avertissait les médecins
concernés qui pratiquaient alors une chirurgie et prélevaient
les deux reins, sachant qu’ils possédaient tous les instruments
nécessaires à cela et même des conservateurs spéciaux
pour organes. C’est, alors, qu’intervenait le Soudanais pour faire disparaître
les corps. Mais ce ne serait pas d’après lui le cas de Zeinab qui
aurait gardé tous ses organes.
D’autres rapports établis par les médecins légistes
ont, par ailleurs, prouvé que des organes internes du “système
reproductif”, prélevés sur des cadavres, l’ont été
d’une manière médicale très précise. Le mystère
reste, cependant entier jusqu’à nouvel ordre, en attendant le verdict
de la Justice et l’arrestation des personnes impliquées que le président
Ali Abdallah Saleh promet “de punir sévèrement quelles qu’elles
soient”.
En attendant, la liste des horreurs est longue et Mohamed Adam continue
à dénombrer ses victimes, toutes des femmes: 12 au Soudan,
3 à Addis Abeba, 3 à Asmara, avant l’indépendance
de l’Erythrée, 4 au Tchad, dont la fille d’un responsable du gouvernement,
une au Koweit... crimes perpétrés entre 1975 et 1990 avant
son arrivée au Yémen en 1993.