La
bataille électorale en cours est marquée par l’échange
d’accusations et d’insultes, autant que par le doute entretenu autour des
libertés publiques et du droit à la différence d’opinion.
Il apparaît clairement que nos hommes politiques se soucient de préserver
les libertés, quand ils sont en dehors du Sérail et changent
de ton et de stratégie quand ils s’y trouvent.
Pour n’avoir pas fait ratifier, par l’Assemblée nationale, son
projet de loi fixant le plafond des dépenses des candidats à
la députation et déterminant le temps d’antenne pour la matière
électorale diffusée par les médias audiovisuels, le
gouvernement dénonce, à présent, “l’usage abusif de
l’argent à des fins politiques”.
Le président du Conseil élève la voix pour parler
de la “montagne d’argent” à laquelle il est confronté, tout
en se disant assuré de pouvoir la surmonter par ses prises de position
faites d’objectivité et de transparence.
Le ministre de l’Information a dû présider, lundi, une
réunion des responsables des stations radiophoniques et de télévision,
à l’effet “de réglementer la propagande électorale”...
les candidats ayant fini d’échanger leurs accusations et insultes.
A vrai dire, il s’y est pris trop tard et il lui est difficile, à
présent, d’établir une distinction rigoureuse entre “l’information”
et la “publicité” électorales.
Le Conseil des ministres a été saisi d’une série
de propositions du Conseil national de l’audio-visuel concernant l’organisation
de ce secteur. Ces dernières avaient été discutées,
précédem-ment, par les représentants de l’audiovisuel,
lesquels ont émis des réserves quant à la possibilité
pour eux de s’y conformer, pour la simple raison que de nombreux candidats
aux législatives font partie de leurs conseils d’administration.
Il faut dire que le précédent Cabinet (haririen) avait
si bien fait les choses - en répartissant les licences de l’audiovisuel
entre les pôles du Pouvoir de l’époque - qu’il est pratiquement
impossible à ses adversaires politiques de mener leur campagne électorale...
sauf à travers la station publique (Télé-Liban). Toutes
les autres vantent à longueur de journée et de soirée
les qualités des “Haririens” et de leurs alliés...
De cette manière, M. Hariri croit pouvoir revenir à la
Chambre, soutenu par un bloc compact qui lui permettrait de réintégrer
le Grand Sérail!
L’ancien Premier ministre qui avait multiplié les dispositions
destinées à accaparer les médias, tant l’information
écrite qu’audiovisuelle, a le toupet de soutenir, comme il l’a fait
lundi à l’université américaine de Beyrouth: “Toutes
les parties doivent pouvoir s’exprimer sans crainte, en toute franchise
et liberté... Il faut qu’on puisse avoir un dialogue civilisé
et qu’on s’écoute mutuellement.”
Mais ce discours dont le ton diffère de celui qu’il tenait au
temps où il était au Pouvoir, par lequel il prône “la
défense des libertés et le droit à la différence
d’opinion”, a suscité des remous parmi les étudiants qui
ont exprimé leur hostilité à sa personne et à
son bilan politique.
D’autres de leurs camarades ont réagi, provoquant une échauffourée
qui a nécessité l’intervention des forces de l’ordre et fait
plusieurs blessés, dont un photographe de presse qui a été
hospitalisé.
Ainsi, nos hommes politiques prennent la défense des libertés
publiques et du droit à la différence d’opinion, selon qu’ils
se trouvent au Sérail ou en dehors du Pouvoir.
Tout ce branle-bas de combat donne un avant-goût d’une bataille
non moins féroce qui s’ouvrira dès la fin des législatives
et aura pour enjeu la troisième présidence, M. Hariri faisant
feu de tout bois pour réintégrer la présidence du
Conseil et ses adversaires n’épargnant aucun moyen pour empêcher
son retour... |