CAMPAGNE ÉLECTORALE OU BATAILLE DE CHIFFONNIERS? | ||
A
la place de Hariri, j’aurais décroché calicots, portraits
grandeur nature, panneaux panoramiques, fermé mes bureaux électoraux,
rangé mon portefeuille et ma mallette à billets verts dans
l’un ou l’autre de mes coffres-forts, fait taire mon armée de “Futures”
et me serais précipité toutes affaires cessantes, aux pieds
des médias officiels pour les supplier, à deux genoux, de
continuer à m’insulter, à me diffamer et à me couvrir
d’injures.
Ceux qui seraient tentés de n’y voir là que du masochisme, seraient de mauvais coucheurs, le masochisme étant réservé aux seuls électeurs qui auront, bon gré mal gré, à “élire” un ramassis d’individus auxquels rien ne les rattache et qui leur en feront baver, une fois installés, à leurs propres frais, place de l’Etoile. En fait, il s’agirait plutôt d’opportunisme et en politique, l’opportunisme est un art, l’art de saisir au vol une occasion en or pour tourner à son avantage le crétinisme intégral de l’adversaire et de pénaliser, ainsi, son insondable bêtise. Voudrait-on plébisciter Hariri et le ramener au parlement avec un bataillon de députés à sa dévotion qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Mais comment demander à des fantômes d’utiliser leurs têtes, alors que par définition, ils n’en ont pas? Bref, Hariri a actuellement le vent en poupe. Il ne lui manque qu’une nouvelle volée d’insultes et une ou deux émissions aussi géniales que celles déjà diffusées pour battre tous les records de popularité. Quelqu’un qui n’aime, pourtant, pas l’ex-Premier ministre m’a dit: “ - Tant mieux, ça leur fera les pieds aux fantômes”. Et brusquement, je me suis mise à me demander si, bravant toutes les notions acquises et les idées reçues, un fantôme n’aurait pas de pieds, surtout quand on constate qu’il marche sans se gêner sur ceux du reste de la population. Ça, c’est le côté jardin. Qu’en est-il du côté cour? Un gouvernement dont on a perdu le mode d’emploi et qui tourne sur lui-même dans l’espoir d’attraper son ombre, vu que le domaine des ombres est l’une - et peut–être la seule - de ses spécialités, à part un certain degré d’inconscience qui nous laisse pantois. Ne vient-il pas d’annoncer, à quelques jours du scrutin, qu’il se propose d’imposer à l’Audiovisuel une réglementation destinée à lui rogner les griffes? Vouloir mettre de l’ordre dans l’anarchie qui règne dans ce secteur et élever du même coup le discours politique pour le sortir de la boue où il patauge, est une œuvre méritoire. Mais pourquoi s’y prendre si tard? Et, surtout, pourquoi ne pas donner l’exemple? Nos dirigeants oublient-ils ou font-ils semblant d’oublier que les médias officiels dont ils sont responsables et qui sont à leurs ordres, se livrent - pour leur compte - à une vendetta - qui feraient pâlir de jalousie les officines à scandales - contre quiconque hésiterait à les proclamer la huitième merveille du monde, une sorte de réédition des Jardins suspendus de Babylone? “Ce sont eux qui ont commencé”, a expliqué l’Informateur en chef de la république qui, décidément, n’en rate pas une. Possible. Mais les autres médias sont privés. Ils sont la propriété de leurs actionnaires qui paient et, le cas échéant, trinquent. Tel n’est pas le cas des médias officiels. Ceux-ci appartiennent à tous les Libanais. Ils fonctionnent et sont payés grâce à nos impôts. Leurs patrons, c’est nous. Et personne n’a le droit de les utiliser pour son bénéfice personnel, pour améliorer son image de marque ou pour vendre sa propre marchandise. C’est non seulement un abus de pouvoir, mais une sorte de détournement de fonds publics qui tombe sous le coup de la loi. Ces médias-là doivent observer une stricte neutralité et non se faire les instruments du Premier ministre, des membres du gouvernement, des candidats du pouvoir, des ascendants, descendants et collatéraux, sans oublier les copains et les sous-fifres des fantômes. Ici, une précision s’impose: ces médias ne sont pas officiels mais publics. Enfin, que l’on cesse de soumettre les électeurs de ce pays au régime du bâton et de la carotte, dans le but d’envoyer au parlement une majorité d’aveugles-sourds-muets qui, sous l’instigation d’une poignée de marchands du temple, ne se feront pas faute de voter à mains levées tout et n’importe quoi, quitte à suivre l’exemple de Faust et à vendre notre âme au diable. A noter qu’en ce qui concerne la leur, c’est déjà fait. |
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