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"L’incident
ayant opposé, la semaine dernière à Amchit, les partisans
de deux candidats aux législatives, prouve l’immixtion du Pouvoir
dans l’opération électorale. Car une altercation entre des
jeunes gens ne peut compromettre la sécurité au point de
nécessiter l’intervention des forces armées. Ni l’investissement
du bureau d’un membre de l’Assemblée nationale jouissant de l’immunité
parlementaire”, déclare M. Farès Bouez, député
du Kesrouan, candidat aux élections générales dans
la circonscription de Kesrouan-Jbeil.
“On dirait, ajoute-t-il, que les autorités n’ont pas connaissance de la réaction qu’avait suscitée le scrutin de 1968, en faveur du “Helf” (l’alliance tripartite Chamoun-Gemayel-Eddé), suite aux agissements du deuxième bureau à l’époque. Ignorent-elles les conséquences de l’immixtion du Pouvoir et, surtout, de l’Armée dans le scrutin? |
L’objectif est connu: obtenir une législature pareille au Cabinet
actuel. Ils veulent assurer l’accession au parlement d’éléments
n’ayant ni personnalité, ni couleur politique, ni représentativité.
Ainsi, ils comptent éliminer les députés dignes de
ce nom, aptes à assumer leur rôle et pour y parvenir, les
listes des candidats à la députation sont “préfabriquées”.
“Demandez à M. Carlos Eddé, leader du Bloc national,
ce qui a été exigé de lui au moment où il avait
engagé des pourparlers avec M. Georges Frem en vue du choix de leurs
colistiers. Le “Amid” a refusé de signer un document par lequel
il se serait engagé à proclamer son loyalisme absolu au Pouvoir.
Posez la même question à Me Camille Ziadé, il vous
dira ce qui a été exigé de lui pour pouvoir faire
partie de la liste”.
UN LIBAN DIFFÉRENT DU PASSÉ
Invité à porter un jugement sur les législatives
après le retrait israélien, M. Bouez prédit des développements
très importants au double plan local et régional. “Le Liban,
dit-il, sera différent de ce qu’il était dans le passé,
en ce sens qu’il sera appelé à faire face à maints
défis, la paix, si elle est instaurée, devant imposer une
conjoncture autrement plus délicate, étant donné le
climat concurrentiel qui s’établira dans le cadre de la mondialisation
et de la technologie de pointe.
Ceci pourrait exiger une modification de notre système fiscal,
les pays industrialisés s’employant à unifier leur fiscalité,
à l’effet d’attirer les capitaux étrangers. Il serait même
question de supprimer le secret bancaire, afin de mettre un terme au blanchiment
de l’argent, le Liban figurant parmi les pays réfractaires à
cette tendance.
Cela pourrait entraîner des sanctions au double plan de l’aide,
du système bancaire et économique. D’où la nécessité
de disposer d’un parlement capable de faire face à de telles responsabilités.
C’est pourquoi, les citoyens doivent donner la preuve d’une lucidité
politique, aux fins d’amener à la Chambre des députés
ayant qualité pour assumer leur mission, ceux-ci devant légiférer,
contrôler l’Exécutif et lui réclamer des comptes sur
sa gestion de la chose publique.
Le citoyen libanais est-il conscient de la situation au point de
voter dans le sens que vous préconisez?
Je l’espère, à condition que l’Autorité cesse
de s’immiscer dans l’opération électorale afin de barrer
la voie de la Chambre à des personnalités dont le discours
politique logique et clair, a son impact sur l’opinion publique.
Les gens ont la nette impression que le Pouvoir se préoccupe,
surtout, d’évincer certains symboles, spécialement ceux de
confession maronite, afin d’obtenir une législature la plus docile
possible. Cela se produirait aux dépens des échéances
que je viens de mentionner et ce serait un crime impardonnable contre la
patrie.
Puis, les législatives se déroulent, cette fois, alors
que le pays pâtit d’une crise socio-économique étouffante,
au point de permettre à la “puissance de l’argent” d’exercer un
effet néfaste et de fausser les résultats du scrutin.
Quelles sont les chances de succès de la liste que vous avez
formée à Jbeil-Kesrouan?
Mes colistiers sont MM. Farid Haykal el-Khazen, le Dr Chaker Salamé,
le Dr Youssef Khalil, Mme Gilberte Zouein (Kesrouan); François Bassil,
Emile Naufal et Abbas Hachem (Jbeil). Nos chances de remporter la bataille
électorale sont grandes.
RAPPORTS EXCELLENTS AVEC LE B.N.
Comment expliquez-vous la décision de M. Carlos Eddé
de ne pas poser sa candidature et quelle est la nature de vos rapports
avec le Bloc national?
Nous entretenons avec ce parti d’excellents rapports. En ce qui concerne
les législatives, le Bloc national apportera son appui aux fractions
avec lesquelles il entretient des relations au triple plan politique, moral
et personnel.
Malheureusement, les Autorités s’emploient à établir
des listes dans le but d’assurer l’élection d’éléments
connus pour leur docilité, contrairement à certains “symboles”
qu’elles considèrent comme gênants, en ce sens qu’ils entravent
l’aboutissement de leurs efforts visant à instaurer une politique
déterminée.
En dépit des assurances de l’Etat quant à la régularité
du scrutin, je crois que l’action sur le terrain diffère totalement
de ce qu’on nous débite, preuve en est la liste concurrente à
la nôtre dont les membres sont étrangers, voire hostiles,
au changement à tous les plans.
Qu’en est-il de votre engagement à promouvoir un tel changement?
Je l’ai mis en pratique, mes colistiers étant de nouveaux visages
connus pour leur culture et leur honorabilité.
POUR UNE VIE POLITIQUE SAINE
Dans une précédente interview, vous avez fait part
de votre intention de fonder un parti politique après les législatives;
l’idée fait-elle son chemin?
J’ai foi en ce que le Liban a un pressant besoin d’une vie politique
saine et de partis dignes de ce nom. Sans cela, la démocratie ne
peut survivre chez nous.
Après les élections, je me consacrerai à concrétiser
ce projet qui me tient à cœur.
Comment analysez-vous le retour du président Amine Gemayel
et en a-t-il payé le prix sous quelque forme que ce soit?
J’ai été parmi ceux qui réclamaient le retour
de l’ancien chef de l’Etat. Quant à vous dire s’il a payé
un prix, je ne peux me prononcer sur ce point, pour la simple raison que
j’ignore les conditions conformément auxquelles il a pu réintégrer
le pays.
Qu’attendez-vous des législatives de l’an 2000?
Ce qu’en attend tout citoyen libanais jaloux de l’indépendance
de son pays et soucieux de son avenir. Kesrouan-Jbeil est une circonscription
qui se caractérise par son niveau culturel élevé.
C’est pourquoi, je m’attends à ce que les électeurs donnent
le bon exemple, en accordant leurs suffrages aux éléments
les plus représentatifs dont le Liban a le plus grand besoin dans
les circonstances présentes.
Si ces électeurs faillissent à leur devoir dans ce domaine,
je doute qu’ils puissent avoir une position à la dimension de leur
potentiel culturel et de leur représentativité.