Editorial



Par MELHEM KARAM 

LES COMPORTEMENTS UNILATÉRAUX... PERMIS OU PAS?

Ceux qui refusent de se rendre aux urnes sont libres d’exprimer leur opinion et de prendre position. Cependant, n’aurait-il pas été préférable pour eux, de ne pas rejeter la capacité d’agir? Ne craignent-ils pas, s’ils refusent de cette manière, qu’ils soient dit qu’ils n’influent pas sur les résultats des élections... s’ils participent au scrutin ou s’abstiennent d’y prendre part?
Le boycottage aurait été quelque chose d’important, s’il était le fruit d’un accord entre les mécontents et aurait été, alors, une victoire pour ce qu’on pourrait appeler le positivisme du négativisme. Car les gens... pays donateurs et centres de contrôle et, surtout, les instances de la décision, auraient entendu que la démocratie fait face à une épreuve et que le Liban préfère ne pas voter dans ce climat. Ces paroles sont à la bourse en vue de la préparation à affronter une double échéance fin août et début septembre, cette semaine et la semaine prochaine.
En démocratie, il n’y a pas de place au symbolisme, à la position symbolique, car c’est une lutte entre le “non” et le “oui”, pareille à celle, en manichéisme, qui oppose le bien au mal. C’est pourquoi, ceux qui disent “non”, doivent informer les gens de la dimension de leur refus. D’autant qu’il en est parmi eux qui ont pris une décision unilatérale... pour ne pas dire qu’ils se sont rebellés. Leur “Non” a été un “oui”, à l’instar d’un vers du poème d’Al-Farazdak en hommage à Zein El-Abidine. La menace des “dissidents” reste un fait aléatoire car les exclus sont, en définitive, plus nombreux que les “excluants”.
C’est une question de dimension avant d’être une histoire de refus, à l’instar de celle des imams pondérés, se posant en toute modestie face au grand savoir. Ils expliquent... puis, expliquent pour finir par s’exclamer: “Je l’ignore car Dieu est omniscient”. Ceci est devenu la secte de ceux qui, faussement, imitent les imams. Leur “je ne sais pas” précède tout savoir et se passe de toute explication.
Malgré cela, les boycotteurs sont libres de leur comportement, responsables de leur décision. Cependant, il faut toujours souligner que la régression de leur nombre de 1992 à ce jour, nécessite une reconsidération du style. Peut-être que les boycotteurs découvriraient un moyen plus efficace de secouer la scène électorale avec ceux qui y gravitent, candidats et électeurs.
Cela se manifeste-t-il partout? Non, naturellement. Et nous n’irons pas en Israël. L’élection de Moshé Katzav ne signifie rien, sauf pour le parti travailliste qui va d’une perte à une autre. Par dépit pour Ehud Barak, Katzav est devenu chef de l’Etat, parce que le chef de l’Exécutif israélien a accordé plus de concessions que les juifs ne puissent supporter. Telle est la question. Par rapport à la justice, à l’équité et à la vision historique, Barak n’a rien donné d’acceptable. Pourtant, au regard des juifs, il a renoncé à “l’Etat”, à la “capitale éternelle” et à la “terre promise”.
Moshé Katzav, somme toute et Shimon Pérès, allié de la malchance électorale, sont pareils. Le “Likoud” et le parti travailliste sont “Kif kif”, selon l’expression tunisienne courante. Yitzhak Rabin a essayé, dit-on, de se libérer du fanatisme juif et son sang fut le prix de son ouverture... bien que personne ne sache encore, jusqu’à quel degré Rabin avait effleuré l’approche des grands horizons. Rabin est parti, mais le fanatisme juif est resté. Le rabin Hovadia Yossef, dont les paroles sont acceptées par beaucoup de juifs, est une face de ce fanatisme, surtout, en parlant des Arabes... Comme s’il est permis au sémitisme de s’en prendre aux autres à sa guise sans être taxé de racisme. Pour qu’au cas où d’autres parlent d’Israël, de son agression et de son supériorité militaire, ils soient classés parmi les antisémites. Il est permis au sémitisme de voir d’un seul œil, interdisant un fait et commettant un autre similaire plus grave, de la manière dont a agi le président américain, selon les dires européens, au moment où il a fait part de sa détermination à transférer l’ambassade US à Jérusalem. Bien que, lui-même, ait demandé à Arafat et à Barak de s’abstenir de comportements unilatéraux, durant la période séparant Camp David II et des futures négociations?!? Parce que de tels comportements portent préjudice à la paix.
Mais les Européens, désireux de concurrencer le “nouveau-monde” ont tenu un autre langage à Arafat. Les paroles de la diplomatie et de l’assouplissement, en lui conseillant de ne pas hausser le ton et la position face au président américain. Et Abou-Ammar sait cela. Il sait, aussi, que l’opinion est dans l’expectative de la proclamation de “l’Etat”, porté du 4 mai 1999 au 13 septembre 2000. Qu’importe, il restera dans l’Histoire une journée pareille au 14 mai 1948, date à laquelle David Ben Gourion a proclamé l’Etat hébreu face au monde qui s’est empressé de le reconnaître, à commencer par les deux “grands”, l’Amérique et l’Union soviétique qui ont constitué, selon la vision d’Alexis de Tocqueville, les deux pôles universels depuis la seconde moitié du XXème siècle.
Abou-Ammar, bien entendu, connaît tout cela. Il sait que les Palestiniens de la diaspora ne doivent pas devenir une affaire classée, une cause morte, en ce sens qu’ils seraient intégrés par les pays hôtes. C’est une question palestinienne fondamentale, à la dimension de Jérusalem même. L’important n’est pas d’appeler “Jérusalem”, la capitale d’Israël et “Al Qods”, la capitale de la Palestine. L’important est de savoir de quelle Jérusalem il s’agit. Celle de l’administration ou la Jérusalem de la souveraineté? La Jérusalem de l’Etat? Tous les Arabes... tous... sont dans cette ligne et nul ne sait quel gouvernant arabe peut accepter moins que cela! Et tous les Arabes savent, également, qu’aucun gouvernant israélien n’a suffisamment de courage pour affronter la vérité et le droit.
Quel gouvernant israélien serait-il prêt à être courageux au point de l’acceptation juste, aspirant à occuper une place dans l’Histoire, sans que cela ne soit aux dépens de la justice et sans causer quelque préjudice aux autres? Même, le président américain, le tsar à Washington, ne peut pas le faire. C’est pourquoi, il demande à Yasser Arafat de se montrer compréhensif, comme si l’homme ne l’avait pas suffisamment été depuis 1974. Il a compris à tel point que les siens étaient au désespoir s’il ne s’était pas sauvé de la “compréhension” à Camp David.
Quelle Jérusalem? Et quelle Qods? Ni l’Israélien n’est capable de répondre, ni même l’Américain. Comme si dans les paroles de la rue palestinienne... et de la rue arabe... certains propos s’avèrent s’ancrer dans l’absolu. Quelle différence entre le Likoud et le parti du Travail, du moment que le lobby sioniste est plus fort qu’Israël... et que l’Amérique? De là, on se demande ce que la candidature de Joseph Lieberman à la vice-présidence aux côtés d’Al-Gore, peut changer? Rien du tout. La politique américaine est la même. Avec les démocrates et les républicains... Certes, dans cette candidature, on relève un indice montrant que le lobby juif en Amérique est devenu une force déjà capable d’indiquer le chemin de la Maison-Blanche. Et cela seul marque l’éclipse arabe du cercle d’influence.
Al-Gore a besoin de Lieberman et vice-versa. Comme l’Eglise orthodoxe en Russie et la présidence de l’Etat russe. Le patriarche Alexis et Vladimir Poutine se complètent. L’Eglise orthodoxe, et l’Eglise chrétienne, d’ailleurs, sont capables d’affronter le communisme et de combler le vide occasionné par sa chute. Il en est ainsi de la religion... de toute religion face à l’athéisme. Et alors, il n’est pas étrange que la chute de la “Métropole” fut grande.
Cependant, la grande fête, l’Eglise orthodoxe en a conscience, a consisté en la canonisation des Romanov. La canonisation du tsar Nicolas II est un fait acceptable. Quant à son épouse allemande, Alexandra Fedorovna, parente du tsar allemand, qui œuvrait aux fins de consolider la politique de Berlin à Moscou, même aux dépens des intérêts de la Russie et du peuple russe, c’est une autre chose. La question de sa canonisation est, toujours, laissée à l’évaluation du chef de l’Eglise, le patriarche Alexis, partenaire du Pouvoir russie en ce temps... Qui a refusé aux Européens de discuter son appui à Poutine dans la crise de la Tchétchénie... leur disant, comme pour les réduire au silence, que celui qui règle la crise des Basques et la crise de la Corse, est seul capable de discuter de notre position envers les séparatistes de Grozny.
Où est la place de la démocratie dans tout cela? Dans les élections américaines, n’était la distinction de religion et de couleur pratiquée par le “Ku Klux Klan” cachant l’action par le masque? Pourtant, le masque pourrait cacher le coupable mais non l’action, ni les instigateurs. L’action reste apparente et l’origine est connue, même si ses éléments se couvrent de cagoules blanches ne laissant apparaître que les yeux coupables et sanguinaires.
En Israël, une démocratie de réaction, une démocratie de refus et de peur. Au Chili, c’est une démocratie qui se réveille contre celui qui l’a détruite, l’opinion, politique naturellement, restant divisée par rapport à Pinochet.
Au Liban, il n’y a pas de démocratie. Depuis la Moutassarrifiat jusqu’à ce jour. La mentalité du régime imposé par la Sublime Porte a persisté, même après avoir été abolie par Jamal pacha en 1916 et le général Gouraud par la loi de la nuit du 31 août-1er septembre.
Ni démocratie, ni critères. Toute chose repose sur l’infraction et est sujette à négociation, c’est-à-dire au compromis, aux petits intérêts et à l’argent, en dépit des efforts sincères déployés en vue de la répression par le Pouvoir et le gouvernement. Ceux qui blâment le parlement pour n’avoir pas fixé, par une loi, le plafond de la dépense électorale, savent que la loi n’abroge et n’institue rien. La loi sur l’enrichissement illicite n’a pas été appliquée. Cette loi a offert une occasion à certains éléments propres, probablement à eux seuls, de présenter une déclaration sur leur fortune. Comme si la loi avait été élaborée pour eux... Non à ceux qui bafouent toutes les lois. 

Photo Melhem Karam

Home
Home