PAS DE SOMMET LAHOUD-ASSAD
SPÉCULATIONS AUTOUR DU PROBLÈME GOUVERNEMENTAL

Le nouveau gouvernement et le sommet libano-syrien ont figuré en tête des sujets qui ont été débattus ces derniers jours dans les cercles politiques, ces derniers ayant lié les deux événements, bien qu’ils soient indépendants l’un de l’autre. D’aucuns tentent, semble-t-il, de mêler la Syrie aux tractations en cours, relatives au choix du nouveau Premier ministre et à la constitution du Cabinet, alors que Damas se tient, depuis le début des élections législatives, à égale distance de toutes les parties, preuve en est que les résultats du scrutin ont surpris les milieux damascènes.

En fait, les responsables syriens tiennent, depuis l’entrée en fonctions du Dr Bachar Assad à ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures du Liban, considéré comme un Etat allié. Aussi, doit-on s’attendre à voir représenter au sein de la nouvelle équipe ministérielle toutes les fractions ayant souscrit à l’accord de Taëf, seuls ceux qui s’y opposent devant en être exclus.
Sur ce plan, on peut s’attendre à des “grincements” en ce qui concerne la représentation de la communauté druze, M. Walid Joumblatt pouvant réclamer le droit de la représenter seul ou avec un autre ministre, si le Cabinet comprenait quatorze ou vingt-quatre membres. Quoi qu’il en soit, la répartition des forces au sein de l’Assemblée nationale, ne permet à aucun chef de file, d’aspirer à assumer la troisième présidence et de s’arroger le droit de nommer les ministres de son choix. En effet, MM. Rafic Hariri et Walid Joumblatt qui accèdent au parlement avec les blocs les plus compacts, comptent à eux deux quarante-deux députés. Il leur faut, en conséquence, s’allier à un troisième chef de file, tel le président Nabih Berri, du “Hezbollah” ou de M. Michel Murr.De toute manière, il reste du temps pour que les alliances parlementaires se nouent et il faut attendre début octobre pour pouvoir se faire une idée claire des diverses tendances au sein de la nouvelle législature. D’ores et déjà, une tendance se dessine en faveur d’un Cabinet élargi. Il ne faut pas perdre de vue le sommet libano-syrien qui pourrait avoir son impact sur le problème gouvernemental. La rencontre Lahoud-Assad n’aura pas lieu, cette semaine, mais un peu plus tard, sa date n’ayant pas encore été fixée. Elle aura lieu selon certains milieux, au palais de Baabda, le président syrien ayant l’intention d’entamer sa tournée arabe par une escale libanaise. Les deux hommes d’Etat se retrouveraient, dit-on, cette fois à Damas, au terme du périple du Dr Assad, alors que se seront décantés les résultats concernant le choix du nouveau Premier ministre. Certains pensent que le sommet bipartite se tiendrait à Damas après que le président Assad aura conféré avec des personnalités libanaises de différents bords; ensuite, au palais de Baabda. Mais rien n’est encore définitif à ce sujet. Cependant, des sources généralement informées, démentent l’intention prêtée aux présidents Lahoud et Assad de se retrouver à l’heure actuelle, “rien ne justifiant un sommet au moment où le Liban est accaparé par le problème gouvernementak”.Puis, aucun contentieux ne nécessite une telle rencontre, les deux présidents qui entretiennent les meilleures relations, pouvant se réunir lorsqu’ils le jugent opportun.
Pour en revenir à l’identité du nouveau chef du gouvernement, la situation reste très peu claire, aucun des “présidentiables” n’étant encore fixé quant à ses chances d’être chargé de former le futur Cabinet. Même M. Rafic Hariri juge son retour au Sérail aléatoire et sa coterie laisse entendre qu’il n’est plus très enthousiaste à assumer cette charge particulièrement lourde et complexe, partant de sa crainte de ne pouvoir trouver des solutions adéquates à tant de problèmes auxquels le pays est actuellement confronté.Selon d’autres sources, M. Hariri paraît avoir reculé quelque peu pour revenir en force et poser ses conditions. Mais il faut compter sur le souci du président de la République de s’en tenir au texte de la Constitution. Puis, on doit réaliser que la nomination d’un Premier ministre au Liban est tributaire de maints facteurs d’ordre, non seulement local, mais régional et même international.
Naturellement, le sommet libano-syrien aura un rôle décisif à jouer sur ce plan, le président Assad se souciant de soutenir la position de son homologue libanais, tout en se préoccupant de consolider davantage les relations libano-syriennes sur la base de constantes dont les deux pays ne dévient pas. Les deux hommes d’Etat prennent en considération le changement intervenu sur la scène politique et parlementaire libanaise, après les récentes législatives. Aussi, s’emploieront-ils à laisser à la nouvelle Assemblée nationale toute latitude d’assumer son rôle, conformément aux dispositions de la Constitution, de façon à sauvegarder la souveraineté nationale. En ce qui concerne la forme du nouveau Cabinet et le nombre de ses membres, la tendance serait en faveur d’une équipe de vingt-quatre ministres, le nombre des départements ministériels ayant été ramené à dix-huit en vertu de la loi ayant fusionné ces derniers et certains organismes étatiques. Ainsi, la formation gouvernementale ne devrait pas compter plus de six ministres d’Etat, lesquels seraient chargés de missions déterminées en rapport avec leurs compétence et spécialisation. Le gouvernement serait d’essence politique, représentatif des forces vives de la nation, sa mission prioritaire devant consister à redresser la situation économico-financière et à mener la réforme administrative à son terme. Il s’agit, en tout premier lieu, d’accroître les rentrées du Trésor, pour assurer le service de la dette publique; les recettes actuelles ne suffisent plus à la couvrir, celle-ci ayant atteint 24 milliards de dollars. A cet effet, il serait procédé à la privatisation de certains organismes publics, ceux de l’eau et l’électricité, en plus du téléphone. Cependant, jusqu’à l’heure, le président de la République n’a pas fini de dégager les conclusions à tirer des résultats de la consultation populaire. Il se formera une idée de l’identité du futur Premier ministre à la lumière de ces conclusions; puis, au terme de ses consultations parlementaires d’ici à près d’un mois et demi. Cela dit, les cercles parlementaires s’interrogent sur la position qu’adoptera le président Nabih Berri envers le problème gouvernemental. Le chef du Législatif, pensent les observateurs, n’a pas écarté la possibilité qu’il soit fait appel à M. Rafic Hariri, disant que “l’homme a les qualifications requises pour assumer une telle charge”, tout en confirmant son intention de briguer de nouveau la deuxième présidence. En précisant que “Amal” et le “Hezbollah” étaient d’accord sur tous les dossiers, même ceux les plus chauds (on sait que cheikh Naïm Kassem, vice-président du “Hezbollah”, est resté dans le vague quand il a été interrogé sur le candidat du parti à la présidence du Conseil).
Le président Berri s’est prononcé jusqu’ici en faveur d’un gouvernement d’entente nationale et de “résistance économique, à former en coordination avec le président de la République”. Les milieux politiques se sont arrêtés, d’autre part, sur les propos que cheikh Hassan Nasrallah, secrétaire général du “Hezbollah”, a tenus au cours du meeting organisé, récemment, en mémoire des martyrs de Jabal el-Rafih: son fils Hadi, Ali Mohamed Kaoussarani, Haytham Mohamed Debouk et d’autres encore considérés comme “les artisans de la libération de la victoire”. Cheikh Nasrallah a parlé en termes durs des récentes législatives, disant qu’elles avaient laissé des séquelles au double plan sectaire et confessionnel, dont la patrie est sortie sérieusement affectée.
“Il s’agit, dit-il, d’un indice inquiétant pour l’avenir. Pouvons-nous édifier une nation digne de ce nom dans de telles conditions? La faim, la misère, le chômage et l’analphabétisme ne distinguent pas entre un Libanais et un autre et entre une communauté et une autre communauté. Nous ne pouvons édifier une patrie sur des bases tribales, comme l’est le confessionnalisme dans toute l’acception du terme. Nous ne pouvons pas, non plus, édifier un Etat moderne et consolider nos institutions avec des slogans et les incitations confessionnelles”.
Aussi, le chef du “Hezbollah”, a-t-il mis en garde contre le retour au confessionnalisme, au sectarisme et au tribalisme. “Non, ce n’est pas pour cela, s’est-il écrié, que nos martyrs ont consenti le sacrifice suprême”. Par ailleurs, M. Moustapha Saad, député de Saïda et l’un des colistiers de Mme Bahia Hariri, a pris violemment à partie, cette semaine, M. Rafic Hariri, s’opposant à son retour au Sérail, en affirmant que “l’honnêteté, la droiture, l’abnégation et l’éloignement des intérêts personnels doivent servir de critères pour le choix du futur Premier ministre”.
“Tout est possible”, a-t-il répondu quand il a été interrogé sur le point de savoir s’il était candidat à la présidence du Conseil.

NADIM EL-HACHEM

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