LE SOMMET DU MILLÉNAIRE:
ADAPTER L’ONU À DES TEMPS QUI CHANGENT
Les New Yorkais avaient été sensibilisés à l’événement. Sur des centaines d’affiches dans le métro, ils pouvaient lire: “C’est l’histoire qui se joue ici”, du 6 au 8 septembre. L’événement, ils l’ont payé cher  par la paralysie de leur ville quadrillée par 6.000 policiers, 750 détectives, survolée par les hélicoptères et veillée par les garde-côtes. Aussi, l’ONU à la fin du sommet du millénaire a-t-elle allumé sur la façade de son palais de verre, des bougies pour leur dire “Thank you New York”!  tout en sachant que rien n’avait été gratuit et que  les services d’ordre mis en place lui coûteront quelque 25 millions de dollars.


Adresse du révérend James Forbes au sommet spirituel du millénaire.

 Les trois milliards d’habitants qui peuplent la moitié de la planète et qui vivent avec moins de 2 dollars par jour peuvent-ils remercier à leur tour l’ONU pour avoir organisé le plus grand rassemblement de son histoire et invité les pays riches  à lutter contre la pauvreté? Maintenant que les feux du sommet du millénaire se sont éteints et que les 99 chefs d’Etat, 48 chefs de gouvernement, 5 vice-présidents, un prince héritier, 6 vice-Premiers ministres, 21 ministres, 7 chefs de délégations représentant 189 pays membres dont les 49 pays de la Francophonie ... sont retournés chez eux, il ne reste plus qu’une déclaration et des promesses.
Dans un monde “qui n’a jamais été aussi riche”, le président Chirac avait invité ses pairs à s’engager pour “un nouveau partenariat pour le développement” à travers quatre actions prioritaires: “Le XXème siècle a été le siècle des indépendances retrouvées. Faisons du XXIème siècle le siècle de la dignité restaurée et de la prospérité partagée”. Ce que Fidel Castro qui en était à sa troisième intervention à l’ONU (décrite comme une “institution vétuste”) en l’espace de quarante ans a exprimé dans un langage agressif en demandant  de “sauver le monde non seulement de la guerre, mais aussi du sous-développement, de la faim, des maladies, de la pauvreté et de la destruction de l’environnement” et des dangers de la mondialisation.
 


Photo de famille du sommet du millénaire.

Accolade Castro-Annan.

En fin de partie, les décideurs de la planète se sont engagés à “réduire d’ici à 2015 la proportion de la population mondiale dont le revenu est inférieur à un dollar par jour (1,2 milliard d’êtres humains survivent avec moins d’un dollar par jour), celle des personnes qui souffrent de la faim”, de diminuer des deux tiers la mortalité infantile, d’arrêter la propagation du virus du Sida (les conflits armés et le fléau du sida feront à l’horizon 2010 en Afrique et en Asie du Sud 40 millions d’orphelins), d’assurer l’éducation primaire pour tous, d’alléger les dettes des pays pauvres, de promouvoir la démocratie.
Sur un autre registre et dans la perspective des changements radicaux qui surviennent au niveau des relations internationales, les membres du Conseil de sécurité dont c’était la première réunion au niveau des chefs d’Etat, ont tenu deux sommets dans le cadre du sommet pour examiner l’élargissement de ce Conseil et le renforcement des opérations de l’ONU dans le monde. Ces thèmes qui avaient dominé le sommet n’ont pu toutefois recueillir l’adhésion de la totalité des membres, les uns se prononçant pour l’augmentation des fonds de l’ONU, les autres temporisant, usant du frein de la souveraineté nationale, mais tous  retenant le rapport d’un groupe d’experts conduits par l’Algérien Lakhdar Ibrahimi, publié le mois dernier et préconisant la réforme de l’ONU dans les opérations de paix.
 


Adresse du président Clinton lors du sommet.

Poignée de main Clinton-Zemin.

 L’ONU créée en 1945 devra dorénavant s’adapter aux temps qui changent et se doter des moyens nécessaires pour intervenir efficacement dans les conflits afin que ne se répètent plus jamais les horreurs et humiliations infligées au Rwanda et en Bosnie. Les effectifs militaires qui s’élevaient à 10.000 hommes il y a quatre ans, devraient facilement passer à 50.000. Dans quelle mesure les grands s’adapteront-ils aux changements et y mettront-ils le prix? De multiples échéances mettront bientôt à l’épreuve leurs bonnes intentions et leurs promesses.
En marge du sommet, les 147 chefs d’Etat et de gouvernement ont tenu des mini-sommets et des rencontres bilatérales. Les plus notoires auront été celles réunissant  Clinton d’une part avec Poutine (dont l’étoile aura été plutôt terne) et d’autre part avec Jiang Zemin. Le chef de la Maison-Blanche, sur le départ, aura en quelque sorte effectué sa dernière sortie internationale. Il a même été surpris en train de donner une poignée de main à Fidel Castro. En qualité de pays hôte, il a offert deux réceptions en l’honneur des dirigeants de la planète, l’une au Metropolitan Museum, l’autre au Guggenheim Museum. Auparavant, le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan les avait réunis autour d’un déjeuner bien français au salon des délégués, tandis que son épouse Nanne conviait à déjeuner  leurs épouses à la Pierpont Morgan Library.
Fort curieusement, c’est la photo de famille qui a donné le plus de tracas au service du protocole. Elle avait demandé des semaines de préparatifs tenant compte de l’ordre alphabétique et hiérarchique et des exigences des figurants. Le président Khatami a fini par boycotter la séance- photo tandis que les Saoudiens, dont c’était la première sortie officielle, y étaient bien présents.
Tout est rentré dans l’ordre. Kofi Annan pouvait se déclarer satisfait. En arrivant à la tête des Nations Unies en 1997, il avait promis un événement spectaculaire marquant l’an 2000 et permettant de redéfinir le rôle des Nations Unies pour le XXIème siècle. Il y a presque réussi.

Par EVELYNE MASSOUD

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