LE PIED ET LA CHAUSSURE...
EMBLÈMES DE SEXUALITÉ ET DE FÉMINITÉ?

Casanova n’avait-il pas souligné que les pieds, tout comme les yeux, sont des organes déterminants de la beauté?
Au XVIIIème siècle, Nicolas Restif de la Bretonne a exprimé son engouement pour les pieds des femmes et leurs chaussures, au point d’être l’origine du terme français “Restifisme” ou fétichisme du pied et de la chaussure.


Marilyn Monroe, mythe hollywoodien de la féminité accessoirisée.

Rares sont les Orientaux à avoir entrepris une recherche sur ce genre de sujet. Parce qu’“en Occident, selon Christo Najm, docteur en psychanalyse littéraire, les analyses psychologiques sont beaucoup plus usuelles”. Dans son étude portant sur le symbolisme du pied et de la chaussure, bien que les données étaient rarement disponibles, il constate dans ce membre, un emblème éloquent de féminité et de sexualité.
Le fétichiste voit dans le pied l’organe érogène le plus excitant de la femme. A ses débuts, le poète Nizar Kabbani manifestait un intérêt au pied de la femme, plus qu’à la femme elle-même. Il adopta le pied comme symbole à son langage, tout comme les anciens alphabets ont usé du pied comme symbole dans les écritures aztèque et hiéroglyphe.
 

SIGNIFICATION SEXUELLE
Selon l’anthropologue Paul Jacoby, bas et chaussures devenaient le symbole de mariage tout comme l’est devenue, par la suite, la bague.
Les chaussures sont la norme du fétichiste qui émet son jugement en tenant compte de la forme des chaussures et du symbole latent qu’elles peuvent porter.
Les analystes n’ont-ils pas été jusqu’à prétendre que notre personnalité et notre sexualité se reflètent dans le choix de nos chaussures révélant, de la sorte, notre caractère et notre humeur?
Les fabriquants de chaussures imposent, fréquemment, au pied une adaptation beaucoup plus en connivence avec la belle forme, l’élégance et la portée sexuelle qu’elle ne peut avoir qu’avec la confortabilité de la chaussure elle-même. Il en va de même pour la femme et, aussi, les hommes dans le choix pour lequel ils optent. Au XXème siècle, D. W. Griffit, un des géants du cinéma hollywoodien, organisa le concours des plus beaux chevilles et pieds, le second prix ayant été attribué à Joan Crawford. Le pied fin, petit et menu attirait, alors, les hommes.

LE PIED NU EXCITERAIT LES INSTINCTS
Le pied nu d’une femme excite les instincts de l’homme, polarise les désirs sexuels par son aspect fin, ses orteils subtils, le cambrage de la plante des pieds, la souplesse de sa cheville, la rondeur de son talon... L’amoureux a frôlé par là, probablement, le fétichisme lié au pied. Tout comme l’homme a son propre spécimen des femmes, le fétichiste choisit son propre type de pied. Le contact des danseurs avec la terre à travers le pied, confirme leur virilité. N’a-t-on pas ressemblé le pied à l’organe mâle et la terre à l’organe féminin? Pour Ava Gardner, un pied nu est une sorte de liberté, un défoulement de toutes les frustrations. Maria Vergas liait, inconsciemment, le contact du pied à de la boue avec l’excitation sexuelle qui cherche l’assouvissement. Il est connu depuis longtemps, que la friction directe du pied nu avec la terre rend au corps un courant sexuel et, au mental, le symbole de la fertilité liée à l’homme. A l’époque de Confucius, les Chinois vouaient une admiration au pied bandé et au pied de lotus qui excite les instincts par sa démarche gracieuse. La vertu des filles chinoises se concentre dans leurs pieds enveloppés. Femmes arabes et femmes turques se teignaient les orteils de henné et en dessinaient, bien des fois, sur chacun une lettre jusqu’à composer un terme qui avait le don d’ensorceler le Pacha ou le Sultan. La vue d’un orteil nu accordait à la femme la possibilité de dompter un homme et de le soumettre à son charme.
En Egypte, les riches donnaient à leurs pieds des bains parfumés, afin qu’ils soient aptes à être baisés. Le baisement du pied, aussi courant que l’est le baisemain de nos jours, est une action sexuelle qui fut pratiquée par Cléopâtre et la reine Hatshepsout. Les esclaves des deux reines leur massaient les pieds avec de l’huile parfumée et les leur séchaient avec des plumes de paon.
Au XVIIème siècle, les chaussures renfermaient des mini-sacs parfumés; en 1960, un chausseur créa à Paris des semelles parfumées qu’on qualifia de semelles coquettes et romantiques. Il faut mentionner que parfumer les chaussures se pratiquaient depuis 600 ans av. J.C .
 

PIED NU ET DÉSORDRE MORAL
Les conservateurs ont associé au pied nu le désordre moral, vu son rapport avec le sexe et les instincts. Les psychologues ont vu dans le pied nu une réaction aux usages, une révolution sur les coutumes, une libération des traditions, des contraintes des lois et de la rigidité des codes.
Serons-nous étonnés par la vision de la Rome antique pour ce qui est du pied nu? Signe de prostitution. Et dans sa blancheur? Un piège aux désirs des hommes. Vu toute la rage qui s’empare des hommes, une attaque eut lieu au cours de l’Histoire dans le but d’empêcher les femmes d’exposer leurs pieds nus.
Si à la Renaissance européenne, les femmes posaient aux peintres en tenue d’Eve, elles gardaient, cependant, leurs pieds cachés par la longue jupe, parce qu’il était outrageux de l’exposer au regard des gens. Les cabarets ou les boîtes qui furent accusés d’achalander la prostitution furent vite innocentés parce que les femmes se couvraient les pieds.
Dans les anciennes civilisations, les femmes se couchaient, les mules parfumées aux pieds, parce que le déchaussement devant l’amant ou le mari constituait une invitation claire et directe à des relations sexuelles.
Le symbolisme des pieds devient pareil à celui des vêtements: plus la femme est couverte et voilée, plus elle enflamme l’homme.

ÉROTISME DES CHAUSSURES ET DES PIEDS
La forme ou le modèle des chaussures ne reflète pas, uniquement, la personne mais aussi les désirs qu’elle veut transmettre. L’érotisme des chaussures est un substitut à l’érotisme des pieds. Les chaussures ont le rôle le plus grand dans l’attraction de la séduction du pied, surtout si l’on tient compte de la pointure de la chaussure, de sa beauté, de la qualité du cuir, du matériel, des talons aiguilles, de sa couleur excitante.
Les talons hauts sont plus excitants. Marilyn Monroe attribue sa célébrité au talon haut.
Les talons hauts signifient la maturité sexuelle. Sans cette qualification, les Etats-Unis n’auraient jamais connu ces talons; ces chaussures s’y sont répandues grâce aux putes qui se sont montrées avant-gardistes dans leur port. Plus tard, ces talons furent adoptés par les femmes de la haute société et par les aristocrates. Les analystes ont mentionné le sadomasochisme que pouvait éprouver beaucoup d’hommes en voyant une femme se chausser de talons hauts. Pour beaucoup de femmes et particulièrement les obsédées de la révolution féminine, les hauts talons sont un moyen de vengeance de la domination des hommes. Il est vrai que la confection des bottes à la fin des années 60 n’accentue pas la beauté de la femme, mais double son charme, sa séduction; c’est tout comme si elle saisissait une cravache et invitait par là un homme au plaisir masochiste à travers le sadisme des hauts talons ou celui des bottes collantes. Cette suggestion peut être à l’origine des mouvements révolutionnaires féminins à la fin des années 60. Le sadisme de la femme n’éclipse pas, dans ce cas, le masochisme évident chez l’homme à admirer la femme-bourreau.
 

LE PRÉSIDENT BEN ALI À L’OUVERTURE DU SOMMET DU MILLÉNIUM 
DE L’ONU DR CHAWKI HITTI: “LE FÉTICHISME, UNE DÉVIATION SEXUELLE”
Le fétichisme, selon Chawki Hitti, docteur en psychologie, est une déviation sexuelle se manifestant par un attachement érotique, soit à des vêtements (chaussure féminine, sous-vêtement, mouchoir, gants...), soit à une partie déterminée du corps (cheveux, pieds, mains...) ou à une qualité (une odeur, une qualité tactile).
Bien que la notion de fétiche ainsi que le terme de fétichisme soient bannis de l’ethnologie contemporaine, la psychanalyse continue à en faire usage, dans la mesure où le sens qu’elle leur accorde prend, d’abord, appui sur des données cliniques relatives à une perversion. Cette perversion se rencontre chez de grands timides, des anxieux, des refoulés, des psychasthéniques, etc. Elle a une signification symbolique et semble liée aux premiers émois sexuels de l’enfant. Le fétichiste a donc besoin de contempler ou d’imaginer l’objet ou la partie du corps, pour obtenir l’érection et la satisfaction sexuelle.
Le fétichisme se rencontre, surtout, chez les hommes. En 1927, dans l’article qu’il consacre au fétichisme, Freud, souligne que:
1. Le fétiche est le substitut du phallus de la femme (la mère) auquel a cru le petit enfant et auquel il ne peut pas renoncer.
2. Le fétichisme se caractérise par un processus de clivage entre la fonction imaginaire du fétiche (croire que la femme possède un pénis) et le rapport à la réalité (savoir que la femme n’en a pas). La présence simultanée de la négation et de l’affirmation -qui se distingue, cependant, de la dénégation - caractérise le sens du déni et définit la nature du processus de clivage.

MATÉRIEL EN CUIR ET VIOL
Le matériel en cuir et étroit est lié, inconsciemment, à l’opération de viol. L’extase du cuir ! Le masochiste interpréterait cet état d’esprit chez les hommes dans son désir d’être piétiné par une femme. Il est important de souligner que ces hommes souffriraient d’un sentiment d’infériorité et de soumission envers toute personne jouissant d’un pouvoir supérieur ou même leur conjointe sur le plan social,intellectuel et matériel. Ainsi, il devient l’esclave jouissant du plaisir d’être piétiné. H. Ellis a essayé d’expliquer le plaisir qu’a un fétichiste d’être piétiné par les pieds d’une femme; il a trouvé que le pied devenait le symbole du coït et, plus clairement, de mariage. Ceci, bien entendu, ne traduit guère, dans ce cas, une souffrance mais un plaisir des sens. Si le cuir doux et coloré, observe le Dr Najm, reflète les traits caractéristiques féminins et l’extase sexuelle, le cuir épais et sa couleur sombre inspirent la virilité austère et l’agressivité, surtout pour ceux qui en manquent. Tout comme la cravache, les bottes sont le symbole de la puissance et de la robustesse. Les bottes agrémentées de clous ou atteignant les genoux, reflètent le caractère sauvage, le sadisme et l’hostilité. Celui qui porte ces bottes ne se contente pas d’être un homme, mais convoite à manifester sa mégalomanie à travers le cuir de ses chaussures, des larges fils, des lourdes semelles et des talons retentissants. Nombreux sont les jeunes qui ont recours à ces chaussures pour inspirer la terreur, définir leur identité en visant la domination, compensant ainsi leur moi sexuel perturbé. Au regard d’un homme qui souffre, le pas lourd est le seul moyen pour se libérer.

ANGELA SARRAF

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