DÉPUTÉ ÉLU DE JBEIL-KESROUAN DR FARÈS SOUAID:
“POUR UN GOUVERNEMENT D’ENTENTE NATIONALE... SINON, C’EST L’EFFONDREMENT”

. "Seul un Cabinet d’entente nationale peut sauver le Liban de la situation si peu enviable dans laquelle il se débat depuis tant d’années”, soutient le Dr Farès Souaid, député élu de Jbeil-Kesrouan.
En ce qui concerne les législatives à Beyrouth, il déplore que l’électorat chrétien n’y ait pas participé en masse, mais justifie le comportement de cet électorat par le fait qu’il ne lui a pas été donné de participer à la formation des listes.
Quant à la conception qu’il se fait de la politique, il précise qu’il la pratiquera avec la mentalité du médecin, en ce sens qu’il s’emploiera avant tout de diagnostiquer le mal avant de prescrire le remède.

Tout d’abord, il explicite son point de vue en ce qui concerne l’exercice du Pouvoir, partant de sa conviction que “toute autorité perd sa légitimité si elle n’œuvre pas en vue de consolider le désir de vivre en commun”. Aussi, estime-t-il que les législatives de 92 et de 96 ont violé le principe de la convivialité, à l’ombre d’une loi électorale qui pêchait par son manque d’équilibre.
Les élections de l’an 2000 ont été meilleures, du moins au plan administratif et de la régularité du scrutin. “Je souhaite, à présent, que les récentes élections n’aient pas contribué à accentuer le clivage entre les Libanais. Le fait pour M. Rafic Hariri d’avoir remporté une victoire écrasante dans la capitale, suscite l’inquiétude. Il s’agit moins de juger sa précédente expérience au Pouvoir, que de déterminer un ordre des priorités différent de celui que l’ancien chef du gouvernement avait adopté il y a quelques années.
Il importe de savoir s’il faut placer en tête des priorités la réalisation des projets en s’occupant, par exemple, de l’aéroport et des trottoirs de la capitale ou raffermir l’entente nationale et le désir de vivre en commun de notre peuple.
Le président Hariri n’a pas appliqué l’accord de Taëf ou bien il l’a fait d’une manière sélective, que ce soit au niveau de ses Cabinets successifs, ou de la loi sur la naturalisation, des libertés médiatiques ou des institutions. Ceci a marginalisé une large fraction de la population libanaise.

Quelle est votre analyse des résultats du scrutin à Beyrouth, au Sud et dans la Békaa?
Ils prouvent que chaque fois qu’une communauté est marginalisée, il se produit un déséquilibre et une crispation caractérise les relations entres les citoyens. L’Etat doit assurer la participation de toutes les communautés à la décision nationale, sans qu’elles ressentent la moindre frustration. Sinon, le sentiment de prostration qui s’est transposé d’une communauté à l’autre depuis la fin de la guerre, persistera, ce qui n’inaugure rien de bon pour l’avenir.

Comment voyez-vous le début de crise que semble devoir susciter la désignation du nouveau Premier ministre?
L’opposition véritable ne se traduit pas par un refus de l’accession de M. Rafic Hariri à la présidence du Conseil, mais par l’émergence d’un courant libanais soucieux de sauvegarder l’identité du Liban.
Il faut éviter que le pays soit plongé, une fois de plus, dans un conflit opposant un président à un autre et une communauté à  une autre communauté.

En tant que fils du regretté Dr Antoine Souaid, comptez-vous vous inspirer de la ligne de conduite paternelle qui était faite de modération et d’ouverture?
Certainement, j’agirai afin d’associer toutes les communautés nationales à la décision quand il s’agit de trancher une question engageant l’avenir de la patrie. Je prône, également, la modération dans nos relations avec la Syrie; aussi, suis-je avec tout ce qui rassemble les Libanais, en répudiant tout ce qui les divise.

L’appui que vous avez obtenu de l’électorat chiite n’était pas autant que celui accordé jadis à vos parents. Comment expliquez-vous cela?
Cela s’explique par plusieurs raisons. Tout d’abord, j’ai entamé ma campagne électorale vingt-cinq jours avant les élections; mes rencontres dans le milieu chiite étaient donc limitées à quelques amis ou villages. Durant les dernières années de guerre, j’exerçais aux hôpitaux du “Perpétuel Secours” et “Notre Dame”. Une amitié me liait au Dr Samir Geagea et j’ai donc été considéré comme étant membre des Forces Libanaises, les rumeurs étant propagées dans les milieux chiites pour me porter préjudice. D’autre part, les chiites jbeilotes, en particulier ceux de la nouvelle génération, ont été contraints d’adhérer aux mouvements “Amal” et “Hezbollah”. Une minorité, les “indépendants”, sont restés dans leurs villages et j’ai obtenu un grand nombre de leurs voix. Les chiites imprégnés des courants nationalistes n’ont pas voté pour moi, vu leurs relations politiques et mon opinion qui diffère de la leur.

Cardiologue et propriétaire d’hôpital, vous êtes aujourd’hui député de Jbeil-Kesrouan. Comment peut-on concilier entre la médecine et la députation?
J’œuvrerai en politique avec la mentalité du médecin. En continuant à exercer la médecine, je concilierai entre mes deux charges. C’est une question d’organisation et d’efficacité de travail.

Outre la situation socio-économique, nous vivons dans la crainte de l’implantation (palestinienne) qui a fait l’objet des campagnes électorales. Qu’en pensez-vous?
Le fait de soulever le problème de l’implantation durant la campagne électorale visait à influer sur l’électorat. Toutefois, il n’incombe pas à l’Etat libanais, ni à la société libanaise seule de régler le problème palestinien qui est au centre du conflit arabo-israélien; sa solution doit donc se situer dans le cadre d’un règlement global. Nous sommes solidaires de nos frères syriens et du commandement palestinien en vue de le régler. D’ailleurs, le Liban aura son mot à dire durant les pourparlers arabo-israéliens.

D’aucuns considèrent l’implantation comme un fait et une question de temps...
Les propos abondent en ce sens, certaines personnes considérant que le règlement de l’endettement extérieur, dû à la mauvaise gestion économique, se ferait au prix de l’implantation; ces rumeurs sont infondées. La question palestinienne est une affaire arabe dont la solution consiste au retour des Palestiniens à leur terre. Il n’y a pas de compromis à ce sujet entre les Libanais et un autre Etat. Le Liban avec toutes ses fractions et communautés refuse, catégoriquement, l’implantation.

Comment concevez-vous la solution efficace à la crise économique?
La solution est à deux niveaux: interne et régional. Sur le plan interne, la solution consiste à former un gouvernement d’entente nationale rassurant toutes les communautés et créant une stabilité politique pouvant susciter le retour des investissements au pays. D’autre part, il faut déterminer le rôle du Liban au sein d’un nouveau système régional, sur base duquel serait élaborée une politique économique efficace. Le pays est en voie de faillite et il se peut que nous nous trouvions dans une situation semblable à celle de 1983-1994, lorsque le prix du dollar a haussé d’une manière spectaculaire. Les Libanais doivent réfléchir aux scolarités de leurs enfants et aux frais médicaux, avant d’acquérir un cellulaire ou une nouvelle voiture. Sans un gouvernement d’entente nationale, nous aboutirons à la faillite économico-monétaire et à l’effondrement des institutions.

Avez-vous déterminé votre option quant à la présidence du Conseil?
Nous tendrons la main à tout Libanais ayant appris de ses expériences passées et œuvré en faveur de l’entente nationale, avant d’entamer des projets d’infrastructure. Nous ne pouvons collaborer avec quiconque fait fi du sentiment national, même s’il nous apporte l’argent à flot.

Propos recueillis par
BARIHA EL-FAKIH

Home
Home