LES VESTIGES DE ZEUGMA MENACÉS PAR L’EAU
CONFLIT ENTRE LES BESOINS ÉNERGÉTIQUES DE
LA TURQUIE ET LA RICHE HISTOIRE DE L’ANATOLIE

La ville romaine de Zeugma, en Anatolie, riche en mosaïques anciennes récemment découvertes, risque d’être inondée par l’eau, le gouvernement turc ayant l’intention de retarder l’édification du barrage de Birecik.


Une mosaïque à moitié conservée représentant un centaure enlevant une vierge.

Ces retrouvailles archéologiques de valeur - 14 mosaïques; 60.000 céramiques; colonnes romaines et 3.700 pièces de monnaies d’argent et de bronze... - rivalisent avec celles des plus grands musées du monde”, déclare M. Mehmet Onal, responsable des fouilles.
M. Cumhur Ersumer, ministre turc de l’Energie, estime que  “reporter à plus tard ce projet va coûter au gouvernement dix millions de dollars, 97% des travaux étant terminés”.
Birecik fait partie d’un plan avec un budget faramineux, ayant pour but d’irriguer la terre, de combler l’insuffisance en électricité en Turquie et créer des emplois dans les pauvres régions du sud-est.


Zeugma; au fond, le barrage de Birecik.

Fondée au IIIème siècle av. J.-C., cette cité est à 18 miles au nord de la Syrie; elle s’étendait le long de l’Euphrate, reliant l’Anatolie et la Mésopotamie. Or, Zeugma signifie “connexion” ou pont, dans la langue grecque. Elle fut aussi, à un moment donné, une importante base militaire et une grande cité commerciale, sur “la route de la soie”. Mais avec l’extension de l’Empire romain vers la Mésopotamie, Zeugma a perdu son importance, non sa richesse. La preuve: les précieuses mosaïques retrouvées pendant les fouilles, que l’archéologue Yusuf  Yavas qualifie de surprenantes et coupant le souffle.
Ce particulier barrage, très controversé, vise à développer le vaste sud-est d’Anatolie.
Une fois le travail achevé, l’Apaamea sur la rive-est et la moitié de la “Séleucie” à l’ouest, ainsi que d’autres sites vont disparaître.
Les parties de la ville sauvées des inondations seront transformées en musée en plein air. Cependant, “le tiers de Zeugma sera perdu dans l’Euphrate”, annonce, tristement, Mehmet Onal.
 
Fatma Bulgan, archéologue, nettoie 
la sculpture de Mars, dieu de la guerre.
Détail d’une mosaïque de la mer 
mythique du dieu Poseidon.

La Turquie déploie de grands efforts pour reprendre ses antiquités passées par contrebande à l’étranger, mais plusieurs trésors archéologiques restent déterrés ou sans protection. A ce sujet, le Daily Telegraph britannique écrit: La Turquie a le droit de réclamer son héritage culturel volé ou exporté illégalement; c’est une obligation de protéger son patrimoine, en ne permettant pas de détruire un site d’une valeur inestimable”. D’autre part, un autre barrage a immergé l’ancienne ville de Samosata, 75 km au nord-est de Zeugma, causant la perte de plaques commémoratives antiques, alors qu’un autre construit sur les rives du Tigre menace la cité médiévale de Hasankeyf et risque de déplacer des milliers de personnes. Une femme vivant tout près des fouilles de Zeugma, déplore que son village soit presque submergé par l’eau, alors que la plupart des habitants sont partis. En contrepartie de son domicile endommagé, cette citoyenne turque n’a pas reçu une indemnité équitable et n’a pas un refuge pour s’y abriter.
 

Quelques objets sauvés du site.

Les vestiges de valeur de Zeugma.

A Zeugma, les habitants sont inquiets. Leurs préoccupations sont communes. Ils se lamentent sur leur sort, sans se soucier des mosaïques et des autres trésors qui seront admirés par de riches touristes ou enfouis pour la seconde fois!


Home
Home