LES DEUX PÔLES DE L’ŒUVRE D’ART: LE CRÉATEUR ET LE SPECTATEUR

Ce sont les regardeurs qui font l’œuvre d’art. En effet, une peinture, une sculpture, une sérigraphie ou une gravure, sont toujours basées sur les deux pôles du créateur et du contemplateur. Ainsi, son sens peut être modifié selon qu’il y a parallélisme, contiguïté, affinité profonde ou refus entre l’un et l’autre.
 

Le réel réinterprété.

L’art est la porte du rêve, une 
projection des fantasmes de l’artiste

L’œuvre d’art (figurative, impressionniste, expressionniste, symboliste, surréaliste, abstraite, informaliste, etc...); est à l’image de son maître et n’a pas le même impact, selon qui la regarde.
Les choses ne sont ni simples, ni évidentes. Dans une certaine mesure, le spectateur cerne-t-il l’intention de l’artiste? Y trouve-t-il un message? Et cette intention de l’un ou de l’autre n’a pas à en épuiser le contenu, car il y a relation esthétique et il n’y a pas de raison pour que le regard de l’un ne puisse pénétrer “l’espace intérieur de l’autre”. Celui-ci a restitué une vision - “la sienne” -; celle-ci doit porter en elle: signe et signification, sa vie propre où tout est neuf, sa musique, son chant.
Si l’art est la porte du rêve, l’œuvre est une finalité sans cesse à recommencer et la vocation de l’artiste est réflexion et méditation; le sujet passif est transposé en témoin vivant. L’atmosphère est déchirée pour découvrir une vérité intérieure. Il ne s’agit pas de s’évader du réel, mais d’aboutir à une équivalence où n’entre plus en jeu que l’essentiel devenant l’âme du tableau qui lie, immédiatement, l’observateur à une situation poétique.
 

Le spectateur cerne-t-il, ici, l’intention de l’artiste?

Une abstraction... Une vérité intérieure.

Une œuvre d’art oblige à cette réflexion et nous transporte, par-delà le matérialisme quotidien, dans une dimension spirituelle où, à la vibration, à l’intuition, à l’essence qui en sont la clef de voûte, s’ajoute l’appréhension de ce qui vient du dedans. Alors, la nature accompagne l’être sans pour cela l’anéantir. L’artiste la reçoit, inconsciemment, en la recréant à travers son “moi” contemplatif, pour la montrer dans une limite de qualité émotionnelle, puisqu’elle est passée par les phases aiguës de la réflexion.
Chaque toile, chaque sculpture, chaque gravure, est un témoignage ne se contentant pas de reproduire le monde visuel en formes, en volumes, en couleurs, etc... mais bien le lien entre l’individu et la réalité; donc valable, également, pour le spectateur.
C’est le phénomène de la création artistique, le plasticien se situant au point de liaison de la “pensée” et de “l’action”. Qui dit action, dit évolution. Et qui dit évolution dit, aussi, mémoire du passé. Une mémoire nécessaire à l’art présent où nous retrouvons: espace, temps et causalité.
Aujourd’hui, les artistes ont un rôle prédominant dans la formation des cultures, dans l’environnement né de nouvelles conditions de vie. Ils expriment une vision du monde en train de se faire; ils sont les yeux de leur époque et sont là pour enregistrer et créer, laissant ainsi la marque indélébile de leur temps.
Or, au Liban comme partout ailleurs, en ce début du IIIème millénaire, les arts plastiques dans leurs traits les plus marquants accomplissent “leur révolution”. Dans le même temps, le progrès de la technologie aboutit à une nouvelle connaissance de ces forces créatrices qui engendrent des changements fondamentaux dans les divers domaines de la créativité.
Mais la maîtrise des techniques et de la technologie ne suffit pas pour devenir un grand créateur. L’artiste authentique doit croire à quelque chose, particulièrement à la défense de sa liberté d’expression et à l’affirmation de sa place dans notre société...
Là les regardeurs, avec leurs affinités diverses sont indispensables à cette politique culturelle.
En conclusion, pour un artiste, il faut: la main, la tête et le cœur, sans cela pas d’évasion pour le spectateur.

Par NICOLE MALHAMÉ HARFOUCHE

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