NOUVEAU DÉPUTÉ DE BAABDA-ALEY ABDALLAH FARHAT:
“BEAUCOUP DE LOIS LIBANAISES SONT BASÉES SUR DES INTÉRÊTS PARTICULIERS”

. Jeune avocat ayant été élu aux dernières législatives pour occuper l’un des sièges maronites de Baabda-Aley, Me Abdallah Farhat n’a rien volé à personne: son père Victor est un avocat de renom; son oncle feu Albert fut, autrefois, président du conseil supérieur de la magistrature (dont le fils est, également, juge) et son oncle Michel, député en 1964.
Né à Hammana, il fut très tôt projeté sur la scène publique, ayant grandi dans une ambiance qui l’y prédisposait.
Après des études de Droit à l’USJ et une spécialisation en droit privé en 1986, il obtient un doctorat en droit bancaire et devient doyen de la Faculté de droit de La Sagesse, enseignant à la faculté de gestion et de management de l’USJ, tout en exerçant la profession d’avocat. Il est l’auteur de plusieurs études juridiques, littéraires et économiques...

Qu’est-ce qui a déterminé la présentation de votre candidature?
J’appartiens à une famille qui fait de la politique depuis, au moins, cent ans. Mon grand-père, dont je porte le prénom, était à la fois un homme d’affaires et un personnage-clé dans la politique au Haut-Metn. Sous l’occupation ottomane, il était le seul interlocuteur avec les autorités de l’époque. Il a même participé à la création d’un service public autonome dans la région. Il a tracé plusieurs voies routières qui ont constitué l’embryon du réseau routier actuel. Il a même joué un rôle déterminant lors de l’Indépendance, en 1943.

HÉRITAGE FAMILIAL
La voie était donc toute tracée?
Certes, d’autant plus que plus tard, mon oncle, Michel Farhat, a repris le flambeau et a été élu député. Les deux atouts principaux de mon oncle ont été, incontestablement, la carrière de magistrat de mon oncle Albert qui a été premier président de la Cour de Cassation et, aussi, l’appui très efficace de mon père Victor, cadet de la famille et avocat de profession.
Il s’est présenté lui-même aux législatives de 96, mais a tenu à me céder son assise populaire pour celles de l’an 2000.
J’appartiens donc à un clan politique qui choisit, habituellement, ses candidats aux législatives, aux municipales, à la fonction publique. J’ai eu la chance, cette fois, de faire l’objet de son choix. Notre clan suit une politique indépendante, non partisane depuis des dizaines d’années.

ALLIANCE NATURELLE
Pourquoi avez-vous opté pour cette coalition?
Traditionnellement, notre politique régionale gravitait autour du courant joumblattiste. Mon père était l’ami intime de Kamal Joumblatt et de Raymond Eddé et il m’est resté dans la mémoire, l’image de ces deux grands hommes assis dans leurs fauteuils préférés dans notre salon. Notre alliance politique actuelle me semblait donc naturelle.
Le fait que nous ayions rejoint mes colistiers et moi-même, la liste de “l’Unité de la montagne” est plus un choix politique qu’électoral, surtout que les fondements politiques de la campagne menée par la liste, ont prôné l’ouverture et un véritable dialogue entre les différentes composantes du Mont-Liban.

VICTOIRE COLLECTIVE
A quoi attribuez-vous votre victoire?
Incontestablement, la victoire remportée par la liste est plus collective qu’individuelle. Elle est nécessairement due à la soif de l’électeur d’un véritable dialogue intercommunautaire pouvant aboutir, en premier lieu, à une entente nationale, au retour des déplacés; en un mot, à une communauté de vie dont le souvenir persiste toujours dans notre subconscient collectif.

Mais on a, jusque-là, reproché à M. Joumblatt de n’avoir rien fait pour le retour des déplacés et de n’avoir changé d’attitude que pour des besoins électoraux.
Sa politique de la main tendue, M. Joumblatt l’a mûrie tout au long des  trois dernières années, convaincu que la situation au Mont-Liban appelle urgemment une ferme solidarité entre les différents courants politiques en vue d’un dialogue constructif pouvant donner naissance à un Etat moderne loin de la vulnérabilité d’antan.
En effet, il y a trois ans, il avait invité les différentes composantes politiques du camp chrétien à un échange d’idées qui les avait réunis à l’Hôtel Mir Amine. Ceci prouve que sa politique actuelle n’est pas strictement électorale.

ACTIVITÉ SUR DEUX PLANS
Quelles sont vos priorités?
J’estime que mon activité parlementaire doit se situer sur deux plans: le premier est un plan de politique générale qui sera, en principe, déterminé par les différentes coalitions au sein du parlement avec, bien sûr, une participation personnelle efficace à la détermination des tendances générales desdites coalitions.
Sur le deuxième plan, celui de la législation, je pense que je porte une responsabilité particulière, puisque je suis juriste de formation et avocat de profession. J’ai déjà participé à l’élaboration de plusieurs projets de loi en dehors de toute fonction parlementaire, à l’époque.
J’espère pouvoir mettre en pratique mes aspirations et mon savoir pour légiférer.

Croyez-vous pouvoir être réellement efficace dans la conjoncture actuelle?
Il m’appartient d’œuvrer de mon mieux afin que mon mandat soit le plus fructueux possible, en assumant la responsabilité que me fait désormais porter la confiance qui m’a été accordée. Côté législation, il serait, à mon avis, adéquat de repenser la réforme administrative qui doit nécessairement se fonder sur le principe de la rupture de tout contact personnel entre le fonctionnaire public et le requérant du service et adopter la méthode du “guichet”.

Que pensez-vous de l’actuelle loi électorale?
Il est évident que la structure étatique libanaise ploie sous le poids d’une législation devenue, hélas! archaïque, qui en plus, est mal appliquée notamment pour ce qui est des principes généraux du droit, tant public que constitutionnel. Les intrusions de certaines législations et réformes, font parfois, l’effet d’une dénaturation. Aussi, beaucoup de législations récentes sont-elles basées sur des intérêts à la limite particuliers et ne visent pas la construction d’un Etat moderne. Il faut absolument sortir de la subjectivité législative vers une objectivité nationale.

Vous représentez la jeune génération au pouvoir. Que diriez-vous à vos congénères qui, désespérés, quittent le pays?
J’espère bénéficier de l’appui et des capacités intellectuelles de mes concitoyens: seul un travail collectif peut contribuer à l’édification d’un Etat moderne. Nous avons urgemment besoin d’une solidarité populaire et intellectuelle pour forger l’avenir et nos jeunes ont l’obligation de participer à la refonte de la structure politique libanaise. Toute émigration dans ce cadre serait une fuite devant la responsabilité nationale.

Propos recueillis par
NICOLE EL-KAREH

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