PROBLÈME GOUVERNEMENTAL:
LES TRACTATIONS PORTENT, DÉJÀ, SUR LE CHOIX DES MINISTRES...

Le communiqué de l’assemblée des prélats maronites et les réactions qu’il a suscitées, ainsi que le problème gouvernemental et l’éventuelle tenue d’un sommet libano-israélien ont été, au centre des discussions, cette semaine, au cours de laquelle on a détecté des éléments permettant de bien augurer de l’avenir quant à la conjoncture locale.

Au moment où le président Nabih Berri annonçait aux membres de l’Assemblée le retour de M. Rafic Hariri à la présidence du Conseil, le “communiqué des archevêques” a produit un choc, car il soulevait des questions particulièrement délicates, en tête desquelles le dossier relatif à la présence militaire syrienne au Liban, invoquant à ce sujet la résolution 520 du Conseil de Sécurité qui exige le retrait de “toutes les forces étrangères”.
Le communiqué mentionné évoque bien des points qui sont au centre des préoccupations et des obsessions des citoyens, notamment la prolifération de la main-d’œuvre syrienne, la concurrence faite aux produits libanais par ceux exportés de Syrie. De plus, il réfute l’allégation des pro-Syriens selon laquelle “un retrait des forces syriennes aurait pour conséquence de provoquer une sédition interne”.
Selon des sources politiques de haut niveau, le fait le plus grave réside dans l’évocation de la résolution 520, ce qui donne à penser que Bkerké disposerait de données régionales ou internationales lui ayant permis d’adopter à ce sujet une position ferme.
A ce propos, l’uléma Hussein Fadlallah a accusé les Etats-Unis “de fomenter des réactions hostiles à la Syrie sur la scène libanaise”.
Ces réactions ont entretenu un climat enfiévré, rappelant celui ayant précédé les douloureux événements. Aussi, une tendance s’est-elle dessinée dans les milieux officiels et politiques en faveur d’une action en profondeur destinée à prévenir de nouveaux dérapages. Et ce, à travers un Cabinet d’entente permettant d’associer la plus large frange possible de la nation à la prise des décisions concernant les questions vitales.

DÉBUT DE DÉTENTE
D’ores et déjà, on détecte un début de détente, preuve en est le ton plus modéré des dernières déclarations de cheikhs Mohamed Rachid Kabbani, mufti  de la République et Abdel-Amir Kabalan, vice-président du Conseil supérieur chiite (en l’absence de l’imam Chamseddine qui se trouve à Paris).
Les dignitaires religieux s’en tiennent à la prise de position du chef de l’Etat qui, en qualifiant la présence militaire syrienne en territoire libanais de “légale et de provisoire”, a dénoncé la surenchère, appelant à un dialogue avec un sens poussé de la responsabilité nationale. Aussi, laissent-ils à l’Etat toute latitude de traiter cette affaire dans le cadre de ses responsabilités constitutionnelles et de manière à préserver l’intérêt supérieur de la nation.
On a constaté que cheikh Bahjat Ghaith, chef spirituel de la communauté druze, n’a pas été invité à la rencontre de Dar el-Fatwa, en même temps que cheikhs Kabbani, Chamseddine et Kabalan, sans doute afin de ne pas remuer certaines susceptibilités communautaires.
Pour en revenir au “communiqué des prélats maronites”, il sied de signaler la réplique faite, indirectement, par S.Em. le cardinal Sfeir, à travers sa dernière homélie dominicale, dans laquelle il a posé cette judicieuse question: “Est-il préférable de s’en tenir aux forces (armées) sans la confiance ou à la confiance sans forces? Toute la question est là”.
Fait à signaler: la riposte la plus virulente au communiqué de Bkerké a été celle de M. Sleiman Frangié. Le député nordiste a mis en garde “contre le danger qu’il y aurait d’engager le Liban dans les labyrinthes sombres par des cléricaux que manipulent des services de renseignements étrangers” (sic). “Nous en avons la preuve, ajoute-t-il, dans le fait que l’excitation des passions sectaires ou confessionnelles est suscitée au moment où l’opération de paix trébuche et où apparaît la nécessité de disposer d’une carte de pression sur le Liban, en vue de servir les desseins d’Israël et, aussi, d’embarrasser la Syrie”.
M. Frangié en arrive à soutenir que “le dossier de la présence militaire syrienne est un sujet que l’Etat libanais seul est habilité à traiter et, spécialement, la Chambre des députés qui représente la volonté du peuple”.
En revanche, le Conseil des ministres siégeant sous la présidence de M. Salim Hoss, s’est limité à demander aux instances politiques et religieuses “de prendre conscience de la gravité de l’étape présente, lourde de pressions qui sont exercées sur le Liban et la Syrie, pour servir les intérêts de l’Etat hébreu”.
Dans le même temps, le Conseil des ministres a mis l’accent sur “l’importance des relations libano-syriennes, celles-ci devant reposer sur des constantes de nature à sauvegarder les intérêts communs aux deux pays”. En conséquence, il invite toutes les parties à prendre conscience de la gravité de l’étape actuelle, en s’abstenant d’adopter des positions extrémistes qui affecteraient la paix civile et la sécurité du citoyen.

LAHOUD: DES INTÉRÊTS STRATÉGIQUES
Le président de la République est intervenu pour clarifier la nature des relations entre Beyrouth et Damas, affirmant que “le moment auquel nous devrons nous prononcer sur la présence militaire syrienne est commandé par des considérations en rapport avec nos intérêts stratégiques, alors que l’ennemi israélien continue à rejeter la paix juste et globale, tout en manœuvrant à l’effet d’implanter les réfugiés palestiniens sur notre territoire.
“Toutes les prises de position proclaméees dernièrement, a dit le président Lahoud, ne traduisent pas le climat du dialogue national véritable; il leur manque la sérénité et le réalisme, d’autant qu’elles ravivent les passions confessionnelles et sectaires, ce qui ne sert en rien l’intérêt supérieur de la nation”.
La prise de position présidentielle a eu pour objectif de décrisper l’atmosphère et de rassurer les citoyens quant à l’avenir. Le président de la République a blâmé, indirectement, sans les citer nommément, les surenchérisseurs et ceux qui soulèvent la question de la présence syrienne, en brandissant des slogans ou en exprimant leurs craintes quant aux risques qui menacent les libertés publiques, les droits de l’homme et la démocratie au Liban.
Cela dit, les concertations sont déjà entamées, en prévision des consultations parlementaires devant désigner le nouveau Premier ministre et la formation de la nouvelle équipe gouvernementale, celle-ci devant être, jusqu’à nouvel avis, “politique et d’entente”.
Les milieux proches du palais de Baabda s’interrogent sur les raisons qui incitent certains cercles politiques à plaider en faveur d’un “Cabinet homogène” et y voient une tentative de pression en vue de la constitution d’un gouvernement monochrome très peu recommandé dans les circonstances présentes.
Il y a lieu de faire état, également, du manifeste diffusé, la semaine dernière, par le “groupe de l’expiation et de l’immigration”, dans lequel ce dernier menace d’assassiner huit  députés nordistes, si les prévenus impliqués dans les incidents de Dennieh n’étaient pas élargis.

QUID DU SOMMET LIBANO-SYRIEN?
De même, la question de l’amnistie dont bénéficierait le Dr Samir Geagea et le retour du général Aoun de l’exil ne semblent pas devoir faire l’objet d’un examen rapide, pour le moment, le régime étant préoccupé à redonner un nouvel élan à son programme, dont les grandes lignes s’inspirent du discours d’investiture.
En ce qui concerne la tenue éventuelle d’un sommet libano-syrien et bien que l’idée en soit écartée à l’heure actuelle, il n’est pas impossible que les présidents Lahoud et Bachar Assad se rencontrent, incessamment, pour débattre de problèmes d’intérêt commun. Dans ce cas, les chefs spirituels des communautés religieuses seraient appelés à y prendre part, ainsi qu’un certain nombre de personnalités politiques. Et ce, en marge des réunions à huis clos que tiendraient les deux hommes d’Etat.

NADIM EL-HACHEM

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