![]() du référendum: “Ne jamais se laisser dissuader d’interroger les Français”. |
![]() après avoir voté à Sarran. |
Le général de Gaulle qui prisait cette forme de consultation
populaire l’avait utilisée à cinq reprises. La première
fois pour faire adopter le 28 septembre 1958, la Constitution de la Vème
République, la dernière fois, pour proposer la réforme
du Sénat et mettre en jeu son mandat le 27 avril 1969 et quitter,
à la suite du vote négatif, le pouvoir .
Le dernier référendum en date remonte au 20 septembre
1992 et portait sur la ratification du traité de Maastricht acquise
par un oui de justesse. Mais celui qui avait battu les records d’abstention
(63,11%), le 6 novembre 1988, était relatif au statut de la Nouvelle
Calédonie. Etant donné l’indifférence générale
dans laquelle s’est effectuée la campagne tardive et sans état
d’âme en faveur du référendum, les analystes politiques
s’attendaient le 24 septembre à un fort taux d’abstention, mais
pas dans de telles proportions. Les Français étaient démotivés
par l’absence d’un clivage gauche-droite, peu intéressés
à un choix qui se fera avec ou sans eux et déjà mobilisés
par les turbulences politiques de la rentrée (démission de
Jean-Pierre Chevènement, les dissonances au sein de la majorité
plurielle, la grève des routiers, etc...) qui avaient fait chuter
de vingt points la cote de popularité de Jospin et de neuf points
celle de Chirac. Si le quinquennat pouvait diminuer les risques de la cohabitation,
mettre la France au diapason des divers pays occidentaux, leur permettre
de s’exprimer plus souvent, il ne changeait en rien les principes républicains
et les règles du jeu féroce que se livrent les hommes politiques.
Lancée par Lionel Jospin, reprise par Valéry Giscard
d’Estaing, l’idée du quinquennat a été mise sur rails
le 5 juin dernier par Jacques Chirac qui la soumettait par référendum
au choix des Français. Cette idée, si elle était largement
partagée par la classe politique française à l’exception
du courant de Charles Pasqua, s’exprimait sur différents registres
et marquait les limites de la convergence de vues entre le président
et son Premier ministre. L’un optant pour un quinquennat “sec”, l’autre
pour une révision constitutionnelle adoptée par le parlement
réuni en Congrès.
![]() avoir possédé la vidéocassette de Méry, mais qu’il l’a par la suite égarée. |
![]() de Jean-Claude Méry. |
LA PRESSE CRITIQUE...
Nullement décontenancé par le taux d’abstention record
au référendum, le président français est intervenu
le soir même à la télévision, rassurant les
Français quant à la bonne santé de la démocratie
et l’usage judicieux du référendum. “Il faut en faciliter
l’usage, s’est-il obstiné, étendre les possibilités
de référendum local et permettre le référendum
d’initiative populaire”. Ce qui ne l’a pas épargné des flèches
acerbes de la presse française: “grande claque”, “grève des
urnes”, retentissant ratage proche de l’autodestruction”... Et ce qui a
fait monter encore une fois au créneau Philippe de Villiers qui
assène: “La dissolution a été une erreur stratégique
payée cher. Avec 70% d’abstention, c’est un séisme dans la
vie politique. Pendant ce temps, on ne dit rien sur la Corse, sur l’euro...”
Tout aux antipodes, la Garde des Sceaux, Elizabeth Guigou, a estimé
que ce référendum “est un exemple de démocratie apaisée”.
En fait, le référendum sur le quinquennat avait été
éclipsé, quelques jours plus tôt, par une bombe politique:
les confessions posthumes de Jean-Claude Méry publiées (14
mois après la mort de celui-ci des suites d’un cancer) dans l’édition
du 21 septembre du quotidien “Le Monde” (et complétées par
la suite). Elles avaient été enregistrées le 24 mai
1996 sur vidéocassette par les soins d’Arnaud Hamelin, un journaliste
jouissant d’un haut degré de professionnalisme, propriétaire
de Sunset Press. Le producteur de documentaires avait auparavant proposé
de vendre la vidéocassette aux différentes chaînes
de télévision et avait réussi après les révélations
du “Monde” d’en livrer des extraits à hauteur de 200.000 à
200.000 F.
Ancien membre du comité central du RPR fondé par Jacques
Chirac en 1976, l’homme d’affaires Jean-Claude Méry, un des “personnages-clés”
du dossier des HLM de Paris dont l’enquête a été clôturée
il y a un an, ayant fait cinq mois de prison entre 1994 et 1995, éclabousse
par ses confessions d’outre-tombe presque toute la classe politique française
et éclaire surtout le financement occulte du RPR, dans les années
80 à l’époque où Chirac était maire de Paris.
Ayant bénéficié des marchés publics des HLM,
“Méry de Paris” avait réussi à extorquer aux entreprises
des fonds versés par la suite au RPR, ainsi qu’aux PS et PC. “Après
plus d’un an et demi de bagarres, nous avons fini par arriver à
une répartition des lycées (La Générale des
Eaux et la Lyonnaise des Eaux) et leurs filiales, révèle-t-il.
Je les ai contraints à me verser un total sur cette opération,
de 10 millions de francs que j’ai répartis moi-même à
raison de 5 millions de francs pour le RPR, 1 million de francs pour le
PC, 3,5 millions de francs pour le PS, le solde étant des commissions
versées à gauche et à droite pour faire que le travail
soit correct”. A noter qu’à l’époque, les partis politiques
ne recevaient aucun financement public et que depuis, en vertu de la promulgation
d’une loi à laquelle s’opposaient auparavant les Français,
les campagnes électorales ont été soutenues par un
financement légal et public.
C’est Chirac qui est le premier mis en cause puisque, de l’aveu de
Méry, les 5 millions de francs avaient été versés
en sa présence et celle de Michel Roussin, son ancien directeur
de cabinet et conseiller à Matignon où il présidait
en 1985 un gouvernement de cohabitation avec François Mitterrand.
C’est donc Chirac qui s’est indigné le premier, “indigné
par le procédé, indigné par le mensonge, indigné
par l’outrance (...) Il doit y avoir des limites à la calomnie.
Hier, on faisait circuler une rumeur fantaisiste sur une grave maladie
qui m’aurait atteint, sous-entendu, je ne serais plus capable d’assumer
mes fonctions. Aujourd’hui, on rapporte une histoire abracadabrantesque.
On fait parler un homme mort depuis plus d’un an, on disserte sur des faits
vieux de quatorze ans.”
Photo d’archives du président Chirac (22 mai
1988)
le montrant au sud de la France avec l’ex-maire RPR
de Meymac, Georges Pérol, mentionné
dans la seconde
partie des confessions de Jean-Claude Méry.
IMMUNITÉ PÉNALE
Le président de la République qui peut se prévaloir
d’une immunité pénale le protégeant durant son mandat
en vertu d’une décision du Conseil constitutionnel arrêtée
le 22 janvier 1999, a néanmoins demandé à la Justice
de se saisir de l’affaire, étant entendu qu’il est difficile de
faire parler un mort et de rendre définitivement crédible
le témoignage d’une vidéocassette.
Les juges parisiens Marc Brisset-Foucault et Armand Riberolles ont
saisi les “confessions posthumes” et interrogé les anciens avocats
de Jean-Claude Méry pour retrouver l’enregistrement original de
ces confessions et retrouver les traces des documents écrits dont
elles annoncent l’existence.
Un nouvel élément est venu brouiller le paysage politique.
Dominique Strauss-Kahn, ancien ministre de l’Economie, avait détenu
l’original de cette cassette-testament, longtemps avant qu’elle ne soit
révélée par “Le Monde” et a prétendu l’avoir
égarée. Chirac a aussitôt demandé à Jospin
qu’elle “soit diligentée, dans les meilleurs délais, une
enquête au sein de l’administration fiscale, pour vérifier
dans quelles circonstances et dans quelles conditions une transaction fiscale
aurait pu être opérée” à l’époque où
DSK avait reçu la vidéocassette. Selon Michèle Alliot-Marie,
présidente du RPR, l’entrée en ligne de DSK “est une affaire
très grave, peut-être même d’ailleurs une affaire d’Etat”.
Le “timing” des révélations, les coups de boutoir lancés
ces derniers temps au sujet de Chirac quant à sa santé, ses
vacances coûteuses à l’Ile Maurice, prouvent que la campagne
de la présidentielle de 2002 précédée des municipales
au printemps prochain et des législatives, est bien lancée
et que la bataille s’annonce féroce, voire cruelle. Les coups bas
n’y manquent pas et pas une zone d’ombre du passé proche ou lointain
n’échappera au scalpel des analystes.
En dépit de cette tempête politico-judiciaire, Chirac
maintient, semble-t-il, la barre assez haut. Puisque selon un sondage BVA
réalisé auprès de 954 personnes entre les 22 et 23
septembre, 78% des sondés affirment n’avoir pas changé d’opinion,
à la suite des “confessions “ à l’égard du chef de
l’Etat.