À PRAGUE, CHEMINS CROISÉS DE LA CONTESTATION ET DE LA HAUTE FINANCE
La tradition en a été lancée à Seattle en novembre-décembre 1999, à l’occasion du lancement manqué par l’OMC du “round du millénaire”. Les organisations syndicales, écologiques, les ONG de tout acabit qui en avaient fait le siège, avaient contribué à son échec. Bien partis, ces groupements hétéroclites ont récidivé à Davos, à Washington et à Bangkok, opposant par des manifestations hautes en couleurs, la misère du monde aux décideurs de la haute finance internationale.
 
Affrontements entre militants et politiciens.
Le directeur du FMI, Horst Köhler reçoit 
le chanteur Bono du groupe irlandais U2, 
venu défendre les objectifs de Jubilé 2000.

Ces groupements ne pouvaient donc pas rater les réunions de Prague où se sont succédé les grands argentiers du G7 et les directeurs des grandes institutions financières internationales, ainsi que le FMI et la Banque mondiale. Les autorités tchèques avaient multiplié les barrages, réduit les déplacements, interdit l’accès du pays à nombre de contestataires. Mais ceux-ci sont parvenus à forcer tous les barrages, souvent infiltrés par des anarchistes et des communistes orthodoxes et à scander leurs slogans anti-mondialisation.
En dépit du folklore qu’ils déploient, de la violence qui les tente et des excès de leurs anathèmes, leurs discours, notamment celui du Jubilé 2000 qui avait recueilli 17 millions de signatures dans 65 pays, commencent à porter. L’appel de cette coalition internationale avait déjà été entendu l’an dernier au sommet du G7 à Cologne. Etant donné sa détermination, il devra forcer certaines résistances. Selon Jubilé 2000, 19.000 enfants meurent chaque jour dans les pays pauvres qui ploient sous le service de la dette et ne parviennent à investir ni dans le domaine de la santé ni celui de l’éducation. “Nous n’allons plus nous contenter de demi-mesures dont ils semblent être fiers, s’indigne Ann Pettifor, directrice de cette coalition. Nous voulons qu’ils sachent que nous ne baisserons pas les bras avant qu’ils n’annulent à 100% les dettes des pays les plus pauvres”. Cette revendication s’inscrit dans un cadre bien plus vaste, celui de la lutte contre la mondialisation accusée de servir les pays riches au détriment des pays pauvres.


A Prague, les militants anti-mondialisation
réclament de la nourriture et non des bombes.

La lutte promet d’être longue, bien que des ponts aient été déjà établis entre le FMI, la Banque mondiale et les ONG et des efforts substantiels (et néanmoins insuffisants) accomplis pour la réduction des dettes des pays les plus pauvres et le développement de la lutte contre la pauvreté.
Ces manifestations n’ont pu occulter les travaux accomplis par le G7 réuni le week-end dernier dans la capitale tchèque. Les ministres des Finances ainsi que les directeurs des banques centrales des pays les plus industrialisés ont planché sur le redressement de l’euro et la lutte contre la flambée du cours du pétrole. Ils avaient été revigorés deux jours auparavant par l’intervention concertée (et pour la première fois depuis cinq ans) de la Réserve fédérale américaine (Fed), la Banque du Japon, la Banque d’Angleterre, la Banque centrale du Canada et la Banque centrale européenne (BCE) pour soutenir l’euro.
En parallèle, Bill Clinton à l’instigation d’Al Gore, avait fait entrer la crise du pétrole dans la campagne présidentielle américaine et autorisé, “en prévision de l’hiver”, le prélèvement prochainement de 5 millions de barils/jour à cinq ou six reprises. Les Etats-Unis disposent de 570 millions de barils/jour en réserves stratégiques au Texas et dans la Louisiane. Ils y avaient puisé, pour la première fois en 25 ans, en 1991 lors de la guerre du Golfe. Ce qui a incité le candidat républicain George W. Bush à monter au créneau et dénoncer ce qu’il a présenté comme une mesure électorale. Les ministres du G7 ont applaudi à cette initiative, ayant les yeux braqués sur la réunion des chefs d’Etat des pays de l’Opep, les 27 et 28 septembre à Caracas.

Par EVELYNE MASSOUD

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