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UN OBJECTIF POUR UN CABINET ÉQUILIBRÉ
La question des rapports libano-syriens, telle que Bkerké l’a soulevée plus solennellement que d’habitude, a donc suscité immédiatement une réponse qui se voulait compréhensive et nuancée, des autorités religieuses sunnites et chiites. La voie semblait ainsi s’ouvrir pour un dialogue sérieux. La prise de position du chef de l’Etat est alors venue couper court à ce genre de débat. Les parties sont renvoyées dos à dos. La question des rapports avec la Syrie ne relève que de la compétence de l’Etat, c’est à cela que semble se résumer la réplique présidentielle.
Cela n’a pas empêché les sections libanaises des partis politiques syriens (Baas et PSNS), ainsi que le Hezbollah et autres groupements islamistes de s’indigner et de se voiler la face devant “l’audace” des évêques. Les commentaires de la presse officielle de Damas leur ont apporté des encouragements. Et c’est à peine si on a évité une franche accusation de collusion avec Israël!...
Ainsi, on en arrive à cette conclusion que si, pour Bkerké et pour les Muftis sunnite et chiite, le sujet peut être l’objet d’un dialogue, en revanche, il n’est pas à l’ordre du jour des responsables de l’Etat, ni à Beyrouth, ni à Damas.
On est donc prié de parler d’autre chose.

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Or, on se trouve dans une période de mise en place d’une nouvelle Assemblée nationale élue et de l’élaboration d’un nouveau gouvernement issu de cette Assemblée.
Pour la formation de ce gouvernement, beaucoup de voix se sont élevées, particulièrement parmi ceux qui préconisent le silence sur les relations libano-syriennes, pour insister sur la nécessité de choisir les membres du gouvernement en fonction du programme à réaliser. En même temps, on parle d’un Cabinet largement représentatif et d’équilibre national à respecter.
Sur la base de cette orientation, si illusoire qu’elle puisse paraître, on pose un principe qui mène nécessairement à l’inclusion dans le gouvernement projeté, des représentants des principales tendances qui se sont exprimées sur ce sujet controversé des relations avec la Syrie.
S’il doit en être ainsi, comme logiquement cela devrait être, il ne sera plus possible d’éviter le débat. Et ainsi que le chef de l’Etat vient de le préconiser, ce débat pourra alors se dérouler dans le cadre des institutions représentatives et non plus sur la place publique.
Autrement dit, pour être plus clair, le nouveau gouvernement devra faire figurer dans son programme la révision des rapports libano-syriens; faute de quoi, aucun des partisans de cette révision ne pourrait y figurer, particulièrement les plus notables parmi ceux qui se sont rendus à Bkerké pour manifester leur appui au patriarche. Sans eux, on ne pourra plus prétendre à un Cabinet largement représentatif et équilibré.
Il faut savoir ce qu’on veut.

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Dans l’état actuel des choses, les rapports libano-syriens, tels qu’ils fonctionnent depuis plus de dix ans, sont la conséquence d’une situation de fait issue de la guerre civile et du rôle que la Syrie y a joué. On peut, difficilement, soutenir qu’ils résultent du libre choix des responsables de l’Etat libanais, quels qu’ils soient, qui se sont succédé au pouvoir depuis 1990. L’orientation était donnée par Damas et les responsables libanais lui ont trouvé assez de justifications pour s’y conformer.
L’heure est venue de dresser un bilan et d’en tirer des conclusions pour l’avenir dans un esprit de collaboration et de fraternité, comme il se doit, selon Bkerké. C’est possible, ont répondu le Mufti de la République et le vice-président du conseil chiite, pourvu qu’on demeure fidèle au principe des “relations privilégiées”. De son côté, le leader druze, M. Walid Joumblatt, qui est censé participer à toute combinaison ministérielle, a exprimé des idées dans le même sens, allant jusqu’à invoquer la mémoire de l’émir Fakhreddine. Pourra-t-il se dédire?
“C’est une affaire d’Etat”, a enfin proclamé le président de la République.
L’essentiel est là. Si l’on veut bien ne pas s’appesantir sur les réflexions accessoires qui, dans ces divers discours (et dans beaucoup d’autres moins responsables) sont de nature à créer le trouble dans les esprits, on s’emploiera, désormais, à choisir les personnalités qui peuvent participer à un gouvernement au sein duquel le dialogue sur l’évolution nécessaire des rapports libano-syriens pourra s’engager et conduire à des propositions satisfaisantes pour tout le monde.
Sur ce sujet, qui n’est pas nouveau dans l’Histoire agitée des deux pays, il est temps de faire preuve de maturité politique, de lucidité et d’honnêteté intellectuelle.
L’intérêt commun l’exige. 


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