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![]() pierres sur les soldats israéliens devant la mosquée Al-Aqsa, à Jérusalem. |
Si la visite d’Ariel Sharon, chef du Likoud, à l’Esplanade des
mosquées, à Jérusalem a mis le feu aux poudres, il
est certain que les incidents n’auraient jamais pris une telle ampleur
ni dégénéré en un conflit sanglant, si le feu
ne couvait déjà sous la cendre. En toute logique, on ne peut
séparer les événements dramatiques que viennent de
vivre la bande de Gaza, les territoires autonomes de Cisjordanie et même
certaines localités d’Israël à majorité arabe,
des méandres du processus de paix israélo-palestinien. Il
n’y a pas de génération spontanée et un même
fil conducteur lie la présente déflagration de violence meurtrière,
à l’échec du sommet de Camp David, trois mois auparavant,
au renvoi sine die de la proclamation d’un Etat palestinien, initialement
prévue pour le 13 septembre, à la montée de l’extrémisme
d’un côté comme de l’autre.
Au mois de juillet, le sommet de Camp David, dans ses deux phases,
sur lequel le président américain Bill Clinton, le Premier
ministre israélien, le chef de l’Autorité palestinienne et
la communauté internationale avaient fondé de grands espoirs,
s’était soldé par un échec. Les cinq principaux points
litigieux concernant l’entité palestinienne, les frontières
du futur Etat palestinien, le sort des réfugiés de 1948,
des colonies juives en Cisjordanie et, surtout, du statut de Jérusalem,
n’avaient point été réglés.
Il y avait eu quelques avancées dans l’un ou l’autre dossier,
mais rien de définitif. A son grand regret, le chef de la Maison-Blanche
s’était résigné à annoncer l’échec de
Camp David II en affirmant: “Après quatorze jours de négociations
intensives entre les délégations israéliennes et palestiniennes,
j’ai conclu avec regret qu’elles ne sont pas capables, à ce stade,
de parvenir à un accord”. Il a rappelé, aussi, ce qu’il avait
dit à l’ouverture du sommet “que le succès était loin
d’être garanti, en raison des dimensions historique, religieuse,
politique et émotionnelle du conflit”.
Les images qui ont bouleversé le monde.
LES PRéMICES DE LA NOUVELLE INTIFADA
En évoquant les implications de l’échec de Camp David,
nous avions prévu des remous dans la région qui allait “traverser
une phase à hauts risques” et “une nouvelle Intifada”, MM. Barak
et Arafat étant confrontés à une opposition interne
farouche. De fait, la droite, les colons et l’extrême-droite israélienne
n’ont cessé d’accuser le Travailliste Barak d’accorder trop de concessions
aux Palestiniens, pendant qu’en face, le “Hamas” continuait à réclamer
la lutte armée “pour récupérer tous les droits spoliés
des Palestiniens”, en dépit du fait que Yasser Arafat avait refusé
tout compromis sur Jérusalem clamant: “Le dirigeant arabe qui abandonnerait
“al-Qods” n’est pas encore né”.
Le report de la proclamation de l’Etat palestinien, prévue pour
le 13 septembre, suite à une décision du Conseil central
de l’OLP, n’avait pas amélioré le dialogue entre Abou-Ammar
et les courants d’opposition islamistes ou de gauche au sein de l’entité
palestinienne.
Ce report a, par contre, fait miroiter une nouvelle chance pour la
paix. En marge du sommet du millénaire tenu à New York à
la mi-septembre, le président Clinton avait rencontré, séparément,
Barak et Arafat pour tenter de relancer le dialogue. Les efforts déployés
par l’administration américaine et la détermination du président
Clinton à parvenir à un accord avant son départ de
la Maison-Blanche, ont finalement porté leurs fruits. L’heure des
choix difficiles venait peut-être de sonner. Le statut de Jérusalem-Est,
occupé et annexé par Israël depuis juin 1967, demeurait
la pierre d’achoppement des négociations. Mais on essayait, tant
bien que mal, de cerner davantage le problème et le nœud gordien
se situait au niveau des lieux saints et, plus particulièrement,
“l’Esplanade des Mosquées” (Al-Haram al-Charif), troisième
lieu saint de l’Islam. Mais par une froide ironie du sort, les deux mosquées
d’al-Aqsa et du Rocher ont été édifiées sur
le Mont du Temple, site de l’antique Temple de Salomon détruit en
70 après J.-C. et dont il ne reste que le Mur des Lamentations.
![]() Le combat de David contre Goliath. |
![]() participent aux émeutes. |
L’ENGRENAGE DE LA VIOLENCE
A l’heure où une solution, du moins partielle, était
à portée de main, en attendant un accord final, tout a basculé.
Jeudi 28 septembre, le chef du Likoud, Ariel Sharon choisit de se rendre
en visite sur l’Esplanade des Mosquées, accompagné de plusieurs
députés de sa formation et entouré d’un important
dispositif de sécurité.
Le jour même, dans une interview accordée au “Jerusalem
Post”, Ehud Barak affirmait que Jérusalem et al-Qods seront les
deux capitales situées, côte à côte d’Israël
et des Palestiniens, tout en insistant sur la souveraineté de l’Etat
juif sur les lieux saints. “Aucun Premier ministre juif, dit-il, ne consentira
jamais à transférer la souveraineté sur le Mont du
Temple aux Palestiniens ou à un organisme islamique”.
Si les propos de Barak pouvaient être perçus comme un
indice de solution, la visite plus que controversée de Sharon à
l’Esplanade des Mosquées a déclenché, sur le champ,
des manifestations dans la vieille ville de Jérusalem, en signe
de protestation.
Les choses ne s’arrêteront pas là et dans les jours qui
suivent les affrontements vont se répandre telle une traînée
de poudre à l’ensemble du territoire palestinien et même à
l’intérieur d’Israël, prenant une ampleur dramatique.
Les victimes tombent, l’escalade dégénère en batailles
rangées. Israéliens et Palestiniens engagent un dialogue
de sourds, chacun rejetant sur l’autre la responsabilité de cet
engrenage de la violence.
Au troisième jour des affrontements et face à l’escalade
de la violence, l’Etat hébreu déploie son matériel
lourd, notamment des blindés et des hélicoptères de
combats, alors qu’en face la police palestinienne entre dans la ronde aux
côtés des lanceurs de pierres. Fait nouveau: la violence déborde
le cadre de Gaza et de Cisjordanie pour s’étendre aux localités
arabes d’Israël où de véritables émeutes ont
lieu. Plus d’un million d’Arabes vivant en Israël depuis 1948, ont
la nationalité israélienne. Le fait qu’ils se solidarisent
avec les Palestiniens des territoires autonomes est perçu par les
analystes comme un phénomène inquiétant et renforce
la thèse des extrémistes juifs qui affirment “qu’il n’y a
pas moyen de s’entendre entre Arabes et juifs”.
Partout, dans les territoires palestiniens, les funérailles
se multiplient et l’image du petit Rami, mort dans les bras de son père
qui tentait de le protéger, est projetée sur tous les petits
écrans du monde, plongeant Israël dans l’embarras.
Les appels au calme se multiplient, mais en vain. Une trêve conclue
dans la nuit du lundi 2 au mardi 3 octobre, n’est pas respectée.
Israéliens et Palestiniens s’accusent, mutuellement, de cette
flambée de violence.
L’Autorité palestinienne réclame, la formation
d’une commission d’enquête pour établir la responsabilité
de la tuerie sur l’Esplanade des Mosquées.
![]() Assad-Mobarak: La nécessité d’un sommet arabe. |
![]() après la réunion houleuse de Paris. |
APPELS AU CLAME
Dès les premiers jours des affrontements sanglants, la communauté
internationale se mobilise pour tenter d’arrêter ce bain de sang
et sauver les progrès réalisés au niveau du processus
de paix.
Le monde arabe, de son côté, apporte sa contribution aux
efforts de médiation et manifeste un net appui aux Palestiniens.
La situation dans les territoires autonomes est, d’ailleurs, l’un des
sujets dominants de la rencontre au sommet entre les présidents
égyptien et syrien au Caire. M. Bachar Assad qui effectuait sa première
visite officielle à l’étranger depuis son accession au pouvoir,
s’est entretenu pendant plus de quatre heures avec le Raïs égyptien
au palais présidentiel.
Les deux hommes ont dénoncé les affrontements sanglants
dans les territoires palestiniens et en Israël et appelé à
la tenue d’un sommet arabe.
Quant à la masse arabe, elle a témoigné de son
appui total aux Palestiniens par des manifestations monstres au Liban,
en Syrie, en Egypte et en Jordanie...
DANGER POUR LE LIBAN?
La situation dans les territoires palestiniens peut, par ailleurs,
avoir de graves répercussions sur la scène libanaise où
on compte près d’un demi-million de réfugiés palestiniens,
disposant dans leurs camps de véritables arsenaux militaires.
Lors de la manifestation organisée au camp de Aïn-el-Héloué,
près de Saïda, des centaines de Palestiniens, en treillis militaires,
brandissant fusils d’assaut Kalachnikov et lance-roquettes, ont défilé
sur la place publique.
ÉBAUCHE D’UN ACCORD À PARIS
Le mercredi 4 octobre, le regard du monde était tourné
vers Paris qui a été le théâtre d’un véritable
branle-bas de “combat diplomatique” en vue de faire taire le langage des
armes au Proche-Orient.
La capitale française a accueilli les deux dirigeants israélien
et palestinien, qui y ont tenu une rencontre qualifiée de cruciale,
avec Mme Madeleine Albright, secrétaire d’Etat américain,
à l’initiative du président Bill Clinton.
La tâche n’a pas été aisée et le suspense
durera jusqu’au soir.
Dans un premier temps, le président Chirac a rencontré,
séparément, MM. Arafat et Barak au palais de l’Elysée.
Mme Albright a tenu, ensuite, deux réunions, avec chacun des deux
leaders, à part, au siège de l’ambassade américaine
à Paris.
M. Arafat a posé comme condition préalable à tout
dialogue avec M. Barak, l’arrêt des attaques contre le peuple palestinien,
le retrait des troupes israéliennes et des blindés aux positions
qu’ils occupaient avant l’“Intifada d’al-Aqsa” et, surtout, la constitution
d’une commission internationale d’enquête pour déterminer
les responsabilités.
M. Barak a rejeté l’idée de cette commission et proposé
qu’elle se limite aux Israéliens et aux Palestiniens sous parrainage
américain. Il a fait assumer à l’Autorité palestinienne
et à Arafat la responsabilité de la vague de violence.
Mais, en dépit de leurs divergences, les deux hommes se disent
toujours attachés au processus de paix. Les efforts déployés
tout au long de la journée du mercredi par M. Chirac et Mme Albright
finiront par porter leur fruit. En début de soirée, la rencontre
tripartite Barak-Arafat-Albright a finalement eu lieu. Les discussions
qui se sont déroulées dans un climat tendu ont duré
près de cinq heures sans aboutir, toutefois, à un accord.
D’où une certaine déception à l’issue de cette
longue journée diplomatique à Paris que l’on souhaitait fructueuse.
D’autant plus que M. Barak annonçait qu’il ne se rendrait pas à
Charm el-Cheikh, sommet qui devait se tenir le jeudi 5 (hier) à
l’initiative du président Hosni Moubarak, en vue de finaliser un
accord entre les deux dirigeants en présence de Mme Albright.
D’où la question: Quelle tournure prendra l’“Intifada d’al-Aqsa”,
en l’absence d’un accord?
L’UNION DES JOURNALISTES ARABES DÉNONCE
LES MASSACRES
MM. Mohamed Baalbaki et Melhem Karam, présidents des Ordres de la Presse et des journalistes, ont reçu de M. Salaheddine Hafez, président de l’Union des journalistes arabes, une dépêche du secrétariat général de l’UJA dénonçant les massacres barbares perpétrés par les forces israéliennes d’occupation à Jérusalem et en Cisjordanie. “Ce qui se produit dans la Ville sainte et les territoires occupés,
observe M. Hafez, reflète le visage véritable d’Israël
qui parle de paix, mais agit en vue d’en torpiller le processus par tous
les procédés, tout en manœuvrant sur la table des négociations
pour gagner du temps, perdre les occasions de la réaliser et faire
du chantage aux Arabes, en s’appuyant sur le soutien et la partialité
américains flagrants. Le secrétariat général
de l’UJA est plus que jamais persuadé que l’Etat hébreu ne
veut pas la paix, mais s’emploie à imposer la capitulation aux Palestiniens.
C’est pourquoi, l’UJA demande aux gouvernements arabes d’adopter une position
pratique unifiée, de prendre des mesures destinées à
arrêter toutes les formes de normalisation et de contact avec Israël
et d’imposer de nouveau le boycottage arabe total.”
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LES ORDRES DES PROFESSIONS LIBÉRALES
RÉCLAMENT LA TENUE D’URGENCE D’UN SOMMET ARABE
Réunis sous la présidence de Me Michel Liane, bâtonnier des avocats de Beyrouth, les présidents des Ordres des professions libérales ont réclamé la tenue d’urgence d’un sommet arabe pour débattre de la situation en Palestine et prendre les résolutions qui s’imposent.. Après des interventions de MM. Liane, Samir Doumet, président
de l’Ordre des ingénieurs; Rachid Derbas, bâtonnier des avocats
nordistes et Melhem Karam, président de l’Ordre des journalistes,
les personnes présentes ont dénoncé la répression
barbare et sanglante dans les territoires occupés.
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