CYCLE DE VIOLENCE À JÉRUSALEM ET EN CISJORDANIE
LE PROCESSUS DE PAIX COMPROMIS
Face à cette nouvelle “Intifada” palestinienne qui a fait, en six jours, plus de 60 tués et un millier de blessés, une question cruciale s’impose: quel avenir pour le processus de paix et faudra-t-il en faire son deuil? La gravité des affrontements ayant embrasé et ensanglanté les territoires autonomes et même certaines villes arabes d’Israël, atteste en premier lieu des obstacles considérables auxquels se heurte un accord de paix. Du même coup, la flambée de violence montre à quel point il est crucial, pour les Israéliens, autant que pour les Palestiniens, de trouver un terrain d’entente, une telle situation étant insoutenable pour toutes les parties. La mobilisation internationale tant américaine, française, européenne, onusienne et arabe montre, aussi, à quel point, la recherche de la paix est aux yeux de tous plus que jamais impérative sinon, tout le Proche-Orient peut basculer dans l’inconnu. Selon les analystes politiques, ces événements ne vont pas compromettre de façon durable le processus de paix, mais peser sur les négociations appelées à se poursuivre dans les mois à venir, notamment en ce qui concerne Jérusalem et, plus globalement, le statut définitif du territoire palestinien. A l’évidence, ajoutent les analystes, ces événements ont mis en évidence toute la fragilité du processus et la nécessité de le consolider sur des bases solides.
Place donc à la diplomatie, à l’action politique et au dialogue pour enrayer la spirale de la violence et remettre le processus en marche.
 
Des jeunes Palestiniens lançant des 
pierres sur les soldats israéliens devant 
la mosquée Al-Aqsa, à Jérusalem.

Si la visite d’Ariel Sharon, chef du Likoud, à l’Esplanade des mosquées, à Jérusalem a mis le feu aux poudres, il est certain que les incidents n’auraient jamais pris une telle ampleur ni dégénéré en un conflit sanglant, si le feu ne couvait déjà sous la cendre. En toute logique, on ne peut séparer les événements dramatiques que viennent de vivre la bande de Gaza, les territoires autonomes de Cisjordanie et même certaines localités d’Israël à majorité arabe, des méandres du processus de paix israélo-palestinien. Il n’y a pas de génération spontanée et un même fil conducteur lie la présente déflagration de violence meurtrière, à l’échec du sommet de Camp David, trois mois auparavant, au renvoi sine die de la proclamation d’un Etat palestinien, initialement prévue pour le 13 septembre, à la montée de l’extrémisme d’un côté comme de l’autre.
Au mois de juillet, le sommet de Camp David, dans ses deux phases, sur lequel le président américain Bill Clinton, le Premier ministre israélien, le chef de l’Autorité palestinienne et la communauté internationale avaient fondé de grands espoirs, s’était soldé par un échec. Les cinq principaux points litigieux concernant l’entité palestinienne, les frontières du futur Etat palestinien, le sort des réfugiés de 1948, des colonies juives en Cisjordanie et, surtout, du statut de Jérusalem, n’avaient point été réglés.
Il y avait eu quelques avancées dans l’un ou l’autre dossier, mais rien de définitif. A son grand regret, le chef de la Maison-Blanche s’était résigné à annoncer l’échec de Camp David II en affirmant: “Après quatorze jours de négociations intensives entre les délégations israéliennes et palestiniennes, j’ai conclu avec regret qu’elles ne sont pas capables, à ce stade, de parvenir à un accord”. Il a rappelé, aussi, ce qu’il avait dit à l’ouverture du sommet “que le succès était loin d’être garanti, en raison des dimensions historique, religieuse, politique et émotionnelle du conflit”.


Les images qui ont bouleversé le monde.

LES PRéMICES DE LA NOUVELLE INTIFADA
En évoquant les implications de l’échec de Camp David, nous avions prévu des remous dans la région qui allait “traverser une phase à hauts risques” et “une nouvelle Intifada”, MM. Barak et Arafat étant confrontés à une opposition interne farouche. De fait, la droite, les colons et l’extrême-droite israélienne n’ont cessé d’accuser le Travailliste Barak d’accorder trop de concessions aux Palestiniens, pendant qu’en face, le “Hamas” continuait à réclamer la lutte armée “pour récupérer tous les droits spoliés des Palestiniens”, en dépit du fait que Yasser Arafat avait refusé tout compromis sur Jérusalem clamant: “Le dirigeant arabe qui abandonnerait “al-Qods” n’est pas encore né”.
Le report de la proclamation de l’Etat palestinien, prévue pour le 13 septembre, suite à une décision du Conseil central de l’OLP, n’avait pas amélioré le dialogue entre Abou-Ammar et les courants d’opposition islamistes ou de gauche au sein de l’entité palestinienne.
Ce report a, par contre, fait miroiter une nouvelle chance pour la paix. En marge du sommet du millénaire tenu à New York à la mi-septembre, le président Clinton avait rencontré, séparément, Barak et Arafat pour tenter de relancer le dialogue. Les efforts déployés par l’administration américaine et la détermination du président Clinton à parvenir à un accord avant son départ de la Maison-Blanche, ont finalement porté leurs fruits. L’heure des choix difficiles venait peut-être de sonner. Le statut de Jérusalem-Est, occupé et annexé par Israël depuis juin 1967, demeurait la pierre d’achoppement des négociations. Mais on essayait, tant bien que mal, de cerner davantage le problème et le nœud gordien se situait au niveau des lieux saints et, plus particulièrement, “l’Esplanade des Mosquées” (Al-Haram al-Charif), troisième lieu saint de l’Islam. Mais par une froide ironie du sort, les deux mosquées d’al-Aqsa et du Rocher ont été édifiées sur le Mont du Temple, site de l’antique Temple de Salomon détruit en 70 après J.-C. et dont il ne reste que le Mur des Lamentations.

Le combat de David contre Goliath.
Les arabes israéliens 
participent aux émeutes.

L’ENGRENAGE DE LA VIOLENCE
A l’heure où une solution, du moins partielle, était à portée de main, en attendant un accord final, tout a basculé.
Jeudi 28 septembre, le chef du Likoud, Ariel Sharon choisit de se rendre en visite sur l’Esplanade des Mosquées, accompagné de plusieurs députés de sa formation et entouré d’un important dispositif de sécurité.
Le jour même, dans une interview accordée au “Jerusalem Post”, Ehud Barak affirmait que Jérusalem et al-Qods seront les deux capitales situées, côte à côte d’Israël et des Palestiniens, tout en insistant sur la souveraineté de l’Etat juif sur les lieux saints. “Aucun Premier ministre juif, dit-il, ne consentira jamais à transférer la souveraineté sur le Mont du Temple aux Palestiniens ou à un organisme islamique”.
Si les propos de Barak pouvaient être perçus comme un indice de solution, la visite plus que controversée de Sharon à l’Esplanade des Mosquées a déclenché, sur le champ, des manifestations dans la vieille ville de Jérusalem, en signe de protestation.
Les choses ne s’arrêteront pas là et dans les jours qui suivent les affrontements vont se répandre telle une traînée de poudre à l’ensemble du territoire palestinien et même à l’intérieur d’Israël, prenant une ampleur dramatique.
Les victimes tombent, l’escalade dégénère en batailles rangées. Israéliens et Palestiniens engagent un dialogue de sourds, chacun rejetant sur l’autre la responsabilité de cet engrenage de la violence.
Au troisième jour des affrontements et face à l’escalade de la violence, l’Etat hébreu déploie son matériel lourd, notamment des blindés et des hélicoptères de combats, alors qu’en face la police palestinienne entre dans la ronde aux côtés des lanceurs de pierres. Fait nouveau: la violence déborde le cadre de Gaza et de Cisjordanie pour s’étendre aux localités arabes d’Israël où de véritables émeutes ont lieu. Plus d’un million d’Arabes vivant en Israël depuis 1948, ont la nationalité israélienne. Le fait qu’ils se solidarisent avec les Palestiniens des territoires autonomes est perçu par les analystes comme un phénomène inquiétant et renforce la thèse des extrémistes juifs qui affirment “qu’il n’y a pas moyen de s’entendre entre Arabes et juifs”.
Partout, dans les territoires palestiniens, les funérailles se multiplient et l’image du petit Rami, mort dans les bras de son père qui tentait de le protéger, est projetée sur tous les petits écrans du monde, plongeant Israël dans l’embarras.
Les appels au calme se multiplient, mais en vain. Une trêve conclue dans la nuit du lundi 2 au mardi 3 octobre, n’est pas respectée.
Israéliens et Palestiniens s’accusent, mutuellement, de cette flambée de violence.
L’Autorité palestinienne  réclame, la formation d’une commission d’enquête pour établir la responsabilité de la tuerie sur l’Esplanade des Mosquées.

Assad-Mobarak: La nécessité 
d’un sommet arabe.
Sourires figés ou mines sombres 
après la réunion houleuse de Paris.

APPELS AU CLAME
Dès les premiers jours des affrontements sanglants, la communauté internationale se mobilise pour tenter d’arrêter ce bain de sang et sauver les progrès réalisés au niveau du processus de paix.
Le monde arabe, de son côté, apporte sa contribution aux efforts de médiation et manifeste un net appui aux Palestiniens.
La situation dans les territoires autonomes est, d’ailleurs, l’un des sujets dominants de la rencontre au sommet entre les présidents égyptien et syrien au Caire. M. Bachar Assad qui effectuait sa première visite officielle à l’étranger depuis son accession au pouvoir, s’est entretenu pendant plus de quatre heures avec le Raïs égyptien au palais présidentiel.
Les deux hommes ont dénoncé les affrontements sanglants dans les territoires palestiniens et en Israël et appelé à la tenue d’un sommet arabe.
Quant à la masse arabe, elle a témoigné de son appui total aux Palestiniens par des manifestations monstres au Liban, en Syrie, en Egypte et en Jordanie...

DANGER POUR LE LIBAN?
La situation dans les territoires palestiniens peut, par ailleurs, avoir de graves répercussions sur la scène libanaise où on compte près d’un demi-million de réfugiés palestiniens, disposant dans leurs camps de véritables arsenaux militaires.
Lors de la manifestation organisée au camp de Aïn-el-Héloué, près de Saïda, des centaines de Palestiniens, en treillis militaires, brandissant fusils d’assaut Kalachnikov et lance-roquettes, ont défilé sur la place publique.

ÉBAUCHE D’UN ACCORD À PARIS
Le mercredi 4 octobre, le regard du monde était tourné vers Paris qui a été le théâtre d’un véritable branle-bas de “combat diplomatique” en vue de faire taire le langage des armes au Proche-Orient.
La capitale française a accueilli les deux dirigeants israélien et palestinien, qui y ont tenu une rencontre qualifiée de cruciale, avec Mme Madeleine Albright, secrétaire d’Etat américain, à l’initiative du président Bill Clinton.
La tâche n’a pas été aisée et le suspense durera jusqu’au soir.
Dans un premier temps, le président Chirac a rencontré, séparément, MM. Arafat et Barak au palais de l’Elysée. Mme Albright a tenu, ensuite, deux réunions, avec chacun des deux leaders, à part, au siège de l’ambassade américaine à Paris.
M. Arafat a posé comme condition préalable à tout dialogue avec M. Barak, l’arrêt des attaques contre le peuple palestinien, le retrait des troupes israéliennes et des blindés aux positions qu’ils occupaient avant l’“Intifada d’al-Aqsa” et, surtout, la constitution d’une commission internationale d’enquête pour déterminer les responsabilités.
M. Barak a rejeté l’idée de cette commission et proposé qu’elle se limite aux Israéliens et aux Palestiniens sous parrainage américain. Il a fait assumer à l’Autorité palestinienne et à Arafat la responsabilité de la vague de violence.
Mais, en dépit de leurs divergences, les deux hommes se disent toujours attachés au processus de paix. Les efforts déployés tout au long de la journée du mercredi par M. Chirac et Mme Albright finiront par porter leur fruit. En début de soirée, la rencontre tripartite Barak-Arafat-Albright a finalement eu lieu. Les discussions qui se sont déroulées dans un climat tendu ont duré près de cinq heures sans aboutir, toutefois, à un accord.
D’où une certaine déception à l’issue de cette longue journée diplomatique à Paris que l’on souhaitait fructueuse. D’autant plus que M. Barak annonçait qu’il ne se rendrait pas à Charm el-Cheikh, sommet qui devait se tenir le jeudi 5 (hier) à l’initiative du président Hosni Moubarak, en vue de finaliser un accord entre les deux dirigeants en présence de Mme Albright.
D’où la question: Quelle tournure prendra l’“Intifada d’al-Aqsa”, en l’absence d’un accord?
 
L’UNION DES JOURNALISTES ARABES DÉNONCE LES MASSACRES
MM. Mohamed Baalbaki et Melhem Karam, présidents des Ordres de la Presse et des journalistes, ont reçu de M. Salaheddine Hafez, président de l’Union des journalistes arabes, une dépêche du secrétariat général de l’UJA dénonçant les massacres barbares perpétrés par les forces israéliennes d’occupation à Jérusalem et en Cisjordanie. 

“Ce qui se produit dans la Ville sainte et les territoires occupés, observe M. Hafez, reflète le visage véritable d’Israël qui parle de paix, mais agit en vue d’en torpiller le processus par tous les procédés, tout en manœuvrant sur la table des négociations pour gagner du temps, perdre les occasions de la réaliser et faire du chantage aux Arabes, en s’appuyant sur le soutien et la partialité américains flagrants. Le secrétariat général de l’UJA est plus que jamais persuadé que l’Etat hébreu ne veut pas la paix, mais s’emploie à imposer la capitulation aux Palestiniens. C’est pourquoi, l’UJA demande aux gouvernements arabes d’adopter une position pratique unifiée, de prendre des mesures destinées à arrêter toutes les formes de normalisation et de contact avec Israël et d’imposer de nouveau le boycottage arabe total.” 
Le secrétariat général de l’UJA estime que l’assouplissement des positions arabes vis-à-vis de la politique de répression israélienne, a encouragé Israël à élargir son extension et à annexer d’autres territoires arabes, tout en méconnaissant les droits des peuples de la région. “Ceci a eu pour conséquence d’inciter l’Amérique à faire montre de plus de partialité à l’égard de l’Etat hébreu aux dépens des intérêts arabes, sans prêter l’oreille à toute voix arabe”.
Enfin, le secrétariat général de l’UJA réclame la tenue urgente d’un sommet arabe, pour mettre au point une stratégie commune, destinée à rétablir l’équilibre des forces, à faire face, avantageusement, à la confrontation avec l’ennemi et à lui imposer une paix juste et globale. 
“De même, il invite les gouvernements arabes à présenter une plainte collective au Conseil de Sécurité”. 

LES ORDRES DES PROFESSIONS LIBÉRALES RÉCLAMENT LA TENUE D’URGENCE D’UN SOMMET ARABE
Réunis sous la présidence de Me Michel Liane, bâtonnier des avocats de Beyrouth, les présidents des Ordres des professions libérales ont réclamé la tenue d’urgence d’un sommet arabe pour débattre de la situation en Palestine et prendre les résolutions qui s’imposent.. 

Après des interventions de MM. Liane, Samir Doumet, président de l’Ordre des ingénieurs; Rachid Derbas, bâtonnier des avocats nordistes et Melhem Karam, président de l’Ordre des journalistes, les personnes présentes ont dénoncé la répression barbare et sanglante dans les territoires occupés. 
“Les présidents des Ordres des professions libérales confirment leur conviction plus que jamais qu’Israël ne veut pas la paix et œuvre en vue d’imposer la capitulation aux Palestiniens, tout en pratiquant l’hégémonie politique et militaire sur tous les Arabes.
“Aussi, demandent-ils aux gouvernements arabes d’adopter une position pratique unifiée, comportant des mesures décisives contre Israël, notamment l’arrêt de toute forme de normalisation et de contact avec l’Etat hébreu et le rétablissement du boycottage arabe global”.
Les présidents des Ordres professionnels considèrent que le relâchement de la position arabe face à la politique de répression et d’agression israélienne, a enhardi Israël et l’a incité à étendre ses visées territoriales, tout en poussant l’Amérique à accroître son soutien absolu à Tel-Aviv aux dépens des intérêts arabes, sans prendre en considération aucune voix arabe.
Tout en réclamant la tenue d’urgence d’un sommet arabe, ils se prononcent en faveur d’une plainte contre Israël auprès du Conseil de Sécurité, à l’effet d’arrêter les massacres. 

NELLY HELOU

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