tribune
LES ASSASSINS DE LA PAIX
Ce qui s’est passé à Jérusalem résume de la manière la plus tragique la faillite de la classe dirigeante en Israël.
Voilà près de dix ans que les pays arabes avec les Palestiniens sont engagés dans des négociations de paix avec ce pays. Beaucoup de chemin a été accompli dans cette perspective au niveau des relations d’Etat à Etat. Mais le plus important aura été l’évolution des esprits: du côté arabe, on a fini par s’adapter à l’idée de paix et de coexistence avec ce qu’on appelait autrefois “l’entité sioniste”. Dans la population israélienne, malgré les résistances et les provocations des partis religieux et de la “droite”, en général, une opinion populaire de plus en plus influente s’est formée reconnaissant le droit des Arabes palestiniens, jusque-là appelés “terroristes”, à un Etat; des intellectuels courageux ont réécrit l’histoire de la création de l’Etat d’Israël et de la spoliation des Arabes.
Soudain, il y eut l’assassinat d’Itzhak Rabin suivi de l’arrivée au pouvoir de Netanyahu.
Le “processus de paix” était, dès lors, bloqué; les sentiments de méfiance et d’hostilité entre les deux populations étaient ranimés délibérément.
Barak est venu remettre la négociation sur ses rails. L’espoir renaissait d’une possibilité de compréhension et de coexistence. Après des hauts et des bas et de nombreux retours en arrière, on semblait sur le point de conclure. C’est alors que les adversaires de la paix, sous la conduite de l’aventurier Ariel Sharon, sont entrés en scène pour perpétrer un second assassinat, cette fois collectif.

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On a dit que M. Sharon était préoccupé par les derniers sondages d’opinion devenus favorables à M. Netanyahu. Il lui fallait donc reprendre en main ses troupes. Il n’a rien imaginé de mieux que d’aller se pavaner sur l’esplanade des mosquées, sachant bien que les Palestiniens ne pourraient pas supporter cette provocation sans réagir. Il s’était donc entouré de gardes du corps fournis par l’Armée de M. Barak. Le résultat, on le connaît: plus de 56 tués et près de 1000 blessés par balles dans la population arabe en cinq jours d’affrontements.
Les émeutes se sont étendues à l’ensemble de la Palestine, en Israël même. L’indignation du monde arabe s’exprime partout sans retenue.
Que fait M. Barak, qui est le premier visé par la provocation de M. Sharon, mais qui a laissé son armée se livrer à un véritable massacre? Il rejette sur les Palestiniens la responsabilité de leur propre malheur.
Comment pourrait-on encore parler de paix?
La tragédie palestinienne continuera indéfiniment d’empoisonner le monde, parce qu’il n’y a personne au monde capable d’avoir le courage de désigner les véritables responsables et de prendre des sanctions.
Les assassins de la paix sont au-dessus des lois humaines. Ils sont intouchables. Qui oserait les montrer du doigt serait aussitôt accusé d’antisémitisme, alors que c’est leur comportement criminel qui est le véritable pourvoyeur de l’antisémitisme.
Armés de la Bible et de la Thora, ils prétendent instaurer le royaume de Dieu sur terre. Et ils font payer à des populations pacifiques le prix de leurs propres querelles partisanes: Sharon-Netanyahu-Barak, lequel aura le privilège de reconstruire le temple de Salomon sur un monceau de cadavres?
On en est là!

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Comment ne pas éprouver devant cette lamentable tragi-comédie politique, religieuse et militaire, une pensée de compassion pour son impuissant “parrain” nommé Clinton? Il aura beau se coiffer de la “Kippa” des Juifs religieux, il ne comprendra jamais dans quelle galère il s’est embarqué en croyant réconcilier les Israéliens avec leurs voisins. Mission impossible.
Pourquoi?
Parce qu’en Israël les partis favorables à la paix ne font pas le poids face aux intrigues d’une oligarchie politico-militaire représentée par les Sharon, Barak et quelques autres qui ont récupéré l’idéal sioniste des pères fondateurs.
Ce sionisme dévoyé a échoué à créer un Etat acceptable dans son environnement naturel. Il n’a réussi qu’à constituer, comme un immense ghetto, une forteresse minée de l’intérieur par les ambitions personnelles et les querelles de ses dirigeants. La population arabe en éprouve les conséquences dans sa chair et les relations de l’Orient avec l’Occident en sont durablement perturbées.
Pour redevenir une terre de paix, la Palestine avait besoin d’un arbitre. Et il n’y a pas d’arbitre. 


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