Bloc - Notes

Par ALINE LAHOUD
LA PAIX ASSASSINÉE
Le sommet de Charm el-Cheikh a fini par déboucher - en principe - sur un arrêt des hostilités, comme le veulent les Israéliens et une commission d’enquête, comme le réclament les Palestiniens. Autrement dit, un cataplasme sur une jambe de bois. D’autant plus que, comme tous ceux qui l’ont précédé, le présent accord est probablement destiné à être violé.
En fait, Charm el-Cheikh n’a rien résolu. Le feu couve toujours sous la cendre et il suffit de la moindre étincelle pour réactiver tous les foyers d’incendie que l’on s’imagine avoir maîtrisés aujourd’hui. Le moindre souffle et ça repartira pour la gloire? Hélicoptères apaches contre jets de pierres, soldats de métiers contre adolescents, un Etat surarmé face à une sorte d’entité à mains nues, mitée par la colonisation juive, morcelée en petites bourgades qui ne peuvent communiquer entre elles qu’à travers des passages solidement gardés par les colons et les gardes-frontières. Autrement dit, Charm el-Cheikh ou pas, la paix n’est pas pour demain.
Il fut un temps, lorsque Clinton avait cloîtré Barak et Arafat à Camp David, où le monde s’était pris à espérer que cette fois serait la bonne. Et voilà que les trois compères ressortirent les bras ballants et gros Jean comme devant.
Est-ce à dire que Barak fut aussi déçu que Arafat qui, la mort dans l’âme, voyait son Etat-fantôme disparaître comme un mirage? On peut en douter. En fait, c’est à se demander si Barak n’avait pas été enchanté par l’échec des négociations, échec qui lui avait permis de quitter Camp David sans avoir cédé aux pressions américaines.
Il faut dire que Barak se trouvait dans une situation pour le moins inconfortable, entre une opposition de droite menée tambour battant par Ariel Sharon, les religieux qui l’accusaient de dilapider l’héritage biblique du peuple hébreu et les colons qui planifiaient de chasser de Palestine ce qui restait des Palestiniens... Situation d’autant plus inconfortable, qu’il ne pouvait pas claquer la porte au nez de Clinton, ni se faire déconsidérer par l’opinion mondiale.
Pour s’en sortir, il fallait donc créer une situation de confrontation telle - vu l’émotivité de la rue arabe, son nationalisme ombrageux et, surtout, son sentiment religieux exacerbé - qu’elle pousserait les Palestiniens à descendre dans la rue dans un déchaînement de violence qu’on prétendrait incontrôlable.
Autrement dit, il fallait faire intervenir l’homme de toutes les audaces et de toutes les catastrophes, l’éléphant rêvé dans un magasin de porcelaine, le dénommé Ariel Sharon.
Même un déficient mental aurait pu facilement imaginer les répercussions qu’aurait la promenade dudit Sharon sur l’Esplanade de la mosquée de Jérusalem. Or, Barak n’est pas un déficient mental. La promenade de Sharon, il en est responsable et certainement, à la base, partie prenante dans cette opération à haut risque. Tout laisse supposer qu’il voulait faire capoter le processus de paix. Maintenant que c’est fait, quelle sera la prochaine étape?
A en croire les analystes, les négociations ne reprendront pas sérieusement avant l’an 2002. Il y a, d’abord, les présidentielles américaines. Après quoi, le président élu n’entrera en fonction qu’en janvier 2001. Ensuite, il faudra lui donner le temps de se familiariser avec les dossiers brûlants, ce qui prendrait un minimum d’un an.
Cela sans compter qu’il y aura, probablement, des élections en Israël et peut-être bien aussi un gouvernement de coalition que Barak, semble-t-il, est en train de négocier avec le Likoud de Sharon.
Le moins qu’on puisse dire, est que tout cela n’est nullement rassurant et certainement pas de nature à paver la voie à un éventuel accord de paix, ni à stabiliser une région transformée en chaudière, dont le couvercle menace de sauter à tout moment.
Reste à savoir jusqu’où peut  mener Barak, Sharon et consort, cette interminable fuite en avant. 

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