VIENNE VUE D’EN HAUT
Oubliées les heures sans sommeil; nous voici au Prater, parc
d’amusement haut en couleurs qui dispense la fantaisie et la détente
à toutes les saisons de la vie. Embarqués dans la Grande
Roue qui se présente à l’intérieur comme un petit
café où Helga débouche en notre honneur une bouteille
de champagne, nous voici emmenés dans l’espace ayant vue sur Vienne
dans les hauteurs.
On retrouve les traces du bassin viennois en remontant à hauteur
de 400 ans avant J.-C. sur les pas des Celtes suivis des Romains, des Lombards,
des Slaves. La première mention de la ville date de 1137. Elle devient
vers 1155 la résidence des ducs de Babenberg et, progressivement,
depuis 1282, le centre de gravité de la monarchie des Habsbourg
dont l’empire se prolonge sur six siècles et ne prend fin qu’en
1918 au cours de la Première Guerre mondiale.
Néanmoins, le premier des Habsbourg qui s’estimait réellement
viennois était, en 1358, comme il le prétendait, le “fondateur”
Rudolph IV. C’est lui qui donna le coup d’envoi de l’embellissement de
la ville. Certains des empereurs qui marquèrent de leur empreinte
l’Histoire du pays ont leurs noms inscrits au château de Schönbrunn,
résidence d’été des empereurs d’Autriche: Maximilien
Ier (1434-1519), Charles Quint (1500-1558) à la tête d’un
empire “où le soleil ne se couche jamais”, Marie-Thérèse
(1717-1780), la seule femme qui eût régné sur l’Autriche
sans se faire couronner (elle eut 5 fils et 11 filles) à l’origine
de nombreuses réformes et de l’âge d’or traversé par
le pays, Joseph II, son fils (1741-1790) apôtre de la tolérance
religieuse et François-Joseph (1830-1916, époux de Sissi)
à qui Vienne doit la Ringstrasse. C’est le 20 septembre 1857 que
l’empereur François-Joseph fit démolir les remparts qui encerclaient
la ville intérieure et les remplacer au cœur de Vienne par une superbe
avenue à quatre voies. C’est à “l’Epoque de la Ringstrasse”
que la capitale doit les magnifiques édifices de l’opéra,
des musées, palais, salles de concert remplaçant l’espace
vert de ce qu’on appelait le Glacis, tous associés à la gloire
de l’empereur omniprésent dans l’esprit de ses descendants.
Sa mort au château de Schönbrunn en 1916 (il y est né
en 1830) après un règne de 68 ans, annonce le déclin
de l’empire. L’assassinat de son neveu l’archiduc François-Ferdinand,
héritier du trône, le 28 juin 1914 par un Serbe à Sarajevo,
déclenche la Première Guerre mondiale. Son frère Charles
Ier renonce en 1918 au trône après la défaite de l’Autriche.
En 1918, Vienne est la capitale de la République autrichienne.
Après l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne, elle est transformée
en “Reichsgau” et ne retrouve son véritable statut qu’en 1945. Depuis
1967, Vienne est l’un des trois sièges des Nations Unies (aux côtés
de New York et Genève). Depuis 1995, c’est l’une des quinze capitales
de l’Union européenne. C’est une ville prisée par les congrès
et fortement recherchée par les touristes. Ses 1,6 million d’habitants
ont reçu en 1999, 3,1 millions de visiteurs, alors que l’Autriche
qui compte 8 millions d’habitants, en a reçu 17 millions.
Le groupe de presse libanais devant l’Hôtel
Impérial.
G.-D.: Jeanne Massaad, Joseph Kosseyfi, Fady Bou-Dagher,
Georges Kahy, Evelyne Perucic-Massoud et Josette Bahsali.
D’ABORD UNE ATMOSPHÈRE ROMANTIQUE
A Vienne, il existe une atmosphère romantique à nulle
autre pareille. Alimentée, tout d’abord, par la géographie.
Un des neuf Länder de l’Autriche, composée de vingt-trois arrondissements,
la ville a réussi à préserver les espaces verts sur
la moitié de ses 415 km2. C’est en effet la capitale la plus verte
d’Europe où les parcs dont le Stadtpark (abritant la statue dorée
de Johann Strauss) forment avec les prairies, les espaces boisés
du Prater, l’immense jardin du château de Schönbrunn, la forêt
viennoise, les vignobles, les exploitations maraîchères et
les forêts fluviales longeant le Danube, une symphonie qui s’allie
à l’air du temps que l’on respire partout, que ce soit en bus, en
voiture, en métro ou à pied.
Il suffit de déambuler dans la zone piétonne du centre
de Vienne, tout particulièrement dans la Kärtnerstrasse, de
lever les yeux sur ses façades sculptées, de jeter un coup
d’œil sur ses monuments grandioses et d’y pénétrer, de suivre
les flux et reflux des passants, de s’arrêter devant les vitrines
des magasins, de déguster une spécialité du pays dans
une taverne, un restaurant ou un café, de s’attabler dans un “heuriger”
où le vin de la meilleure récolte est servi par des hôtesses
en “dirndl” (costume national autrichien) et accompagne un bon repas animé
par des musiciens à la verve intarissable, pour savourer le charme
d’une ville tranquille où la culture, les arts, la musique, les
loisirs tiennent une si large place. L’Etat, semble-t-il, entretient cette
atmosphère en allouant à la culture et aux loisirs des budgets
assez élevés.
Sans prétendre donner une idée exhaustive de la ville,
nous ne pouvons que livrer en vrac des impressions, projeter quelques spots
lumineux sur ce que nous avons pu voir, pressentir ou deviner en regardant
défiler tant de monuments, Opéra, Hofburg (palais impérial),
cathédrale de Saint-Etienne, parlement, Burgtheater, etc... Nous
avons pénétré dans les dédales du Musée
des Beaux-Arts construit il y a 120 ans par les Habsbourg, orné
d’une double coupole à caissons dorés à la feuille
et qui contient la plus grande collection de Brueghel au monde, ainsi que
les joyaux de la couronne. Nous avons découvert certaines parties
du château de Schönbrunn (le site le plus visité de Vienne)
où la splendeur dont s’étaient entourés les Habsbourg,
rejaillit dans l’enfilade de pièces fastueuses chargées de
dorures et sculptures où resurgit le spectre de Napoléon.
Celui-ci occupa Vienne en 1805 et 1809 et y séjourna à deux
reprises, épousant en 1810 Marie-Louise, la fille de François
Ier qui lui donna un héritier “l’Aiglon”, lequel mourut au château
des suites de la tuberculose en 1832 à l’âge de 21 ans. Ce
n’est qu’en 1940 que sa dépouille fut transportée à
Paris aux Invalides, afin qu’il y repose aux côtés de son
père. Schönbrunn est plus qu’un monument; c’est un témoin
de l’Histoire. C’est là qu’eurent lieu à l’occasion du Congrès
de Vienne (1814-1815), de l’Exposition internationale de Vienne (1873)
des fêtes somptueuses dignes de l’Empire. C’est là que fut
signé en 1955 le Traité d’Etat libérant l’Autriche.
Et là encore qu’eut lieu en 1960 le sommet Kennedy-Khroutchev.
Arrêt au Belvédère, deux monuments entourés
d’un magnifique jardin construits par le prince Eugène de Savoie
(1663-1736), à la suite de ses glorieuses campagnes militaires,
pour en faire une résidence d’été. Actuellement, il
abrite la galerie d’art autrichienne réunissant, notamment, les
œuvres de Gustav Klimt, Egon Schiele et Oscar Kokoschka, artistes qui furent
à l’origine de l’art moderne qui a traversé les frontières
autrichiennes.
Soirée passée au Musikverein, grande salle de concerts
aux lustres en cristal, murs chargés de statues et plafonds à
caissons dorés. On y joue du Mozart et l’ensemble des musiciens
sont en habits d’époque. Gare à celui qui échangerait
une réflexion. Les grands mélomanes que sont les Viennois
ne le supporteraient pas. Aux moments de silence, on y entendrait presque
une aiguille tomber. Fort curieusement, un buffet est servi gracieusement
à l’auditoire pendant l’entracte.
Vienne mérite son titre de capitale de la musique. Elle a inspiré
de grands compositeurs à l’instar de ses propres fils Schubert,
Strauss, Schoenberg, Berg. D’autres comme Haydn, Mozart, Beethoven, Brahms,
Mahler en ont fait leur patrie... Ici, quels que soient les âges
et les générations, on adore la musique sans être insensible
aux vagues modernes et à leurs excentricités.
![]() Gastein depuis le téléphérique. |
![]() portant un costume d’époque vend des billets d’un concert Mozart. |
QUELLE ÉTAIT VERTE MA VALLÉE!
Nous poussons plus loin l’aventure en prenant le train qui nous emmène
à Bad Gastein. Des heures de chemin de fer passent rapidement tant
le spectacle qui défile à notre gauche et à notre
droite pousse à l’émerveillement. L’espace vert semble dessiné
main et les maisons s’y sont incrustées comme des bijoux dans un
écrin de verdure. Quelle harmonie et quelle paix!
Nous voici dans les Alpes autrichiennes. Notre hôtel se situe
à 1000 mètres d’altitude. L’air y est bien pur. Non loin
de là coulent des cascades dont la musique parvient jusqu’à
nos oreilles. Et toujours à notre portée, une bouteille d’eau
gazeuse. La vallée de Gastein est réputée pour ses
sources, 19 rien que dans notre localité qui fournissent, dit-on,
4 à 5 millions de litres par jour. La région est réputée
pour ses eaux qui jaillissaient du ventre de la terre depuis 3.500 ans.
Leur température, alors, est de 42 à 46 degrés Celsius.
Le gaz radon qu’elles contiennent s’est révélé particulièrement
curatif. Il agit sur le métabolisme, stimule la circulation du sang
et améliore l’absorption de l’oxygène par les cellules. Conscient
des valeurs thérapeutiques des eaux de Gastein, l’empereur François-Joseph
et Sissi, ainsi que les nobles de l’époque, y venaient pour des
cures. Les établissements dispensant ces cures, notamment le tunnel
curatif de Gastein, se sont multipliés dans la vallée et
ont perfectionné leurs méthodes. On y accourt de toutes parts,
notamment en hiver où les cures peuvent être conjuguées
à la pratique du ski sur les hauteurs. Un groupe d’entre nous a
suivi une de ces cures et en est ressorti particulièrement revigoré.
Tous nous avons pris le chemin exaltant des hauteurs à l’aide d’un
téléphérique (l’un des 53) qui nous a conduits jusqu’à
plus de 2.000 mètres. Nous avions pour guide un vrai moniteur de
ski, particulièrement affable qui a pu nous mener sur les hauteurs
(2.200 mètres) où était plantée, comme sur
tous les pics montagneux autrichiens, une croix.
Nous avons réussi à nous engager sur les sentiers montagneux
et avons connu l’exaltation des hauteurs. Petits pas et arrêts réguliers
pour embrasser du regard le paysage, des entrelacs de vallées, de
lacs et de montagnes où résiste encore la neige qui recouvre
les sommets. Les neiges éphémères de septembre viennent
la renforcer. Elle ne reprend sa vigueur qu’en novembre pour envelopper
de son manteau blanc, à perte de vue, le paysage. Sur les sentiers
que marquent nos pas, un curieux mélange de mousse, de fleurs sauvages,
mauves, blanches, jaunes, de roches ocres et verdâtres. Des sapins
s’incrustent à flanc de montagne et de loin nous parvient le carillon
des clochettes suspendues au cou des vaches. Le paysage de toute beauté
rappelle l’univers de Heidi, petit conte qui a bercé les rêves
de nos enfants.
La descente est non moins exaltante. Nous avons l’impression de plonger
à travers le téléphérique dans les villages
sortis de la légende. Celle-ci se poursuit par petites touches dans
la découverte de la localité et spécialement dans
le parc national Hohe Tauern, riche en faune et flore, cascades et rigoureusement
protégé par les autorités.
A Bad Gastein, nous avons eu droit à une soirée au casino
où le directeur Dr Peter Fürlinger nous a réservé
un accueil particulièrement chaleureux. En nous offrant une petite
bourse de couleur rouge contenant des jetons, il nous a permis de tenter
notre chance à la roulette et aux machines à sous. Fort curieusement,
certains d’entre nous en sont sortis gagnants.
Les casinos d’Autriche (douze) installés dans des bâtiments
luxueux, voire dans des châteaux, réaménagés
selon des critères modernes, créent une atmosphère
feutrée qui dispense la détente. Ils constituent une chaîne
puissante et ont essaimé dans le monde à travers Casinos
Austria International.
![]() de la direction des casinos d’Autriche et de Evelyne Perucic-Massoud. |
![]() |
Notre guide Marlène Winkler, originaire de Salzbourg, s’est coupée
en quatre pour nous faire découvrir le maximum en si peu de temps.
Le dernier soir, elle a porté, à notre grande joie, le costume
national autrichien.
En route pour Salzbourg! A bord du train, Jeanne, notre consœur, se
rend compte qu’elle a oublié sur le quai de la gare, une valise
à main contenant tous les souvenirs qu’elle venait d’acheter. Elle
était consternée, non point parce qu’elle avait perdu une
petite valise, mais parce que celle-ci contenait des objets qu’elle avait
choisis avec amour. Fady Bou-Dagher a aussitôt appelé de son
téléphone portable le bureau de tourisme de Badgastein pour
lui signaler l’incident. A notre grand étonnement, un jeune homme
qui nous avait devancés, nous attendait déjà sur le
quai à Salzbourg, la petite valise à la main.
Escale de quelques heures à Salzbourg, ancienne ville romaine
qui fut détruite à la fin du Vème siècle et
sur les ruines de laquelle les princes-archevêques fondèrent
vers la fin du VIIème siècle une ville baptisée la
“Rome du Nord” et fondée en 1920 sur laquelle ils régnèrent
jusqu’au début du XIXème siècle. Cette ville tirait
autrefois sa richesse du sel ou l’or blanc ayant donné son nom “Selz”
à la Salzack qui la traverse de part en part. Il faut traverser
le jardin Mirabell dessiné par le même architecte que celui
de Schönbrunn pour atteindre la Getreidegasse où se trouve
au numéro 9, la maison natale de Mozart (il y a vu le jour le 27
janvier 1756) et déboucher sur les sanctuaires où se déploie
le Festival de Salzbourg, fondé en 1920 et jouissant d’une audience
internationale. Une myriade d’activités artistiques et de concerts
jalonnent les saisons de Salzbourg qui attirent les mélomanes du
monde entier.
Le temps nous est désormais compté. Juste une nuit à
Vienne avant le retour. C’est là où nous avons la joie de
rencontrer un ancien (et toujours) ami du Liban, Gerhard Skoff, aujourd’hui
à la direction des casinos d’Autriche et époux du beau et
talentueux soprano libanais d’audience internationale, Sona Ghazarian qui
lui a donné deux beaux garçons, leur fierté commune.
C’est là aussi que nous faisons la rencontre d’un des rares
Libanais d’Autriche, Badih Senno, un homme jovial doué du génie
des affaires, ayant réussi dans le commerce du bois et ouvert à
Vienne un restaurant huppé le Franco’s Club. Il nous invite à
déguster les spécialités raffinées de la maison
et même à pousser jusqu’à sa discothèque, le
Scotch Club, ouvert de 11 heures du matin jusqu’à 7 heures du matin.
Mais il faudra se lever tôt au matin du dimanche. Vienne est
encore endormie. Nous voilà partis. Auf wiedersehen Wien!