Le sommet-marathon de Charm el-Cheikh marqué par 24 heures de
discussions ardues et de concertations à deux ou à trois,
a finalement abouti à un accord en trois points, dont l’objectif
prioritaire est de mettre fin à la violence.
Entouré des participants de ce sommet, le président Bill
Clinton en a annoncé lui-même les termes. Cet accord non signé
prévoit: 1) “la fin de la violence, 2) la mise en place d’une mission
d’information sur les affrontements; 3) et la reprise ultérieure
des négociations dans le cadre du processus de paix”.
Concernant le premier point, vital et primordial pour l’application
des deux autres, M. Clinton a précisé que les deux protagonistes
vont appeler, publiquement et sans équivoque, à la fin de
la violence et retourner immédiatement à la situation qui
prévalait avant la crise actuelle”.
“Les mesures immédiates à prendre, doivent porter, ajoute-t-il,
sur le rétablissement de l’ordre public, le redéploiement
des forces israéliennes en dehors des zones palestiniennes, l’élimination
des points de friction, la promotion de la coopération en matière
de sécurité, la levée du blocus imposé aux
territoires palestiniens et la réouverture de l’aéroport
de Gaza.
Dans un premier effort d’apaisement, Barak a demandé à
son armée de faire cesser la violence, de lever le blocus des territoires,
l’aéroport de Gaza ayant déjà été rouvert.
Arafat s’est engagé à remettre derrière les barreaux
les membres du “Hamas” et du “Jihad islamique” qu’il avait fait libérer.
Il reste, toutefois, à convaincre les siens à mettre
un terme à l’Intifada. Est-il en mesure de le faire? Le député
Hanane Achraoui affirme: “Les Palestiniens sont furieux, parce qu’ils estiment
que l’accord accepté par M. Arafat l’a été sous la
contrainte et est injuste”.
Cheikh Ahmed Yassine, chef spirituel du mouvement intégriste
“Hamas”, a dénoncé l’accord et appelé à la
poursuite de la révolte. Idem pour les deux groupes radicaux membres
de l’OLP: le FDLP et le FPLP. Ces derniers ont publié des communiqués
séparés à partir de Damas, appelant à la poursuite
de l’Intifada jusqu’à la fin de l’occupation”. Même son de
cloche de la part du “Jihad islamique” palestinien. Le chef de Fateh en
Cisjordanie, Marwan Barghouti a parlé “d’échec”, affirmant
que la révolte allait se poursuivre.
![]() face aux défis de la paix. |
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SIMPLE COMMISSION D’INFORMATION
Même sentiment de frustration chez les Palestiniens concernant
le deuxième point de l’accord, alors que M. Barak ne cachait pas
un certain triomphalisme.
Dès le début de l’Intifada, M. Arafat a réclamé
la formation d’une commission d’enquête internationale sous les auspices
de l’ONU, avec une participation égyptienne et européenne.
Cette revendication avait fait percuter la rencontre de Paris autour de
Madeleine Albright, secrétaire d’Etat US, du président Chirac
et de M. Annan.
M. Barak, lui, ne voulait entendre parler que d’une commission devant
grouper les deux parties en conflit sous l’égide des USA. La deuxième
clause du présent accord vient de lui donner satisfaction. M. Clinton
a annoncé que les Etats-Unis allaient mettre sur pied avec les Israéliens
et les Palestiniens, en consultation avec le secrétaire général
de l’ONU “une mission d’information” pour enquêter sur les événements
des deux dernières semaines et empêcher leur réédition.
Par rapport à la reprise des négociations qui ne sera
possible que si le calme est rétabli sur le terrain, le chef de
la Maison-Blanche a affirmé: “Les Etats-Unis vont consulter les
parties au cours des deux prochaines semaines sur la manière d’avancer,
afin de parvenir à un règlement du statut final des territoires
palestiniens”.
![]() le sommet de Charm el-Cheikh. |
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QUE PEUT-ON ATTENDRE DU SOMMET ARABE?
La semaine qui vient de s’écouler a été marquée
par les préparatifs du sommet arabe qui se tient demain et dimanche
au Caire. Le fait que Charm el-Cheikh ait abouti à un accord à
l’arraché et minimal a permis, sans doute, aux rois et chefs d’Etats
arabes de pousser un soupir de soulagement, car l’échec à
Charm el-Cheikh aurait signifié des prises de position radicales
de la part des Arabes face à Israël, ce que ni les dirigeants
arabes ni l’Amérique, ni l’Occident ne le souhaitent. Nul n’a envie
de revenir à une situation de guerre, de conflit généralisé
qui aurait de graves répercussions économiques sur le monde.
Dans le cadre des préparatifs du sommet arabe, le Dr Bachar
Assad nouveau chef de l’Etat syrien se montre très actif et cherche
à s’affirmer comme feu son père en tant que Champion de la
cause arabe et palestinienne. Il s’est rendu à Ryad pour s’entretenir
avec le roi Fahd de la conjoncture arabe et des relations bilatérales.
Sa présence en Arabie saoudite a coïncidé avec l’arrivée
de Mme Albright, venue informer les dirigeants saoudiens de l’accord conclu
à Charm el-Cheikh. Ce qui a favorisé sa rencontre avec le
président Assad.
Après Ryad, le président syrien a gagné Amman,
poursuivant sa “croisade arabe” en vue de constituer un “front arabe fort
et homogène”.
Pour le Liban, ce sommet arabe est une opportunité pour faire
entendre sa voix auprès des “frères”, leur rappeler l’aide
promise en vue de surmonter vingt années de guerre et de souffrance
et tenter de trouver une solution adéquate à la question
de la présence d’un demi-million de réfugiés palestiniens
sur son territoire.
De tous les dirigeants arabes, seul le leader libyen, Mouammar Kadhafi
continue à critiquer l’ordre du jour de ce sommet auquel il refuse
de participer, alors que pour la première fois le président
Saddam Hussein y sera présent après une longue absence.
![]() tout accord avec les Palestiniens. |
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MÉFIANCE ET CLIMAT TENDU
“L’avenir du processus de paix et la stabilité de la région
sont en jeu et nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer”.
Le président américain, Bill Clinton, s’est adressé
en ces termes aux participants au sommet de Charm el-Cheikh, définissant
trois objectifs à cette rencontre:
1 - Mettre un terme à la violence et restaurer la coopération
en matière de sécurité; 2 - parvenir à un accord
sur une procédure d’enquête objective et honnête; 3
- relancer le processus de paix.
Le chef de la Maison-Blanche a notamment exhorté les protagonistes
à dépasser les rancunes et les reproches pour regarder vers
l’avenir et se rappeler les succès réalisés depuis
la mise sur les rails du processus, suite à l’accord conclu entre
Arafat et Rabbin le 13 septembre 1993.
Le sommet, qualifié comme tant d’autres qui l’ont précédé
“de la dernière chance”, s’est ouvert, dans cet agréable
centre balnéaire du Sinaï au bord de la mer Rouge en début
d’après-midi du lundi 16 octobre, en présence des présidents
Bill Clinton et Hosni Moubarak, du roi Abdallah de Jordanie, des deux protagonistes:
Ehud Barak, Premier ministre israélien et Yasser Arafat, chef de
l’Autorité palestinienne; de M. Kofi Annan secrétaire général
de l’ONU et de M. Javier Solana, représentant pour les Affaires
étrangères de l’Union européenne.
A la séance inaugurale, les visages sont tendus et un climat
de méfiance plane sur l’atmosphère, au dire des correspondants
sur place. N’empêche que, d’après le témoignage de
responsables américains et européens, MM. Barak et Arafat
se sont serrés la main, mais loin des caméras et sans se
parler.
L’Egypte étant le pays hôte, le président Moubarak
prenant la parole en premier, dénonce en termes durs, l’Etat hébreu,
sans le citer nommément, l’accusant “de provocations et de tentatives
visant à réprimer un peuple désarmé à
casser sa volonté et à briser sa dignité”.
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MULTIPLES RENCONTRES BILATÉRALES
La séance plénière ne dure pas plus de trente
minutes et est suivie d’un déjeuner de travail. Ce n’est pas à
ce niveau que se déroule le débat, mais dans le cadre de
rencontres bilatérales avant la séance d’ouverture. Elles
se poursuivent avec intensité dans l’après-midi, en soirée
et jusqu’à l’aube, totalisant près de seize heures de discussions
par moments virulentes et houleuses, pour tenter de surmonter les divergences
et l’éloignement dans les positions entre Palestiniens et Israéliens
et, partant, parvenir à un minimum d’entente.
L’objectif prioritaire de ce sommet est, évidemment, d’arrêter
l’engrenage de la violence et l’effusion de sang dans les territoires autonomes
de Gaza et en Cisjordanie et même à l’intérieur des
frontières de l’Etat hébreu. Mais comment atteindre ce but,
lorsque chacun des protagonistes pose ses conditions? Un véritable
casse-tête que les artisans de cette rencontre vont s’efforcer par
tous les moyens de résoudre, en dépit du climat pessimiste
ayant prévalu à la veille du sommet.
Pour les Palestiniens, forts de l’appui de l’Egypte, la condition première
pour un processus d’entente, est la levée du blocus israélien
imposé à leurs territoires, le retrait de “Tsahal” des positions
occupées après le 28 septembre et la formation d’une commission
internationale d’enquête pour déterminer les responsabilités.
Barak refuse de lever le blocus, tant qu’un terme final n’est pas mis
à l’”Intifada”, mettant même en doute la capacité de
Arafat de contenir la violence palestinienne et d’être encore
un interlocuteur valable.
Israël exige, aussi, l’arrestation des activistes du “Hamas” et
du “Jihad islamique” libérés récemment des prisons
par l’Autorité palestinienne et le désarmement de Fateh.
Il accepte une commission d’enquête limitée aux seuls Américains.
L’AUBE SE LÈVE SUR CHARM EL-CHEIKH
Le président Clinton fait la navette entre Barak et Arafat pour
tenter de rapprocher leurs points de vue.
Le président Moubarak rencontre de son côté les
deux dirigeants; des concertations multiples à deux, à trois
se poursuivent. Les ministres des Affaires étrangères des
pays et des protagonistes participant à ce sommet, se retrouvent
pour mettre au point un document d’entente. Différents documents
de travail sont présentés par l’ONU, Washington, les Israéliens,
les Palestiniens, mais les positions des deux parties en conflit restent
éloignées.
Le dîner groupe les sept principaux participants autour d’une
même table, mais à aucun moment Arafat et Barak n’ont un entretien
en tête à tête.
Les réunions se poursuivent et l’aube se lève sur Charm
el-Cheikh sans qu’aucune avancée notable se réalise. Mais
nul ne veut baisser les bras et repartir sur un échec. Le président
Clinton qui a tout son poids dans ces négociations, retarde son
départ d’Egypte prévue pour lundi soir. M. Annan, artisan
de cette “prouesse diplomatique”, n’est pas prêt non plus à
renoncer, car tel qu’il l’a affirmé à maintes reprises “la
poursuite de la violence aura des répercussions dans le monde entier”.
Après un bref moment de repos, les travaux du sommet reprennent
tout au long de la matinée du mardi 17 pour aboutir, en fin de compte,
sur un document d’entente tiré au “forceps”.
DIALOGUE SUR FOND DE VIOLENCE
Au moment même où le sommet de Charm el-Cheikh s’efforce
de freiner la violence, les affrontements qui avaient connu une certaine
accalmie au cours du week-end passé, reprennent à Gaza et
en Cisjordanie. La journée du lundi fait deux tués: un adolescent
atteint d’une balle dans la tête à Bethléem et un policier
à Gaza, ce qui porte à 103 le nombre des victimes palestiniennes
depuis le début de l’”Intifada d’Al-Qods” le 28 septembre et plus
de 3000 blessés. Les Israéliens ont 7 tués.
Pour protester contre le sommet, plusieurs mouvements palestiniens,
dont le Fateh d’obédience arafatiste, décident de faire du
lundi 16 octobre une journée de la colère. Il faut dire que
la majorité des Palestiniens estiment que le chef de l’Autorité
palestinienne a été contraint et forcé d’aller à
Charm el-Cheikh et refusent tout cessez-le-feu qu’ils considèrent
comme une reddition. Maroun Barghout, secrétaire général
de Fateh en Cisjordanie affirme, d’ailleurs, que “ce soulèvement
pacifique se poursuivra jusqu’à l’indépendance et bouleversera
les règles du jeu”.
Au même moment, lors d’une marche à Gaza, des sympathisants
de Fateh, dont 70 hommes armés et le visage couvert, annoncent la
création de cellules militaires pour frapper l’occupation partout
où elle se trouve.
D’où cette question qui s’impose: Arafat pourra-t-il encore
aller à l’encontre des prises de position du peuple palestinien
et des mouvements islamistes ou de gauche qui réclament la poursuite
de l’Intifada jusqu’à la création d’un Etat palestinien ayant
Jérusalem-Est comme capitale?
L’attitude palestinienne est confortée par le mouvement de solidarité
du peuple arabe qui descend dans la rue pour exprimer son appui à
l’Intifada et aux revendications palestiniennes. Ce mouvement des masses
n’est pas sans inquiéter les dirigeants arabes, car il réclame
la rupture totale de toute normalisation avec Israël.
En ce lundi 16 octobre, l’armée israélienne continue
d’encercler les territoires autonomes et fait un pas de plus en occupant
le terminal de Rafah, point de passage entre Gaza et l’Egypte. Quant à
Barak, il affirme en venant à Charm el-Cheikh: “Quels que soient
les résultats du sommet, un gouvernement d’urgence sera formé
incluant le chef du Likoud”. Ceci est perçu comme un défi
aux Palestiniens.
LA SURPRISE DU “HEZBOLLAH”
A la veille même de la tenue du sommet de Charm el-Cheikh, Sayed
Hassan Nasrallah, secrétaire général de la formation
intégriste chiite libanaise, annonce la capture d’un officier israélien,
ayant grade de colonel. Et ce, dans une allocution télévisée
prononcée à l’ouverture au “Carlton” d’un congrès
des “forces patriotiques et islamiques” de soutien aux Palestiniens, à
laquelle assistait le président Salim Hoss.
La nouvelle est retransmise en direct via satellite et l’effet de surprise
totale recherché est atteint. Sayed Nasrallah n’en dira pas plus
ce jour-là et les détails sur l’identité de l’officier
et les modalités de l’enlèvement seront donnés le
lendemain, dans le cadre d’une conférence de presse, qui fait l’effet
d’une bombe, car le S.G. du “Hezbollah” précise que “le colonel
israélien a été capturé au Liban et non en
Suisse”, tel que certaines sources israéliennes l’avaient fait croire.
“Le colonel Elhanan Tannenbaum, indique-t-il, est un officier du “Mossad”
qui tentait de noyauter le “Hezbollah”... Nous lui avons tendu un piège,
suivant un plan bien conçu pour l’amener à venir au Liban.
Il est arrivé venant de Bruxelles, avec un passeport étranger,
qui s’est révélé faux selon ses propres aveux. Lorsque
nous avons été sûrs qu’il s’agissait d’un agent du
“Mossad”, nous l’avons capturé.”
Sayed Nasrallah exprime “le droit légal et légitime de
la Résistance d’arrêter cet homme, car nous sommes en état
de guerre avec Israël qui occupe toujours les fermes de Chébaa
et continue à détenir nos frères dans ses prisons.”
La capture de cet officier s’ajoute aux trois soldats enlevés
le samedi 7 octobre dans les fermes de Chébaa et les quatre Israéliens
seront échangés contre des Libanais détenus dans les
prisons israéliennes.
UNE CAPTURE EMBARRASSANTE
Cet enlèvement place l’Etat hébreu dans l’embarras. Dans
un premier temps, le Premier ministre israélien le qualifie “d’acte
mafieux”, qui contredit toutes les normes “internationales et que nous
ne pouvons tolérer”.
Par la suite, Barak déclare à Kofi Annan, secrétaire
général de l’ONU, que “l’enlèvement de citoyens du
territoire souverain d’un autre pays est inacceptable”. Il réclame,
donc, que les Nations Unies “engagent une action décisive afin de
ramener le colonel Tannenbaum à son pays et à sa famille”.
Quand et comment se fera la riposte israélienne? Nul ne le sait.
Cet enlèvement gêne, aussi, l’Etat libanais, même
si personne ne le dit ouvertement. Car le Liban qui appuie l’action de
la Résistance, se voit obligé, malgré lui, d’offrir
une couverture à ces opérations condamnées par la
communauté internationale. Il en paiera de même les frais
à l’heure où il est confronté à une grave crise
économico-sociale.
Heureusement que les autorités légales, ont eu la sagesse,
sur un autre plan, mais non moins grave, d’interdire aux réfugiés
palestiniens l’accès aux barbelés frontaliers. Les jets de
pierres, de bouteilles incendiaires et de grenades auraient fini par dégénérer
et provoquer une explosion à grande échelle.
Le sommet de Charm el-Cheikh et celui du Caire se déroulent dans
une région du monde où le terrorisme continue à sévir.
Un attentat terroriste perpétré le jeudi 12 octobre contre
le destroyer américain “USS Cole”, au Yémen a fait 17 morts.
BAGDAD REFUSE D’EXTRADER LES “HIJAKERS”
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ASSAD CONFÈRE AVEC LE ROI FAHD
RENCONTRE AVEC ALBRIGHT
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