Entretien avec S.A.R. la fille aînée de feu le roi Hassan II
LA PRINCESSE LALLA MERYEM:
"Mon regretté père nous a appris que ce qui importe n'est pas tant le monde
que nous laisserons à nos enfants, mais les enfants que nous laisserons au monde"

Princesse des cœurs, mais aussi de charme et de grâce, S.A.R. Lalla Meryem, fille aînée du regretté roi Hassan II du Maroc et sœur du roi Mohamed VI, se signale par son dynamisme et son activité polyvalente. Assumant d’importantes responsabilités au double plan social et culturel, elle se dépense sur tous les fronts: international, aux Nations Unies; africain, à Marrakech où se sont réunies toutes les Premières Dames d’Afrique; arabe, au Caire et à Rabat auprès des handicapés et des déshérités; enfin, au Kosovo où elle a apporté l’aide marocaine aux victimes de la guerre civile. Alliant élégance et beauté, S.A.R. la princesse Lalla Meryem effectue sa première visite au Liban à l’invitation de la Première Libanaise, Mme Andrée Lahoud, donnant le coup d’envoi aux échanges entre les deux pays dans les domaines social, culturel et économique.
Le programme de séjour de la princesse Lalla Meryem est bien chargé: rencontres et entrevues avec les personnalités libanaises portant sur l’amélioration des conditions de vie des enfants et des droits de la femme arabe. Cette visite réussie ne peut que consolider les liens d’amitié qui unissent les deux peuples. C’est dans ce cadre, qu’elle a accepté d’accorder, en exclusivité,
sa première interview à “La Revue du Liban”

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AMÉLIORER LES CONDITIONS DE L’ENFANT
Fille aînée de feu Sa Majesté le roi Hassan II, vous avez été chargée dès votre jeune âge, de diverses missions socio-humanitaires et vous avez manifesté un intérêt particulier pour la cause de l’enfant en situation précaire, ce qui vous a valu le titre de “princesse des cœurs”. Quelles sont vos priorités en tant que présidente de l’Observatoire national des Droits de l’Enfant?
Mes priorités sont multiples, mais elles versent toutes dans une stratégie globale qui tend à améliorer les conditions des enfants au Maroc et, tout particulièrement, les enfants défavorisés: améliorer les conditions de leur scolarisation, de leur santé et, de manière générale, favoriser leur environnement.
Cette stratégie s’exprime, bien sûr, dans le cadre d’un programme précis. Dès la création de l’Observatoire, ses actions furent orientées vers la mortalité infantile, la malnutrition et la protection de la mère. L’Observatoire s’est impliqué dans la réalisation du programme mis en place par les acteurs concernés et, particulièrement, le ministère de la Santé. Les résultats obtenus se sont révélés très encourageants. En effet, la vaccination de la quasi-totalité des enfants et des femmes en âge de procréation, a permis de réduire considérablement les fléaux que je viens de citer. Tout en continuant les efforts engagés dans ce sens, l’intérêt de l’Observatoire s’est orienté, par la suite, vers des maux plus complexes et plus pernicieux comme la maltraitance des enfants. Le plan d’action de l’Observatoire se préoccupe, également, de l’adaptation des textes aux nouvelles données des Droits de l’Enfant et de leur protection. Les études qu’il a menées, ses campagnes de sensibilisation et son travail sur le terrain avec l’appui du mouvement associatif, ont contribué à l’éclairage des décideurs sur les orientations à donner à ces textes. L’Observatoire s’est attaché à éveiller la sensibilité des enfants à l’égard des problèmes de leur pays et à leur inculquer les notions de responsabilité pour en faire un bon citoyen, conscient de ses droits et de ses obligations. Autrement dit, dans sa démarche, les priorités de l’Observatoire s’inscrivent dans les Hautes Orientations de Sa Majesté le roi. Il constitue un relais dans l’évaluation et le suivi de la politique globale du Maroc à l’égard de l’enfant, dont la promotion constitue selon les vœux de Sa Majesté une priorité nationale.

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M. Ghassan Salamé, ministre de la Culture, guidant la princesse au Musée national.
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LE “PARLEMENT DE L’ENFANT”, UN ESPACE DE DÉBAT
En votre qualité de présidente du Parlement de l’enfant, comment parvenez-vous à sensibiliser les jeunes aux valeurs de la démocratie et à les préparer au débat politique? Quel ordre du jour a été établi pour la séance solennelle que ce Parlement tient chaque année le 25 mai?
Comme je viens de le souligner, le Parlement de l’enfant est, à la fois, une structure de formation et un espace de débat. Créé par mon auguste père, feu Sa Majesté le roi Hassan II, il est à sa troisième édition. Sa Majesté Mohamed VI lui prête un intérêt soutenu qui s’exprime, notamment, à travers les messages d’orientation qu’il lui a adressés en l’an 2000 et en 2001.
Le programme de cette année s’est distingué par les ateliers qui ont été organisés et ont porté sur l’évaluation par les enfants eux-mêmes, de leur situation, l’examen de leurs attentes et des actions à entreprendre pour les satisfaire, notamment au niveau législatif. Les questions posées en direct aux membres du gouvernement reflètent les préoccupations des enfants.

Vous présidez depuis 1979, les œuvres sociales des Forces armées royales. Quels en sont les objectifs?
D’être à l’écoute des doléances des familles et de m’efforcer, dans la mesure du possible, de leur trouver des solutions ou, à défaut, de les orienter vers les parties concernées. Les Œuvres sociales des Forces armées royales disposent de quelques centaines d’assistantes sociales qui se déploient à travers tout le territoire national. Elles assistent les malades et prêtent leur concours aux familles en difficulté et, de manière générale, aux personnes en situation précaire.

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Le président Emile Lahoud présentant à la princesse
Lalla Meryem une décoration.
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La princesse Lalla Meryem en conversation avec notre collaboratrice, Jeanne Massaad.

JE M’INTÉRESSE À L’ENFANCE SOUFFRANTE
Votre Altesse accorde un intérêt particulier à l’enfance arabe, à celle d’Irak et de Palestine en ce moment, comme à l’enfance du Kosovo. En quoi consiste votre aide et contribue-t-elle à améliorer les conditions de vie des enfants palestiniens, irakiens et kosovars?
Je m’attache, dans la limite de mes moyens, à inclure dans mon action les enfants qui souffrent, là où ils se trouvent. J’ai manifesté mon soutien de manière concrète aux enfants du Kosovo dans le cadre d’un programme humanitaire encadré par les forces armées royales. Outre l’assistance médicale, plusieurs actions sociales ont été déployées par diverses associations marocaines. Mon intérêt pour les enfants palestiniens et irakiens participe des mêmes valeurs et toutes les occasions sont bonnes pour moi de les rappeler et les défendre auprès des institutions internationales.

Vous avez accompagné feu Sa Majesté le roi Hassan II et Sa Majesté le roi Mohamed VI aux visites d’Etat dans des pays frères et amis. Quel souverain ou chef d’Etat de ces pays vous a le plus impressionnée?
Toute visite de Sa Majesté présente un intérêt pour le Maroc. A ce titre, je me dois de m’intéresser à ce pays, à ses dirigeants, à sa culture, à ce qui le distingue des autres et aux perspectives de coopération avec mon pays, Croyez-moi, dans cette quête d’une plus grande connaissance des pays visités, on découvre des choses intéressantes et des hommes impressionnants, y compris au niveau des dirigeants.

Quelle stratégie a été élaborée au Maroc pour assurer l’équilibre familial et affronter les défis de l’avenir? Des structures spéciales ont-elles été mises au point pour les personnes du troisième âge, telle l’adoption de l’assurance-vieillesse?
La stratégie du Maroc pour le cas d’espèce participe de sa volonté de protéger la cellule familiale. Les traditions ancestrales du Maroc se nourrissent des liens de solidarité qui animent la société marocaine. Il est certain, par ailleurs, que le développement économique et les mutations sociales ont entraîné des transformations au niveau des comportements, ce qui a incité l’Etat à mettre en place des systèmes de protection sociale.
Les travailleurs des secteurs public et privé bénéficient de régimes de retraite obligatoire, dont continuent à jouir, en cas de décès, leurs conjoints, leurs enfants et leurs descendants. Ces régimes obligatoires sont gérés par trois établissements publics. Comme il existe des régimes complémentaires facultatifs gérés par des caisses privées et des entreprises d’assurances.

La femme occupe une place prépondérante dans les préoccupations officielles marocaines. Que fait le gouvernement marocain pour améliorer la situation de la femme marocaine? Son aspiration à une vie meilleure est-elle satisfaite?
Effectivement, la promotion de la femme est au centre des préoccupations de Sa Majesté le roi Mohamed VI. Il a exprimé sa volonté d’améliorer ses conditions dès son intronisation dans son premier discours à la Nation. Il faut dire que, dès son indépendance, le royaume du Maroc a ouvert largement, les portes de l’enseignement et de l’emploi à la femme. Cela a commencé avec mon auguste grand-père, feu le roi Mohamed V et a continué avec mon auguste père, feu le roi Hassan II que Dieu ait leur âme en sa sainte miséricorde. Cette politique a permis à la femme de s’assumer et de se forger sa propre identité. S.M. le roi Mohamed VI s’attache à réduire les inégalités qui subsistent encore, au niveau économique, social et au niveau du statut de la femme. Il a, récemment, mis en place une commission nationale ayant pour mission d’écouter les doléances des femmes et de corriger les insuffisances qui existent au niveau du statut personnel, tout en veillant à préserver l’identité marocaine et à protéger la cellule familiale. N’oublions pas, par ailleurs, les actions concrètes menées par S.M. le roi dans le cadre de la Fondation Mohamed V pour la solidarité au profit des femmes démunies, en contribuant à la formation des analphabètes et en assurant des ressources durables à plusieurs d’entre elles. Des programmes sont menés par le gouvernement pour harmoniser les textes qui leur font grief et leur assurer une meilleure protection.

LE MAROC EST CONNU POUR SON OUVERTURE ET SA TOLÉRANCE
Le royaume chérifien est-il confronté à des problèmes inhérents au racisme et à l’extrémisme? Les mouvements intégristes posent-ils quelques difficultés aux gouvernants?
Le Maroc est connu pour son ouverture sur les autres peuples et par sa tolérance. Le racisme ne fait pas partie de sa culture. S’agissant des mouvements intégristes, je nierais la vérité en vous disant qu’ils n’existent pas. Néanmoins, les institutions politiques que le Maroc s’est donné, l’édifice démocratique qu’il s’attache à consolider avec la participation de toutes les forces vives de la Nation, la culture de dialogue et de concertation qu’il s’efforce de vulgariser et le respect des libertés publiques qu’il a inscrit dans ses priorités, constituent un rempart étanche contre toute déviation ou errements.

Vous avez déclaré un jour: “Mon père nous a appris que ce qui importe ce n’est pas tant le monde que nous laisserons à nos enfants, mais les enfants que nous laisserons à ce monde”. Cette réflexion inspire-t-elle votre action en faveur des jeunes?
Certainement; c’est ma devise au quotidien dans l’éducation de mes enfants et dans mes actions à l’égard de l’enfance. Les jeunes d’aujourd’hui seront demain, les maîtres du monde. S’ils ne sont pas préparés à en prendre soin par une éducation adéquate leur permettant d’assumer leurs responsabilités, nous irons vers le désastre.

IL FAUT RESPECTER LES VALEURS UNIVERSELLES
Comment est-il possible d’instaurer la tolérance entre les peuples et les religions et ébranler, voire démolir, le mur de l’intolérance?
Pour moi, les ingrédients de la tolérance consistent dans l’ouverture sur les autres et la prise en considération de la différence culturelle et de l’identité des peuples mais, aussi, dans le respect des valeurs universelles qui fondent l’Humanité.

En inaugurant le Sommet des Premières Dames d’Afrique à Marrakech, vous avez dit dans votre discours: “Les déficits sociaux ne font que croître au moment où l’accent est mis sur la globalisation de l’économie mondiale qui nous impose des restructurations et des réajustements, dont les femmes et les enfants paient un lourd tribut”.
La pauvreté et l’analphabétisme gagnent du terrain. Quelles résolutions ont été adoptées par le Sommet pour lutter efficacement contre ces fléaux?
L’accent a été mis avec insistance sur l’instruction de la petite fille et la formation de la femme. Il s’agit là des maîtres mots de tout développement. Les Premières Dames d’Afrique l’ont compris et affirmé avec force, car l’analphabétisme est la source de tous les maux. La volonté politique est le levier de toute démarche en la matière; mais d’un autre côté, les moyens et ressources ne sont pas toujours disponibles. C’est pour cette raison que la conférence arabo-africaine organisée en mai dernier, par le Maroc en collaboration avec l’UNICEF et la participation des ministres des Finances de la région, des institutions financières internationales, ainsi que les agences des Nations Unies, a été très intéressante et très instructive. Les idées et recommandations adoptées pour mobiliser davantage de ressources pour les priorités de l’enfant, constituent une plate-forme pertinente pour des solutions concrètes en la matière.

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