"JUSTICE SANS LIMITES"
Par Aline LAHOUD

Après l’effroyable cauchemar du 11 septembre, qui a plongé la planète dans une stupeur voisine du coma, le monde encore déboussolé tente de retrouver ses points de repère et retient son souffle.
L’armada américaine est aux portes de l’Asie, de l’océan Indien au Moyen-Orient, pour traquer et anéantir les derniers refuges de ces damnés de la Terre que sont les terroristes. A leur tour, les taliban appellent au Jihad et promettent de transformer chacun de leurs 300.000 combattants en bombes-suicide, plutôt que de livrer Ben Laden, lequel ne semble pas facilement livrable.
Où en sont les peuples et les gouvernements par rapport à la menace terroriste à laquelle il suffit d’une poignée d’illuminés fanatiques et sans visages pour transformer tout un continent en un champ de ruines et de morts?
Où en sont les peuples et les gouvernements par rapport à l’ultimatum américain? L’alternative jetée à la face des Etats pour George W. Bush est aussi simple qu’un tour de rodéo: ou vous restez accroché à un taureau furieux ou vous tombez et vous êtes piétiné à mort. Plus explicitement: ou vous êtes avec nous ou vous êtes avec les terroristes. C’est blanc ou noir. George W. Bush a supprimé le gris, tout simplement.
Tout simplement! c’est le mot qui convient au personnage. C’est un homme simple qui est venu au Pouvoir avec des idées simples et qui n’a jamais compris le sens de la notion “circonstances atténuantes”. Au cours de sa carrière de gouverneur du Texas, il a signé à la chaîne des peines de mort, sans jamais user de son droit de grâce, sans jamais accorder le moindre sursis, même quand il s’agissait de mineurs ou de déficients mentaux. Et entre le brutal lynchage auquel pourraient se livrer les Américains et l’irrationnel fanatisme des intégristes islamistes, le monde entier est menacé de sombrer dans la démence.
Nous en sommes là. Car, contrairement à ce qu’affirmait un célèbre écrivain, la vie - ou plutôt la mort - nous oblige à changer de désespérance comme de vitesse. Hier, nous parlions encore de petits conflits régionaux ou ethniques, de surabondance des uns et de sous-alimentation des autres; aujourd’hui, nous courons vers ce qui pourrait devenir l’apocalypse. Existe-t-il une chance pour que se fasse entendre - même timidement - la voix de la raison? Il semble, à l’heure actuelle, que ce soit là un pari perdu d’avance.
Il est vrai que les musulmans, ceux qui savent lire le Coran et le comprendre, se sont élevés avec la dernière énergie contre le massacre de civils innocents. L’Islam est une religion céleste et le ciel de l’Islam, comme le nôtre, n’est pas peuplé d’avions-suicide.
Malheureusement, il existe partout des voix discordantes qui lancent des “fatwas” de leur propre invention, auxquelles répondent d’autres voix non moins discordantes qui confondent terrorisme et résistance, selon la définition que veut bien en donner Ariel Sharon.
Tout le monde s’est élevé contre le mot de “croisade” déniché par George W. Bush, un “W” que personne n’a jamais accusé de faire autorité en matières de sciences politiques, d’histoire ou même de simple bon sens. Mais ceux dont le mot croisade choque (à juste titre, d’ailleurs) devraient pouvoir faire la différence entre chrétiens et extrémistes réactionnaires, tout comme les chrétiens doivent considérer le mot “Jihad”, qui les hérisse, comme l’expression d’un intégrisme islamiste fanatique et non comme le mot d’ordre de l’Islam dans son ensemble.
En fait, ces deux mots, aussi laids l’un que l’autre, sont une insulte à la religion. Faire œuvre de mort au nom de la Croix est contraire à tous les enseignements du Christ. Pour ce qui est du “Jihad” que l’on traduit par “guerre sainte”, cela représente en soi une aberration. Une guerre, c’est-à-dire un instrument de mort et de destruction peut-il se parer du label de la sainteté?!
Il est temps que les hommes et les peuples, quels qu’ils soient cessent, enfin, pour se libérer de leurs propres démons, de prendre Dieu en otage.

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