Si les relations damitié entre la France
et le Liban remontent historiquement à Saint Louis et si elles
concernaient dabord les chrétiens et leurs institutions,
elles ont évolué à travers les siècles pour
toucher lensemble du pays, toutes communautés confondues.
Certes, elles ont traversé des orages et des périodes de
tension et dincertitude, mais la mémoire a gommé tous
les sujets de frictions pour ne conserver que la transparence dun
passé qui perpétue actuellement, sous des formes rénovées,
des traditions quil est difficile de renier.
Charles de Gaulle, plus quun mythe. |
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Le président Chirac accompagné
du Premier ministre Rafic Hariri
visitant la maison habitée par de Gaulle.
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En suivant le raisonnement de feu Boutros Dib (ancien
directeur général de la présidence de la République
libanaise, ex-ambassadeur et recteur de lUniversité libanaise)
tel quil lexpose dans la préface du livre dAlexandre
Najjar De Gaulle et le Liban-Vers lOrient compliqué
1929-1931 qui vient dêtre publié aux éditions
Terre du Liban, lhistoire des relations entre la France et le Liban
remonterait, dans loptique gaullienne, à la nuit des temps.
Cette histoire, il lentrevoyait depuis les ténèbres
de lAntiquité et la suivait à travers les âges
où elle na cessé de se tisser sur les continents et
sur les îlots. Témoins, entre autres, les artères
de communication de la vieille Gaule, le port et le nom de Marseille (Marsa
El, ou port du dieu phénicien El), les routes de lambre,
de létain, de la soie, des épices, de... lInde,
dont selon la conjoncture, nous eûmes, les uns et les autres et
souvent ensemble, à payer ou à percevoir les péages.
Mais il en est une qui, par sa nature transcendante à la matière,
domine les conjonctures, cest la route de lesprit et de sa
quintessence, la culture que nourrit cette Méditerranée,
suffisamment petite, selon le mot de Braudel, pour différencier,
mais pas assez pour séparer. Est-ce par pur hasard que le Liban,
berceau de lalphabet, a été considéré
comme un trait dunion entre lOrient et lOccident, un
Orient dont il fait partie intégrante et un Occident où
il ne se sent pas étranger?
Lettre de Saint Louis
Notre cur sest rempli de joie lorsque nous avons vu
notre fils Simon, à la tête de vingt-cinq mille hommes,
venir nous trouver de votre part pour nous apporter lexpression
de vos sentiments et nous offrir des dons, outre les beaux chevaux
que vous nous avez envoyés. En vérité, la sincère
amitié que nous avons commencé à ressentir
avec tant dardeur pour les maronites pendant notre séjour
à Chypre, où ils sont établis, sest encore
augmentée. Nous sommes persuadés que cette nation,
que nous trouvons établie sous le nom de Saint Maron, est
une partie de la nation française, car son amitié
pour les Français ressemble à lamitié
que les Français se portent entre eux. En conséquence,
il est juste que vous et tous les maronites jouissiez de la protection
dont les Français jouissent près de nous et que vous
soyez admis dans les emplois, comme ils le sont eux-mêmes.
Nous vous invitons, illustre émir, à travailler
avec zèle au bonheur des habitants du Liban et à vous
occuper de créer des nobles parmi les plus dignes dentre
vous, comme il est dusage de le faire en France. Et vous,
seigneur patriarche, seigneurs évêques, tout le clergé
et vous, peuple maronite, ainsi que votre noble émir, nous
voyons avec une grande satisfaction votre ferme attachement à
la religion catholique et votre respect pour le chef de lEglise,
successeur de Saint Pierre à Rome; nous vous engageons à
conserver ce respect et à rester inébranlables dans
votre foi. Quant à nous et à ceux qui nous succéderont
sur le trône de France, nous promettons de vous donner, à
vous et à votre peuple, protection comme aux Français
eux-mêmes et de faire constamment ce qui est nécessaire
pour votre bonheur.
Donnée à Saint Jean dAcre le 21ème jour
de mai 1250 de notre règne le 25e
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Arrêt sur quelques dates
Retour à 1248. A cette date, Louis IX débarque sur lîle
de Chypre, point de convergence de la nouvelle croisade et y reçoit
un accueil chaleureux de la part de 180.000 maronites dont 5.000 laccompagnent
dans sa campagne en Egypte. Des renforts venus du Liban aident à
sa libération quand il est emprisonné à Mansourah.
Le roi exprime alors sa reconnaissance par une lettre adressée
aux maronites et fait don de sa crosse à lOrdre des moines
maronites contemplatifs.
Le passage des Croisés ou Franj au Liban laisse, du
nord au sud, des vestiges architecturaux de toute beauté qui ont
résisté à lusure du temps. Les Croisés
sont contraints de quitter le pays après la chute de Tripoli et
de Saint Jean dAcre en 1291.
Arrêt sur quelques dates: en 1536, François 1er signe avec
le sultan turc Souleiman le Magnifique, un traité qui lui assure
la protection des chrétiens et des Lieux saints. En 1603, le roi
Henri IV renouvelle ces Capitulations, en préservant davantage
les intérêts de la France. A cette époque, lémir
Fakhreddine II étend son autorité sur Beyrouth, la Békaa,
la Galilée.
Le 28 avril 1649, lévêque de Tripoli, Mgr Ishac Chédrawi,
après avoir plaidé auprès de Mazarin la cause des
chrétiens du Liban, obtient de Louis XIV, des gages pour leur protection.
Le jeune roi sollicite les Pachas et Officiers de sa Hautesse le
Grand Turc en faveur de ses protégés.
En 1860, lorsque les chrétiens sont persécutés dans
le Chouf (Mont-Liban), Napoléon III organise une expédition
conduite par le général Beaufort dHautpoul pour assurer
leur protection, les ramener dans leurs villages et reconstruire leurs
habitations. La France semploie dès lors à faire appliquer
le Protocole du 8 juin 1861 établissant le régime des Moutassarifiat.
La guerre de 1914-1918 annonce la fin de lautonomie en vigueur depuis
1861, labrogation des Capitulations et la disgrâce des amis
de la France qui comptent parmi les chrétiens et les musulmans.
Certains dentre eux sont condamnés à mort et pendus
à la place des Canons le 6 mai 1916.
Tout au long du XIXème siècle, les Orientalistes, écrivains
et artistes sont venus puiser leur inspiration au Liban. Les congrégations
religieuses ont ouvert des écoles et des universités au
Liban. Elles y dispensent toujours un enseignement de qualité.
De Gaulle avec son épouse Yvonne et des amis,
lors dune excursionprès de Beyrouth en 1929.
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LOrient compliqué
Le 1er septembre 1920, le général Gouraud proclame, à
la Résidence des Pins de Beyrouth, la naissance du Grand-Liban.
La même année, la Société des Nations place
le Liban sous mandat français.
Le 28 août 1942, le général de Gaulle annonce aux
Libanais labolition du Mandat et la proclamation de lindépendance.
Il avait passé, en compagnie des membres de sa famille, deux années
au Liban (1929-1931). Ses missions en 1941 et 1942 ly ramèneront
à plusieurs reprises. Le Liban fera désormais partie de
son paysage politique. Si nous sommes heureux de prendre de nouveau
contact avec le Liban, déclare-t-il le 27 juillet 1941, cest
dabord parce que dans tout cur de Français, le seul
nom du Liban évoque quelque chose de particulier. Les Libanais,
libres et fiers, ont été le seul peuple dans lHistoire
du monde qui, à travers les siècles, quels quaient
été les péripéties, les malheurs, les bonheurs,
les destins, le seul peuple dont le cur na jamais cessé
de battre au rythme du cur de la France.
Lindépendance du Liban est déclarée le 23 novembre
1943. Les troupes françaises achèvent de quitter le pays
le 31 décembre 1946. Entre-temps, le 15 juillet 1945, le Premier
ministre de France au Liban, le comte Armand du Chayla présente
ses lettres de créance au président Béchara el-Khoury.
Une nouvelle qualité de relations régit les rapports France-Liban
que le général de Gaulle arrivé au Pouvoir saura
privilégier. Dès lors, le seul nom du général
de Gaulle donnera une certaine idée de la grandeur de la
France et aussi du Liban.
Tout se passe, en somme, note Alexandre Najjar dans son livre De
Gaulle et le Liban (le premier dune série de quatre
volumes), comme si le personnage du général de Gaulle avait
transcendé les événements dont il avait été
lacteur, pour occuper le cur des Libanais, qui, déçus
de ne pas être gouvernés par des hommes dEtat méritoires,
se seraient, en quelque sorte, rabattus sur de Gaulle, érigé
en mythe - celui de léternel protecteur -, devenu le symbole
même de la liberté, de la dignité et de la résistance
à loccupant. Comme la bien écrit Armand Pignol:
Indifférent au mouvement du temps, de Gaulle demeure un élément
fondamental de la représentation que les populations arabes se
font de la France. Il fonctionne comme une référence sans
référent. Lappréciation réaliste de
la politique quil a menée, sest estompée au
profit dune image stéréotypée intériorisée.
Comment sétonner, dès lors, que tout Français,
pour peu quil évoque le nom de De Gaulle, trouve un interlocuteur
au Proche-Orient.
Cet interlocuteur est aujourdhui le président Jacques Chirac
qui poursuit dans la ligne gaullienne, son amitié envers le Liban
et le monde arabe. Royale ou républicaine, la France continue de
jeter des ponts damitié par-dessus les siècles en
direction de cet Orient compliqué.
Extraits du discours du commandant de Gaulle à lUniversité
Saint-Joseph
de Beyrouth, le 3 juillet 1931 (tirés de De Gaulle
et le Liban)
Cest dun renouveau qua besoin le monde. Jeunes
gens, de quel cachet marquerez-vous votre temps?(...) Le dévouement
au bien commun, voilà ce qui est nécessaire, puisque
le moment est venu de rebâtir. Et justement, pour vous, jeunesse
libanaise, ce grand devoir prend un sens immédiat et impérieux:
car cest une patrie que vous avez à faire. Sur ce sol
merveilleux et pétri dHistoire, appuyés au rempart
de vos montagnes, liés par la mer aux activités de
lOccident, aidés par la sagesse et par la force de
la France, il vous appartient de construire un Etat. Non point seulement
den parrainer les fonctions, den exercer les attributs,
mais bien de lui donner cette vie propre, cette force intérieure,
sans lesquelles, il ny a que des institutions vides. Il vous
faudra créer et nourrir un esprit public, cest-à-dire
la subordination volontaire de chacun à lintérêt
général, condition sine qua non de lautorité
des gouvernants, de la vraie justice dans les prétoires,
de lordre dans les rues, de la conscience des fonctionnaires.
Point dEtat sans sacrifices: dailleurs, cest bien
de sacrifices quest sorti le Liban. Le Beyrouth nouveau le
sait, qui a consacré ses deux premiers monuments à
la mémoire de vos martyrs.
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