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Philippe Lecourtier, ambassadeur de France
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Thomas Litscher, ambassadeur de Suisse
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Simon Wilfrid N’toutoume-Emane, ambassadeur du Gabon
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Abdel-Jalil Fenjiro, ambassadeur du Maroc
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Philippe Lecourtier, ambassadeur de France

Le IXème sommet de la francophonie, qui se tient en terre libanaise à partir du 18 octobre, représente un enjeu important dans le contexte international actuel, de même qu’il porte en lui une charge symbolique exceptionnelle.

photoC’est d’abord un enjeu essentiel pour le Liban. Jamais votre pays n’avait accueilli une rencontre de cette ampleur. Ce sont en effet les 55 Etats et entités membres de l’Organisation internationale de la francophonie, appartenant aux cinq continents de la planète, qui seront représentés au sommet de Beyrouth, généralement au plus haut niveau, celui des présidents et des Premiers ministres. Le Liban, qui assume déjà la présidence de la Ligue arabe, héritera à cette occasion de celle de l’Organisation francophone. Il verra ainsi conforté et reconnu le rôle éminent qui lui revient sur la scène internationale. C’est naturellement pour la France, qui entretient des liens si privilégiés avec lui, un motif de grande satisfaction.
Cette rencontre représente, également, une étape importante dans le développement de l’Organisation francophone. Dans le prolongement des réformes engagées au sommet de Hanoi, en 1997, il permettra d’en renforcer encore la dimension politique. La francophonie institutionnelle sera ainsi mieux à même de poursuivre ses objectifs prioritaires que sont le développement de la concertation dans les enceintes internationales, l’enracinement de la démocratie, la promotion de la diversité culturelle et celle de nos valeurs communes. Elle encourage et soutient aussi l’éducation, à tous les niveaux, et la coopération économique et sociale au service du développement durable et de la solidarité.
Le sommet de Beyrouth, consacré opportunément au “dialogue des cultures”, apportera sur ce dernier plan une utile contribution. Dans un pays qui a su reconstituer son unité après quinze années de conflits et qui, depuis des siècles, représente un pont entre l’Orient et l’Occident, l’Islam et la Chrétienté, cette rencontre sera emblématique des aspirations du monde francophone, et plus largement de la communauté internationale dans son ensemble, dans le contexte de l’après 11 septembre.
La France, qui sera représentée au sommet de Beyrouth par le président de la République, M. Jacques Chirac, est pleinement confiante dans la capacité du Liban à organiser parfaitement cette rencontre afin de servir les causes de la francophonie et de démontrer aussi sa vocation de pays d’accueil et de dialogue international.


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Thomas Litscher, ambassadeur de Suisse

En tant que pays multiculturel, la Suisse incarne l’idée même du dialogue des cultures. Cette idée est chère à tous les Suisses qui ont appris à travers les siècles - et souvent dans la douleur - que seul un dialogue patient et respectueux de l’autre permet de surmonter les incompréhensions et les intolérances.

photoA l’heure où la mondialisation multiplie, précisément, les contacts entre des cultures et des civilisations jadis éloignées, Les risques d’incompréhension et d’intolérance augmentent d’autant. Il est, en effet, naïf de croire que la simple multiplication des contacts amène ipso facto l’harmonie universelle. Bien au contraire, l’Histoire récente a souvent montré que les premiers contacts favorisent les replis identitaires et les intolérances meurtrières. Il est, de ce fait capital de bâtir des ponts capables de résister aux assauts du temps et des préjugés humains afin que les hommes s’y rencontrent, s’y fréquentent et finissent par s’y aimer. A n’en pas douter, la francophonie est un de ces ponts!


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Simon Wilfrid N’toutoume-Emane, ambassadeur du Gabon

“Dans le monde d’aujourd’hui, rien de ce qui se passe quelque part ne peut laisser dans l’indifférence celui qui se trouve ailleurs. A l’heure de la globalisation, partage, partenariat, solidarité, doivent devenir les maîtres mots de la relation entre les peuples du monde et des échanges au sein de la communauté internationale dans tous les domaines de l’activité humaine”. Citation faite par Son Excellence el-Hadj Omar Bongo, président de la République gabonaise.

photoLa francophonie, c’est d’abord plusieurs centaines de millions d’êtres humains aussi divers qu’il est possible, qu’une même langue rapproche et rassemble. Ce qui représente donc un marché important, une force économique, avec ce que cela implique de matières premières, de produits manufacturés, etc... Mais la francophonie économique c’est un grand défi, disait le professeur canadien Michel Tetu. Car, il faut le reconnaître, la majorité des pays francophones sont des pays en voie de développement qui ont besoin d’aide. Leur appel lancinant se répète de réunion en réunion. La solidarité au sein de la francophonie ne doit pas être un vain mot. Pour qu’il y ait de véritables échanges économiques au sein de la francophonie, il faudrait au préalable “muscler” les économies des pays du Sud. Ces pays ont besoin d’un apport financier plus élevé, d’une coopération économique plus adaptée.
Devant les maires francophones réunis à Brazzaville en juillet 1987, le Premier ministre français et maire de Paris (l’actuel président français, M. Jacques Chirac), réaffirmait les missions du français qui doit être la langue de la culture, de l’économie, du social et du technique: “Le développement des techniques, disait-il, lance un défi aux francophones”. Je crois que pour relever ces défis, il importe que les pays francophones les plus favorisés ne restent pas sourds aux difficultés qui assaillent les plus faibles économiquement. Concrètement, je fais allusion au fardeau de l’endettement, à la mobilisation de l’aide, à la lutte contre le sida et le paludisme. Bref, il est impérieux que les pays francophones les plus riches soutiennent les efforts des pays les plus déshérités dans les réformes économiques nécessaires à une croissance soutenue, seuls à même d’éradiquer la pauvreté.
Raison et volonté, solidarité et enthousiasme se doivent d’être les manifestations au fondement de l’implication de tous les Etats au sein de la francophonie. La survie de tous est à ce prix, car le bonheur n’est jamais total que partagé.
Pour développer les échanges au sein de la francophonie, la condition sine qua non est l’ouverture des marchés des pays francophones du Nord. A quoi servirait en effet, une aide accrue envers les pays les plus fragiles économiquement, à quoi servirait de faire œuvre d’imagination pour trouver une solution aux problèmes de la dette, si les pays bénéficiaires ne peuvent écouler leurs produits sur les marchés des pays développés de l’espace francophone et à des conditions raisonnables.
Je suis persuadé que l’assurance d’un débouché effectif est, en effet, fondamental pour nos pays du Sud qui ont des marchés de dimension économique très réduite ne leur permettant pas d’accéder à la production de grandes séries. Nos pays ont un besoin impératif de débouché international. Ils ne peuvent plus se complaire dans les modèles de relative autonomie, dit autocentrée, qui ont largement échoué.
Le partenariat au sein de la francophonie apparaît un élément important dans la stratégie globale de développement de nos pays. Le grand marché francophone “débouché” ne doit donc pas être limité par les moyens directs ou indirects qui réintroduisent dans la gestion d’accords de coopération des limitations, diminuant par exemple l’accès des produits libanais sur le marché canadien, ou africains sur le marché français. Apportons à l’échelle des continents, comme disait le président François Mitterrand, la preuve que rien ne peut se faire sans que les cultures se croisent et se nourrissent l’une l’autre, sans que s’inventent, hors des ambitions de pouvoir ou de fortunes, les nouvelles formes de l’universel.


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Abdel-Jalil Fenjiro, ambassadeur du Maroc

La francophonie est l’une des multiples facettes culturelles du royaume du Maroc, un “héritage” qu’il assume avec sérénité, voire avec fierté.

photoArabe, musulman et africain à la fois, géographiquement à quelques encablures de l’Europe, le Maroc affiche une identité culturelle plurielle où l’amazigh occupe une place toute particulière. D’aucuns parleraient d’“exception culturelle”, je dirais, pour ma part, que le Maroc, par sa position géographique, le brassage des civilisations qu’il a connues et côtoyées, incarne tout simplement cette terre de rencontres, de dialogue, de tolérance et d’ouverture, à l’instar de cet autre carrefour des cultures et des civilisations par excellence qu’est le Liban.
Le défunt roi, Sa Majesté Hassan II - que Dieu ait Son âme - n’a-t-il pas comparé le Maroc à un arbre qui plonge profondément ses racines en Afrique et dont les feuillages bruissent sous les vents de l’Europe?
Aux esprits chagrins qui voient dans la francophonie une “dépendance”, pire, une “aliénation culturelle”, séquelle d’une période révolue, celle de la colonisation française, je me contenterais de paraphraser Kateb Yacine en les invitant à en faire un “butin de guerre”.


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Article paru dans "La Revue du Liban" N° 3867 - Du 19 Au 26 Octobre 2002
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